[Interview] NUMA [7534] “Nénuphar”

Après un premier album Mothership Down, sorti en septembre 2020, le quatuor parisien NUMA [7534] revient cette année avec un nouvel EP “Nénuphar”. Naviguant dans un univers musical entre rock progressif dynamique, heavy rock mélodique et jazz rock planant, autant de nuances multiples qui donnent un ensemble efficace. Les six titres, inspirés principalement des témoignages bouleversants du documentaire Human, réalisé par Yann Arthurs Bertrand, explorent les traumatismes à travers cette thématique forte. Véritable ascenseur émotionnel, les morceaux instrumentaux et les chansons mélodieuses à l’esthétique post-prog déroulent un fil narratif captivant. Quelque part entre Radiohead et Jeff Buckley ,”Nénuphar” est un condensé d’ambiances riches aux sonorités puissantes, audacieux et maîtrisé. Remarquable.

Pouvez-vous nous parler de lorigine de NUMA [7534] ?
Le groupe a été fondé en 2018, nous nous sommes tous rencontrés dans une école de musique à Paris. Notre premier objectif à l’époque était de se produire en concert de fin d’année sur la péniche Petit Bain à Paris, comme projet artistique. Il nous est vite apparu que c’était le début d’une longue aventure et que nous avions envie d’aller plus loin ensemble. Nous nous souvenons avoir passé beaucoup de temps dans les petites salles de répétition à améliorer nos premiers morceaux. On se souvient de l’enregistrement à distance de notre premier LP “Mothership Down”, pendant la pandémie de coronavirus, davantage comme une activité nécessaire pour entretenir notre créativité. Cette période très compliquée a révélé que nous sommes un groupe d’amis soudés et déterminé qui ne veulent pas abandonner.

Après “Mothership Down” (2020) vous revenez cette année avec un nouvel EP “Nénuphar”. Vous a-t-il permis de mieux affirmer votre esthétique musicale ?
Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli jusqu’à présent. Avec ce nouveau chapitre, nous avons cherché à approfondir le son du groupe, ses nuances et surtout sa dualité. Nous avons réussi à trouver une bonne formule pour emballer un tel projet. Nous voulions donner une direction artistique assez précise dans un genre très large. En ce moment même, nous changeons, nos aspirations créatives et nos envies musicales se transforment, le voyage continue. Nous ne sommes pas à court d’idées, la volonté est maintenant prendre le temps de les développer, d’améliorer nos points forts et de rendre notre musique aussi authentique, intéressante et ouverte que possible.

“Nénuphar” est une collection de chansons naviguant entre heavy rock mélodique et rock progressif. Quelles sont vos influences et qu’écoutez-vous ?
En tant que “concept EP”, il peut être écouté sous forme d’un mouvement musical de 25 minutes. Nos goûts musicaux sont très divers. Tout au long de notre parcours en tant que musiciens, nous avons été influencés par de nombreux artistes aux styles différents; le rock, compris aussi avec une certaine liberté, résonne beaucoup en nous. On aime beaucoup de choses : la richesse musicale du jazz rock, les émotions qui se dégagent des titres prog rock de Porcupine Tree, Radiohead, les riffs tranchants et rageurs comme Rabea Massaad, les mélodies recherchées à la Chris Cornell, les ambiances desert rock aux couleurs ethniques ainsi que l’aspect épique de la musique orchestrale. Aujourd’hui, on tombe plus rarement amoureux en écoutant de nouveaux artistes, on essaie d’identifier ce que l’on aime et de le réinventer. Pour n’en citer que quelques-uns : Leprous, Tamino, Biffy Clyro.

Au Delà de la musique il y a aussi beaucoup de sens profond dans vos chansons. Quels sont les thèmes qui se cachent dans vos chansons ?
« Nénuphar » est une combinaison de musique instrumentale et de chansons qui raconte l’histoire d’un voyage d’espoir. Le documentaire « Human » réalisé par Yann Arthus-Bertrand, a été une grande source d’inspiration, car nous a beaucoup touché. Des visuels, un montage et un son époustouflants accompagnent de manière captivante ces interviews souvent choquantes et émouvantes. Les sujets sont variés et certains témoignages ont inspiré les mots et les idées du texte. Notre travail de création vise à mettre en lumière la manière dont certains événements et traumatismes vécus dans des conditions de survie peuvent affecter la santé mentale d’un individu, reflétant ainsi la problématique de l’immigration. L’un des thèmes évoqués est la conscience de la souffrance et le rôle de la peur de la mort dans la recherche de soi. 

Pour concocter le 6 titres de cet opus avec qui avez-vous travaillé ?
Nous avons travaillé assidûment avec notre sondier Adrien Bolko, qui nous accompagne également sur le live. De la phase d’enregistrement à la phase de mixage, des premières prises de batterie aux chœurs, nous avons arrangé, adapté et expérimenté afin de restituer au mieux l’atmosphère et les intentions souhaitées. Nous avons eu plusieurs échanges pour peaufiner le son global de l’EP et avons laissé le master aux mains expertes de Jean-Charles Panizza (Climax Mastering). 

Vous avez défendu vos nouveaux morceaux plusieurs fois sur scène. Comment le public a-t-il réagi ?
Nous avons eu plusieurs occasions de jouer l’intégralité de ce disque en live, sans interruption, comme c’était prévu. Les réactions ont été très positives. Les morceaux sont dynamiques, riches, avec pleins de changements. Le public peut avoir le sentiment de devoir choisir quel élément suivre, de se faire relater une partie de la narration, car les compositions peuvent être complexes à la première écoute. Mais notre intention est précisément de donner cette liberté de choix. Nous aimons ne pas tomber dans l’évidence. Cependant, nous pouvons arriver à des pièces plus pénétrantes, avec un bon équilibre, tout en conservant notre esthétique. Par exemple, comme dans le cas de la version étendue “I Can’t Hold On Any Longer” (choisie comme single), une pseudo-ballade avec du caractères, enveloppée d’un halo de mélancolie, énergétique et surprenante sur sa deuxième partie. Elle devient dense lorsque c’est nécessaire, mais elle reste suffisamment captivante et minimaliste; elle parle beaucoup aux gens. 

Quels sont tes projets à venir ?
Nous sommes en train de repenser le mode de fonctionnement du groupe. Nous sommes également proactifs et en recherche pour agrandir notre équipe, afin de pouvoir donner de l’espace et de la vie à différentes initiatives. Nous nous produirons dans des festivals et dans des belles salles et cette année, nous allons essayer de jouer le plus possible en France et à l’étranger. Nous voudrions produire notre premier album dans un avenir proche, en sortant de l’ancienne ornière et en étant à l’écoute de nos expériences de vie. L’un des prochains projets que nous développons est l’arrangement du nouvel EP « Nénuphar » pour une spectacle immersif avec une orchestre à cordes.  

 

 

Photo de couv. (c) Karim-Chebab