[Interview] Stone Of A Bitch – « Ludwigtory »

« Il était une fois Stone Of A Bitch …» Une fois invoqué, ce sésame magique à l’esprit punk nous introduit dans un étrange duo, porté par Chris au chant et Loïc à la guitare, sorte de Belle et la Bête des temps modernes, et nous dévoile un univers rugueux sans féerie fondé sur l’expression et l’indignation, dans lequel la jugulaire électro-rock qui caractérise le son du groupe fascine à elle seule. Bienvenue dans un voyage intérieur mouvementé.

Accrochez-vous, le combo niçois signe un nouvel EP dense et cinglant, « Ludwigtory » où s’entrelacent guitares abrasives et voix viscérales en cherchant à s’affranchir des formats traditionnels pour proposer une expérience sonore ensorcelante, trash et résolument magnétique. Ce nouvel opus prolonge leur exploration des dualités : le vivant et le synthétique, l’intime et le frontal, le désir et le désespoir. un disque qui agit comme un exutoire, nourri par une urgence émotionnelle palpable, frontale. La complicité des créatures aiguise leur approche physique du projet et renforce l’impact scénique, entre performance et transe vibrante. Ludwigtory est une œuvre exigeante, où la forme épouse le fond : radicale et essentielle.

 

Stone of a bitch revient cette année avec un nouvel EP. Qu’est-ce qui à incarné ce  moment précis vouloir revenir avec un nouveau disque ? 
Depuis la conception de notre EP précédent, on avait en tête cette idée de diptyque sur  les deux personnages qui incarnent le groupe : IntimALICious pour Alice, LUDWIGtory  pour Ludwig. Le principe était de présenter chacun d’entre eux tour à tour, et que chacun ait une empreinte à la fois thématique et sonore. Pour LUDWIGTORY on voulait quelque  chose qui évoque à la fois la détermination, l’engagement, tout en montrant les bases  fragiles sur lesquelles les choses de la vie se construisent parfois. Quand on a eu  suffisamment de nouveaux titres écrits, on a sélectionné ces cinq là parce qu’ils  représentaient bien ces thématiques, et qu’ils formaient un ensemble cohérent. 

 

Vous venez d’un mélange électro/rock déjà bien affirmé. Qu’est-ce que vous avez  voulu intensifier ou transformer de plus dans ce nouvel EP par rapport à vos  précédents titres ? 
Clairement, l’homogénéité des sons. Sur nos prods précédentes, on prenait un peu tout  ce qui nous passait sous la main : guitares acoustiques, pianos, des basses très  différentes, des modulaires délirants etc. C’est sûr que c’est hyper fun, mais après le  risque c’est de se disperser dans les textures ! Là, on a voulu se tenir à une base sonore  consistante (mêmes basses électro, mêmes orgues, mêmes synthés leads, mêmes effets de guitare etc.). Et on s’est concentrés sur une texture qu’on a qualifiée de  métamorphique : des samples de lithophones (instrument construit avec des pierres  métamorphiques), que l’on retrouve dans tous les titres, avec l’intention d’apporter une  empreinte profondément terrestre. 

 

Le groupe s’est construit autour d’une alchimie entre vos deux univers. Sur  « Ludwigtory », comment cette fusion s’est-elle redéfinie ? 
On a assumé le côté plus pop de nos influences, Alice comme Ludwig. C’est-à-dire qu’au  milieu des riffs lancinants, ou tranchants, on est allés chercher des mélodies que tout le  monde peut reprendre en cœur. C’est le cas sur Ludwig’s march, Queens of the sun, ou  Shacket to the royal. On a aussi parfois choisi de rendre les guitares moins  omniprésentes, pour aller davantage chercher dans le synthwave ou le synthnoise, soit  sur des ponts, soit sur les titres les plus lents comme L-Twin et Home. L’alchimie c’était… notre accord sur ces nouvelles directions ! 

Après avoir gagné en autonomie avec votre propre studio et une équipe plus  resserrée, comment cela a-t-il influencé concrètement la création et la production  de l’EP ?
Ca a influencé principalement sur deux aspects : des pré-prods plus abouties, et une  chaîne de production raccourcie. On avait pré-validé cette méthode de production avec  quelques titres en 2023. L’un d’entre eux est sorti en clip (« Metamorphic Run », mashup  de Madonna / Gojira / Visage / Queens of the stone age, mdr), les autres on les joue  exclusivement en live pour le moment. On a reproduit la même méthode à l’identique sur  Ludwigtory : on peut jammer à volonté dans notre home studio, et quand les titres sortent  de notre pré-prod (faite maison), ils sont quasi-prêts à être mixés. Les seules choses  qu’on refait en studio ce sont les voix, un peu de re-amping, et des arrangements supplémentaires qui nous viennent avec notre ingénieur du son une fois que le son est  déjà bien gros. Quand on est pris par la puissance du son qu’offre le studio, c’est là qu’on  entend mieux ce qui manque, ce qui doit être mieux transitionné, ou ce qui est en trop parfois. Une fois qu’on est tous d’accord sur le mix, ça part chez notre ingénieur  mastering.  

