Et un quatrième convive supplémentaire à la grande Table! Nous avions quitté John Wick, plein de rage et de fureur, dans l’étourdissant “Parabellum”, bien décidé à détruire l’organisation qui a ruinée sa vie. C’est donc l’esprit chargé d’interrogations que je pénètre dans la salle de projection, me demandant comment la volonté du tueur le mieux sapé de la planète allait mettre fin à la plus puissante mafia vue depuis longtemps. Et c’est tout l’inverse qui se produit! Lassé d’avoir à “corriger”, d’épisode en épisode, les exactions d’un homme dangereux (mais ô combien sympathique à nos yeux!), le mystérieux cartel fait appel à un Français pour faire “table rase” du passé et appuyer son pouvoir là où cela fait mal (à savoir l’éradication de l’Hotel Continental et de son personnel). John Wick, en cavale et dont la tête est mise à prix, devra pactiser avec ses anciens partenaires afin d’enterrer, définitivement, cette pieuvre aux interminables tentacules et ce consommateur de cuisses de grenouilles.
Promo massive, interviews en pagaille, opération séduction à travers le Monde, “John Wick: Chapitre 4” déboule dans notre hexagone et flatte notre ego de parigot.
Et pour cause!
Une partie de ce dernier segment (?) fut élaborée en 2022 dans notre belle capitale avec-pour mot d’ordre secret- de ringardiser “Mission Impossible- Fallout” de Christopher Mc Quarrie, “La Vérité sur Charlie” de Jonathan Demme et la série “Emily in Paris” dans un même élan. Glamour et action. Baston et frissons. Mais, au final, est-ce vraiment le cas?
Excepté le premier du nom dont la trame s’appuie surtout sur une histoire de vengeance, la saga “John Wick” puise inépuisablement dans le jeu-vidéo et les comics pour ses trames narratives. Sorte de “Street Fighter” où les décors évolueraient au gré des missions et où le choix des armes s’étofferait en fonction du big boss à affronter, l’univers de “John Wick” est un film d’action branché sur le pouls d’une génération. Oubliés, les McLane furibards et Dirty Harry nonchalants. Point d’affrontements plus vrais que nature. Pour “John Wick”, le réalisateur s’appuie sur des combats ultra-chorégraphiés et des jets d’hémoglobines numérisés. Ainsi, à l’instar de Takeshi Kitano et son remake déjanté de “Zatoïchi”, ce déballage du “faux” créé la distance nécessaire entre une violence stylisée à outrance et un public avide de sensations fortes.
Tout sonne faux mais tout sonne juste, donc, dans ces ballets morbides où les entrechats ont du chien et où les dialogues minimalistes sonnent comme des coups de feu.
Keanu, Faster Fred Astaire, prompt à se taire.
“John Wick” ne fait, donc, pas dans la dentelle mais pas dans la mortadelle non plus. La recette est connue et elle fonctionne. Toutefois, ces cascades incessantes marquent, aussi, une limite et la redondance de certains effets (le tir en plein visage, les roulades, la lutte à terre, les défenestrations, etc…) lasse. “I need more” pourrait entonner une audience en quête de “nouvelle donne” du film d’action.
Paresseux, cet ultime baroud? Ou fier de ses attributs jusqu’à l’ivresse?
Un peu des deux et il faudra patienter jusqu’à l’épilogue parisien du film pour que ce dernier explose, enfin, ses codes précédemment employés.
Keanu Reeves, taiseux à souhait, renfile la veste pare-balles sans le moindre signe d’essoufflement, Laurence Fishburne (épatant en Bowery King, mi- Falstaff mi- Fisher King) lui donne la réplique avec panache, Ian McShane est toujours aussi flegmatique, Donnie Yen reprend son rôle de justicier aveugle entraperçu dans l’éblouissant “Rogue One: a Star Wars Story” sans sourciller, Shamier Anderson est un “Nobody” (clin d’oeil appuyé au film de Ilya Naishuller) des plus savoureux, son acolyte poilu mérite un sac de croquettes premium ou un Oscar, Hiroyuki Sanada ( Ayato dans “San Ku Kaï!) en impose sans se forcer… et le regretté Lance Reddick tire sa révérence dans une scène absolument bouleversante.
Cliché ambulant, le méchant est une fois de plus attribué à un français qui n’en est pas un (joué phonétiquement et maladroitement par Bill Skarsgard). Apprêté et emprunté, son jeu manque de rondeurs et agace. C’est une mode un peu passée mais toujours vivace. Depuis “Wakanda Forever” et tant d’autres, le Frenchy est la cible idéale de nos voisins outre-Atlantique. Ici, le Marquis de Gramont parle un charabia que seuls les ricains semblent comprendre. Autant donner le rôle d’un malfrat russe à Vincent Cassel, tant qu’on y est.
Enfin, il faudra signaler à la french crew des cascadeurs qu’il est de bon ton de ne pas employer la même équipe d’une scène à l’autre. Une casquette de titi ne masque rien. Encore moins une “gueule” reconnaissable entre toutes. Cour de récréation. Pan ! T’es mort ? On fera comme si t’étais pas mort…
Et puisque je mentionne notre belle capitale, je me dois de revenir à la dernière demi-heure explosive qui éclaire ce bien lugubre chapitre.
Je le concède, nos arrondissements vus par les Yankees sont de mignonnes cartes postales. Le Trocadéro, au petit matin, n’a jamais été aussi vide et la station “Porte des Lilas” aussi baroque. Mais du point de vue bourrinnade, je m’incline, ça balance pas mal à Paris. Plans-séquences étourdissants. Tour de passe-passe numérique ou cascades savamment orchestrées, difficile de s’y retrouver dans ce bordel métallique. Chad Stahelski fait fi de la vraisemblance. Chez lui, la Place de l’Etoile est un terrain de jeu miné et le Sacré Cœur plagie OK Corral. Western spaghetti, free-fight, Les Guerriers de la Nuit et John Woo dans le même panier.
Autour de Mister Wick, les corps volent, se percutent, s’emplafonnent et se brisent. L’Armageddon circule en sens inverse et Hidalgo fait la gueule. Un malinois prend son élan vers un casse-couilles (private joke). Les véhicules se lancent comme des missiles et Mr Reeves, Maitre de Bal(les) compte les poings. Invraisemblable ? Of course. Too Much? Non. Car ce mélange épicé fait tout le “sel” de cette dernière escapade européenne et apocalyptique. Deux heures quinze à trépigner. Trente minutes à s’en gargariser.
Je ne vous dévoilerai rien du dernier plan qui clôture cette chasse depuis bientôt dix ans. Mais l’image, ô combien symbolique, vaut le détour et c’est le cerveau retourné que nous quittons ce grand huit émotionnel.
On m’avait promis du “lourd” et c’est du “Heavy”. Du Punk.
“John Wick 4” ou Nevermind the bollocks-buster.
Epique. C’est le mot.
“A drink, Mister Wick?”
Oui.
Et royal (canin) au bar… pour tous les clébards.
John Book.