“Kajillionaire” de Miranda July. Girls just want to Have Fun

Itinéraire d’une enfant pas gâtée. Old Dolio Dyne, grande silhouette dégingandée de 26 ans, dissimule sa fragilité dans un t-shirt trop grand pour elle. Elevée sans tendresse dans l’apprentissage de la combine quotidienne, cette jeune femme trompe son ennui et son désœuvrement dans une Amérique anémique. Sous le joug de ses pathétiques parents, monstres égoïstes et insensibles, notre anti-héroïne en mal d’amour verra enfin sa vie chamboulée par l’arrivée impromptue d’une ravissante portoricaine.
Miranda July, cinéaste rare- trois productions en quinze ans- est de retour! Et quel retour!
Conjuguant scènes poétiques et diagnostic brutal d’une société qui vomit ses laissés pour compte, cette artiste “touche à tout” ne choisit pas de verser dans la tragédie lacrymale mais de l’embellir. Ou, pour être plus précis, de lui tordre cou. En réponse à un contexte difficile (un cadre familiale anthropophage et en contradiction avec les aspirations d’une femme-enfant), notre douce Miranda ponctue son long-métrage de non-sens et nous ballotte entre comédie dramatique et objet filmique non identifié.
Epaulée par un casting hors-pair ( Evan Rachel Wood-toute en tension retenue et voix caverneuse- délivre une composition sur le fil, Richard Jenkins incarne avec délectation un père roublard et adipeux, Debra Winger, mère indigne, convoque la délicate Sissy Spacek et la volcanique Jennifer Jason Leigh en une seule moue et Gina Rodriguez campe une femme déterminée avec aplomb), une bande-son délicate et un photographe de plateau inspiré, cette nouvelle folie de la réalisatrice de “Moi, toi et tous les autres” pioche dans une esthétique proche des clips de Spike Jonze et offre ce que le cinéma indépendant fait de mieux.
Riche, profond, ancré dans notre réalité mais légèrement “dérangé” (cette scène cosmique dans un cagibi!) “Kajillionaire”- récompensé à juste titre par le “Prix du Public 2020” à l’Etrange Festival- est une errance fantastique qui nous inspire dans un plan final incandescent… et fracassant de simplicité.
 
A n’en pas douter, Mademoiselle July fait ses courses chez Jacques Tati!
 
John Book.