« Un regard », fruit de la rencontre entre Julien Auroux et Boris Guffer (cofondateur du groupe Complot Bronswick), s’impose comme une conversation intime entre voix et textures. Julien Auroux, écrivain habité et juste, dépose ses mots au cœur de la ville, au bord du rivage, tandis que Boris Guffer tisse autour de lui des paysages sonores délicats, traversés d’une électricité suspendue. Les échos sinueux, comme un ruban de Möbius new wave et crépusculaire, intriguent et enveloppent. Ici, l’endroit et l’envers se confondent dans une double lecture qui révèle la complicité d’une poésie profondément sensible.
En six titres, on retrouve la proximité d’une certaine chanson rock française, de Daniel Darc à Bertrand Belin, attentive aux harmoniques et au soin prosodique. Mais on devine aussi une parenté contemporaine : celle de Sufjan Stevens ou encore des morceaux les plus sombres de Noir Boy George, débarrassés de tout lyrisme excessif.
Le rythme mélodique, proche de l’univers de Complot, souligne l’énigme d’une énergie contenue, toujours sur le point d’éclore. On pense alors à des filiations mêlant l’industriel, l’électro new wave de New Order ou la cold-wave de Wire, parcourues d’effluves ambient et de lignes rock épurées.
Sur le plan technique, l’album joue avec subtilité sur la spatialisation : la voix s’avance, se retire, se dissimule parfois en arrière-plan, tandis que quelques effets étirent les ambiances sans jamais brouiller la narration. On sent un geste en retrait, offrant un espace respirant, propice à l’introspection.
« Un regard » nous convie ainsi à une écoute en clair-obscur, où la collaboration Auroux-Guffer agit comme un double regard : intérieur, mais toujours ouvert au monde.
