[Interview] LUCIE FOLCH – “Ailleurs”

LUCIE FOLCH, Autour d’elle s’insinue l’instrumentation fine d’une folk douce, savoureusement mélancolique, avec quelques notes de piano ou de guitare sobres et discrètes, où elle soumet ses questions à l’univers, un peu comme si elle lisait à haute voix un journal intime écrit à l’encre sympathique que seule la chanson pourrait révéler. Dualité d’une envie de se dévoiler tout en gardant un jardin secret, envie de dire ce qui est sombre, d’accepter qu’une certaine détresse peut exciter. Dans son premier EP solo “Ailleurs”, d’une belle sensibilité, on a envie de prêter plus attentivement l’oreille et de se tenir en sa compagnie, à l’écart de la cacophonie ambiante pour mieux renouer avec le calme, le besoin de vivre. Dans le timbre, dans le rythme, dans l’émoi, “Ailleurs” est une caresse qui nous secoue en catimini. 

 

Bonjour Lucie, d’où te vient cet amour pour la chanson et la musique ?
Hello ! J’ai grandi avec des parents techniciens (ingé son et ingé lumière), artistes et amateurs de musique. Cela a joué. Même s’ils ne m’ont pas forcé à faire d’un instrument, l’amour de la musique était là. Il y a avait plus de 1 000 CDs chez mon père, classés comme dans une bibliothèque municipale. Du coup, j’y ai découvert Nougaro, Gainsbourg, Keren Ann, ou Mozart. Depuis toute petite, j’aime écrire des chansons. J’ai aussi suivi des cours de piano et chanté en chorale. Et puis ensuite, vers 18/19 ans j’ai commencé à composer de la manière dont je le fais aujourd’hui, avec ma guitare. Ça s’est fait progressivement, je dirais, mais le goût de la musique a toujours été là.

 

Pourrais-tu revenir sur l’origine de ce 1er EP “Ailleurs” ? 
Ça fait plus de 10 ans que je joue sur scène, en groupe avec Harpn’gun et Anita’s Revenge et parfois en solo. Cela fait des années que l’enregistrement d’un EP est un projet… qui ne concrétise pas. Jusqu’en 2022, où je me suis dit : « allez, là tu lances le projet et tu vas jusqu’au bout ! ». On est en 2024 et je suis encore dessus ! A l’origine, je voulais partir de mes compos déjà existantes, les enregistrer, et en faire un premier EP. J’ai donc contacté un ami ingé son et on a calé des dates pour faire ça. J’étais un peu stressé par mes choix artistiques, donc j’ai essayé de me concentrer sur l’essentiel : ce que je voulais dire dans les morceaux et sur ma voix. Je voulais garder une grande liberté sur l’organisation et le déroulé de l’enregistrement, j’ai accepté pour cela que l’EP soit quasiment un live, c’est-à-dire avec très peu d’instruments et d’arrangements. Et, partant de ce souhait-là, le moment venu, on a eu envie de créer des morceaux et on a eu l’espace et le temps pour le faire. Cela a donné naissance à « Where is (s)he » et « The sea » dont j’avais les mélodies en tête depuis longtemps, mais qui étaient des morceaux pas du tout aboutis ! C’est pour cela que cela a fini avec des morceaux au piano sur l’EP, la magie du moment !

 

Avec qui as-tu travaillé pour élaborer ce disque ?
J’ai principalement travaillé avec Gabriel Ducellier, claviériste dans le groupe Fabulous Sheep. C’est lui qui m’a enregistré, qui a fait les parties de piano et qui a mixé. Charles Pernet (Fabulous Sheep) nous a rejoint lors de l’enregistrement pour un arrangement à la basse. J’ai eu la chance que mon père me prête ses deux guitares préférées pour l’enregistrement. Ensuite, j’ai sollicité Globe Audio à Bordeaux pour le mastering. J’ai aussi beaucoup travaillé avec des artistes plasticiens pour les photos, le clip et la scénographie : Nathalie Sapin (photographe/vidéaste) et Nicolas Marquet (Plasticien). En plus du disque, on a fait un livret, et j’ai sollicité Cécile Benazet pour le logo, Sylvie Piquet pour une illustration et Mathilde Morel pour la finition de l’aspect graphique du livret. J’ai aussi eu le soutien de Renaud Corbin, qui a relu mes textes et traductions, et qui me suit dans toutes mes aventures. Et puis, j’ai eu l’aide de Matis Grinbaum, mon conseiller de l’ombre, qui m’a notamment aidé sur la pochette.

Enfin, j’ai intégré Tadam Records pour accompagner la sortie de ce disque, ce qui m’aide beaucoup sur la partie management du projet et communication.

En gros, c’est un EP dit « SOLO » mais je suis très très loin de l’avoir créée seule !  

 

Comment définirais-tu ton univers ?
Mercredi Addams qui aurait épousé un bisounours !

