“KIDDING”. I STARTED A JOKE.

Quinze ans après leur collaboration fructueuse, le tandem Jim CarreyMichel Gondry refait surface pour notre plus grand plaisir ! Mais un plaisir teinté de gêne et d’interrogations tant la série “Kidding” nous pousse dans nos derniers retranchements. Jeff Pickles est un présentateur star pour les enfants. Son univers plagie “1 rue Sésame” ou, plus récemment, “Tibère et La Maison Bleue” et ses sujets de prédilection gravitent autour des grands thèmes liés à l’enfance. La différence, les couleurs, les émotions, tout y passe sur fond de décors peints et de ritournelles entêtantes. Épaulé par une équipe solide de marionnettistes (dont sa sœur) et un producteur sur le qui-vive (son père), Jeff Pickles nous invite dans son monde merveilleux par le prisme d’un écran de télévision. Mais sous le vernis, ce présentateur bienveillant (hanté par la mort accidentelle de l’un de ses fils) craque complètement et explose un à un tous les verrous fictifs qui compromettent son équilibre entre show TV & épanouissement personnel.

Mr Ventura et Mr Oui-Oui sont, donc, dans un bateau et vont s’ingénier à le faire couler par tous les moyens possibles (noyau familial atomisé, histoires d’amour contrariées, sexe à tous les étages et excès de violence) sans gilets de sauvetage.
Pour l’un comme pour l’autre, “Kidding” sonne comme l’œuvre au noir. Scénario construit comme autant de chausse-trappes (nous apprenons toujours après coup les raisons qui ont amené à cette dépression), distribution flamboyante et surprenante, réalisation inventive (et bricolo) mais non dénuée d’érotisme brutal et de noirceur, cette production SHOWTIME nous retourne dans tous les sens sans nous laisser l’occasion de respirer. 
S’éloignant volontairement des séries comiques et aseptisées (elles sont pléthores aux USA), “Kidding” est une farce dramatiquement intelligente qui ne fait de cadeau ni à ses protagonistes ni à son public. C’est surtout la revanche de deux grands ados surdoués, poètes incompris à l’humour surréaliste, un temps broyés par la machine hollywoodienne sur l’autel de la rentabilité mais décidés à en découdre. Ainsi, “Kidding” nous montrera l’envers du décor, à savoir une hypocrisie pratiquée aussi bien dans la cellule familiale de notre anti-héros qu’au sein des coulisses. Un coup de pied dans la fourmilière jouissif où notre idole des plus jeunes perdra de sa superbe… sans casser préalablement, ça et là, quelques jouets.
Enfin, les performances d’acteurs -doit-on encore le souligner? – de Catherine Keener, Frank Langella et Judy Greer emportent l’adhésion face à un Jim Carrey déroutant et insaisissable. Alternant “jeu outrancier” et viscéralement “rentré”,  “Stanislavskien” et “Brechtien”, ce dernier s’échine à rendre son personnage de “Claude Pierrard” antipathique par tous les pores de sa peau. Et, dans un cri , semble défier le temps tant son visage élastique se prête à toutes les facéties et excès de colère. Une série vacharde, trash, addictive et politiquement incorrecte. Une blague de mauvais goût. Une comédie faussement italienne au scénario retors et aux protagonistes attachants même dans leurs plus basses actions.

On n’avait pas vu cela depuis… Breaking Bad?

John Book.