Chez The Spitters, tout part d’une amitié. Une bande de potes soudés depuis le collège, unis par l’envie furieuse de faire de la musique, de crier fort. Dix ans plus tard, quatre albums au compteur et une réputation scénique explosive, le groupe n’a rien perdu de cette urgence primitive, et a même gagné en lucidité. Avec « Fake Brutal », leur nouvel album, les Spitters signent un tournant : plus sombre, plus frontal, mais toujours brûlant de sincérité.
Le punk reste leur langue maternelle, héritée des Damned ou des Buzzcocks, mais leur accent s’est teinté de modernité, nourri par une scène actuelle bouillonnante. Derrière les riffs acérés et la tension électrique, il y a désormais une réflexion plus intime, un brin politique : la dénonciation des faux-semblants, des réseaux qui dévorent, de la quête vaine de reconnaissance.
Entre deux tournées et quelques litres d’adrénaline, Max, chanteur et guitariste, nous raconte cette évolution, ce besoin vital de se réinventer sans jamais trahir leurs racines. Une discussion à l’image du groupe : intense, honnête et sans filtre.
Vous vous connaissez depuis le collège, comment cette amitié initiale influence-t-elle encore aujourd’hui votre manière de composer et de fonctionner en groupe ?
Disons que le fait de se connaître aussi bien nous permet d’aller vite musicalement parlant. Nous sommes très connectés, les idées ou propositions sont écoutées par tout le monde et nous trouvons des consensus rapidement, aussi bien dans notre amitié que dans la composition. Toutes ces longues heures de répétitions, de route en tournée, de moments de vie commune nous permettent d’être de plus en plus soudés et je pense que ça se ressent dans ce que nous avons a donner.
Après plus de dix ans de route et quatre albums, qu’est-ce qui a le plus changé dans votre façon d’aborder la musique et la scène ?
Je ne parlerai pas forcément de changements dans notre vision globale des concerts ou enregistrements studio. Je pense qu’un groupe c’est comme un couple, à savoir, la création d’un refuge coopératif où nous pouvons alimenter nos envies. Le désir de composer pour notre public et de partir en tournée est en constante croissance !
Vous évoquez des influences aussi bien punk 77 (The Damned, Buzzcocks) que contemporaines (Stiff Richards, Wine Lips). Comment parvenez-vous à équilibrer héritage punk et sonorités modernes ?
Ce n’est pas vraiment un protocole réfléchi, disons que nos influences initiales, telles que ces groupes de punk 77, ont forgé une base solide pour nous, et la découverte de superbes formations comme Wine Lips et bien d’autres nous permet une réflexion plus actuelle sur les mises en places, l’utilisation de sons moins conventionnels ou plus modernes. Il y a actuellement une variété incommensurable de groupes inspirants… je ne pense pas que l’on ait une vraie volonté d’équilibrer les deux, disons que cela fait partie de nous.
« Fake Brutal » semble marquer un tournant plus introspectif pour The Spitters. Qu’est-ce qui vous a poussés à explorer des thèmes plus sombres et plus critiques sur cet album ?
Après avoir composé pendant plusieurs années des chansons avec un fond léger ou romancé, nous avions ce besoin de nous impliquer davantage dans des thématiques qui nous tenaient à cœur : certaines injustices que nous croisons tout les jours, les ravages des réseaux, la course a la gloire… il n’y a que trop d’exemples, sans même s’immiscer dans le caractère purement politique de la chose. C’est donc après pas mal de ras-le-bol que nous avons décidé d’avoir un jugement public sur des choses qui nous dépassent.
Vous avez collaboré avec Mike Curtis et Christian Wright pour le mixage et le mastering de votre disque. Qu’est-ce que cette collaboration a apporté de nouveau à votre son ?
Le fait de collaborer avec deux personnes aussi talentueuses a bien évidemment changé la qualité de notre travail. Mike a donné une dimension encore plus spectaculaire à nos morceaux, tout en gardant notre âme : c’est surement le premier album ou nous retrouvons notre énergie live, la puissance et la précision.
Le morceau “Fake Brutal” est d’une intensité presque animale. Comment est né ce titre, et que symbolise pour vous cette “fausse brutalité” que vous dénoncez ?
Fake brutal a été composé dans un processus similaire aux autres, c’est-à-dire qu’il vient de plusieurs idées enregistrées sur un dictaphone, puis assemblées et remaniées. Il est clairement bestial, ramenant à quelque chose de très pur et très frontal. Ce morceau symbolise l’abolition des faux semblants. J’avais très clairement l’image d’une personne qui doit sourire en continue pour ne pas montrer ses faiblesses, et rester dans ‘le bon côté’, un peu à l’image d’un épisode de Black Mirror, où l’apparence est plus importante que le fond…
La rapidité, la tension et l’urgence sont des marques de fabrique chez vous. Comment parvenez-vous à garder cette énergie sans tomber dans la répétition ou la caricature du genre ?
Ces codes font clairement partie de nous et je pense que c’est assez naturel d’aller vers cette urgence qui nous caractérise pour ne pas aller dans la répétition. Nous essayons sans cesse de nous renouveler, de faire en sorte que l’intention soit différente dans chaque chanson.
Vous avez partagé la scène avec des groupes comme The Hives, Ty Segall ou Bad Nerves. Quelles rencontres ont été les plus marquantes, humainement ou artistiquement ?
Oula ! Toute nos rencontres avec ces “stars” ont été marquantes. Ils sont tellement une source d’inspiration que ce soit dans la composition, les lives, leur gestion de la scène et du public… et outre le côté musical, la gestion de leur groupe ! Je dirais que the Hives reste notre rencontre la plus inspirante et gratifiante.
Vous avez joué dans de nombreux festivals, dont le Hellfest et le Pointu. Qu’est-ce que ces grandes scènes vous apportent de différent par rapport à des clubs plus intimes ?
L’adrénaline est différente, le stress également, le manque de proximité nous pousse à être encore plus fous sur scène ! On adore ça.
Fake Brutal, on sent une volonté de faire évoluer votre discours. Comment imaginez-vous The Spitters dans les prochaines années ?
Très clairement cet album marque un tournant dans la carrière des Spitters, et une volonté de ne plus s’arrêter. Dans les prochaines années, on s’imagine donc en tournée près de chez toi, comme disait un certain Kurt Cobain : ‘on veut tourner tout le temps, partout et pour toujours’.
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