Plus sérieusement, j’aime parler de choses graves, qui me touchent, avec une certaine mélancolie. Pourtant, mon univers est forcément dans un petit nuage doux (ce petit nuage est prêt à pleuvoir !). La musique c’est pour moi un cocon, dans lequel je viens me restaurer, me ressourcer, et me guérir. Même si j’adore le rock, je ne peux pas faire ça en faisant du scream. J’aime les éléments féminins, engagés, colorés, et un peu fantastiques. Musicalement, je suis inspirée par des chants sensibles et mélodiques, comme celui de Regina Spector. J’ai commencé à composer avec Dido et Keren Ann dans les oreilles.

J’aime créer un univers qui s’écoute, qui se regarde et qui se sent dans toutes les cellules de notre corps.

 

Tu dégages beaucoup de force et de douceur dans tes chansons, nappées de folk. Où puises-tu cet esprit particulier ?
C’est un sacré compliment que tu me fais « force et douceur » sont deux mots que j’apprécie beaucoup mis ensemble. C’est peut-être un peu prétentieux, mais j’essaye d’exprimer ma personnalité, ma façon de voir et de vivre les choses. Je pense que dans un parcours artistique, le but est de se découvrir soi-même, y a comme une quête identitaire là-dedans. J’ai à la fois besoin de monter sur scène, qu’on me voit, qu’on m’écoute, et en même temps, paradoxalement, dans la vie, je suis quelqu’un de très réfléchi, de timide, qui se cache beaucoup. Ces dernières années, je suis devenue de plus en plus sensible, à la limite de l’hypersensibilité ; comme le dit Zaho de Sagazan, je pense que c’est ce qui fait la force de certains artistes.

 

Ton dernier single “Where is (s)he” est baigné d’une beauté prégnante dramatique et captivante. D’où vient cette sensibilité que vous exprimez là ?
Il y a 3 composantes : la composition, le piano et puis le clip.

L’aspect dramatique vient d’abord du thème. La première mélodie m’a été inspirée après le décès du mari d’une amie. J’ai été un peu choquée, ne sachant pas comment exprimer cette émotion, j’ai commencé à composer. Puis j’y ai ajouté des éléments qui parlent de la relation mère-enfant, dans l’idée de cette inévitable roue de la vie dans laquelle on fait tous partie. L’image des cendres, de la poussière, m’a beaucoup inspirée.

Ensuite, la partie de piano vient apporter beaucoup de douceur et de pureté au morceau. Il a aussi ralenti le tempo, ça donne un côté encore plus magistral. J’ai aimé dès le début les propositions de Gabriel.

Enfin, le clip a été réalisé en laissant carte blanche à Nathalie Sapin, qui a toujours eu un travail très grunge. Même si l’image et les personnages sont plutôt propres, on sent cette inspiration dans son travail, quelque chose d’un peu étrange, un peu post-apocalyptique. Au lieu de traiter le thème de la mort de façon glauque, on voulait montrer justement la création d’autre chose. On voulait que ce soit plus léger, positif, mais en gardant le côté dense de ce qui est dit. Peut-être que c’est ça qui rend le titre captivant ?

 

Le fait de réaliser un disque en solo a-t-il permis de prendre un peu plus de confiance et d’affirmer davantage tes goûts artistiques ?
Tout à fait. Le fait de réaliser un disque en solo m’a permis de le faire à mon rythme et de ne pas conditionner mes choix à ceux des autres personnes autour de moi. J’avais besoin de me recentrer sur l’objectif, et d’apprendre à mieux me connaître. On pourrait dire « Less is more ». Cela a été un peu dur au moment de renoncer à certaines collaborations artistiques, mais j’avais besoin de m’affirmer dans cette première expérience, qui est réellement très différente des concerts.

Maintenant, je me sens prête à travailler avec plus de musiciens et de musiciennes.

J’ai aussi affirmé des choix importants pour moi, comme aller à fond dans le côté folk ou mettre en avant la voix plus que les arrangements, et assumer les conséquences de ces choix dans le rendu final. Ce ne sont pas des choix définitifs, car je serai contente de tester de travailler autrement plus tard, mais c’était important pour moi de mettre des conditions qui me permettent de donner le meilleur de moi-même, surtout pour un premier EP.

 

 

Cela représente beaucoup d’investissement et de temps, maintenant que ce 1er disque est sorti, comment te sens-tu ?
J’avoue que, depuis qu’il est sorti le 5 avril, j’ai une petite sorte de baby blues. Comme tu le dis, c’est beaucoup d’investissement et de temps, par exemple, moi, ça fait environ 9 mois que je taffe à temps plein là-dessus. Alors, oui, la sortie de « Ailleurs » ça me fait tout bizarre, et ça me donne envie de relâcher un peu la pression en regardant une bonne série. Pour autant, je n’ai pas trop le temps de niaiser : je prépare un live sur Youtube pour le 23 avril (il sera visible sur la page de Phazzz en direct à 20h06 !) et aussi la release party le vendredi 3 mai à Montpellier. J’ai déjà des idées pour le prochain EP, donc cette histoire n’est pas prête de s’arrêter !

 

 

 

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 Crédit Photo : Nath SAPIN