 

L’esthétique sonore de cet opus est très cinématique, je trouve. Quelles ont été vos  inspirations visuelles ou narratives ? 
Peut-être parce qu’on regarde beaucoup de clips ces dernières années ; bien plus  qu’avant. C’est devenu une nouvelle façon pour nous de découvrir beaucoup de  nouveaux artistes, parce que ça permet d’entrer encore plus dans leur univers, dans les  messages qu’il essaient de passer. Il est possible que toutes ces images influencent les  structures et les ambiances de nos propres titres, inconsciemment. Aussi, c’est vrai que  sur nos derniers clips de cet EP il y a eu du travail sur le mouvement. Home en particulier : avec le réalisateur, on avait cette idée de décor très épuré, très statique qui allait prendre  vie par la danse de la chorégraphe, et par les jeux de lumière. C’était un travail  d’équilibristes ! 

 

Vous revendiquez une forme de résistance dans votre démarche artistique et  humaine. Quel combat ou quel message vous motive le plus aujourd’hui ? 
En 2025, le champ de résistance tellement vaste… quelles sont les options qui s’offrent  encore aux peuples pour tolérer ce monde ? Sur Ludwigtory ce qui nous a guidés, c’est  l’indécence de la victoire contemporaine. Cette espèce d’injonction maladive, de  surenchère de quelques-uns à revendiquer des victoires alors qu’elles sont la plupart du  temps synonymes d’instabilité plus grande, ou de destruction supplémentaire. Comment  certains peuvent encore se battre pour une croissance à deux chiffres alors que c’est un  modèle qui mène au précipice ? Comment peut-on encore se réjouir de victoires sportives quand elle sont accompagnées de manifestations tueuses ? Les exemples sont nombreux, et à toutes les échelles.

Vous semblez avoir été très attentifs à l’impact live. Comment avez-vous pensé à la  transposition scénique de ces nouveaux morceaux ? 
Justement : en évitant d’avoir à transposer ! On écrit sur nos machines, et ce qui est sur  nos machine… c’est ce qui sort sur scène. Aussi, avant on composait sur un Sound System de home studio : DAW, effets externes, enceintes de monitoring… ; aujourd’hui on compose directement sur un Sound System de live. Du coup, ce qui va changer sur  scène d’un soir à l’autre, c’est notre performance de musiciens, en fonction de notre  forme, notre humeur, ca vient forcément donner une tonalité particulière au set ; ce qui  change aussi c’est la nature de nos impros : quand une partie tourne sur une loop  instrumentale, on est libres de prendre la place qu’on veut prendre à ce moment là,  souvent en fonction aussi de l’échange qui se met en place avec le public. 

 

Comment vivez vous l’expérience du live et qu’en retirez vous ? 
Tous les deux on adore le live. On a vécu beaucoup de choses intenses chacun dans notre vie, et sans vouloir exagérer, on est tous les deux d’accord aujourd’hui pour dire que tourner, c’est l’une des plus belles expériences possibles de vie. Le ressentir comme ça,  c’est évidemment très personnel, c’est lié à notre histoire, à notre identité. Mais cette idée  d’explorer en permanence, de ne pas savoir quelle surprise, quelle rencontre, quel  évènement nous attend quelque part, c’est tellement grisant. On est tellement  reconnaissants vis-à-vis des personnes qui nous aidé à monter ces dates sur cet EP et sur les sorties précédentes, vraiment. C’est notre lifestyle et on en redemande ! 

Avec tout ce chemin parcouru depuis 2017, qu’est-ce que vous avez retenu le plus et  que vous n’auriez pas forcément imaginé aujourd’hui ? 
On avait probablement sous estimé combien tout cet écosystème est fragile. On pensait  naïvement que sortir de la musique suffisait à exister. Mais le système qui porte les  artistes est fragile et volatile. Les structures, les salles, les médias, les artistes eux mêmes… on a vu tellement de monde en difficulté et contraints de jeter l’éponge. C’est  une grande peine à chaque fois. Tout ce tissu fait littéralement l’existence de la création  et de la production. Et sans les autres… on n’est rien. 

STONE OF A BITCH remercie Lust4Live et ses lecteurs de nous avoir accordé un peu de leur attention ! Au plaisir de vous croiser 🙂