[Interview] Irnini Mons – « Une habitante touchée par une météorite » 

IRNINI MONS Tara Ozem
Oscillant entre force post-punk débridée et délicatesse pop mélodique émotive, Irnini Mons (ex-Decibelles) est la juxtaposition de forces presque psychomagiques tant il semble mystique. Après un remarquable premier EP, le quatuor lyonnais vient de sortir son premier album « Une habitante touchée par une météorite » où ils montrent qu’ils sont passés maîtres dans l’art du paradoxe, en brouillant les pistes pour mieux nous accueillir dans un monde aux multiples facettes. Déroutant, Irnini Mons ne rentre pas dans les cases d’une musicalité formatée, mais ils n’en sont qu’ indubitablement plus captivants. À l’instar d’un rock novateur à la The Ex, si vous avez un tant soit peu le goût de l’intensité et de l’aventure, vous reconnaîtrez là un véritable tour de force. Prodige de la lumière au seuil du chaos, magicien de la fraternité dans un soupir exaltant plein de subtilité, ce disque OVNI ouvre la narration dans une sorte d’incantation poétique chantée à plusieurs voix.  Une véritable bulle d’oxygène kaléidoscopique qui explose les plafonds de verre sociétaux, se constituant titre après titre comme un moment de pure extase.
Pour en apprendre un peu plus une interview s’imposait...

Irnini Mons est en partie construit sur les cendres de Decibelles, l’ADN musical est commun et le son très proche. Pouvez-vous nous dire quel est l’atout majeur de cette nouvelle formation ?
Le plus flagrant, c’est sûrement les chants, les polyphonies. Decibelles avait cette énergie explosive hyper punk, là où Irnini Mons est plus hybride. On a aussi trouvé un équilibre très solide entre nous quatre, autant en tant que musicien.nes qu’individus.  

Vous venez de sortir un 1er album, “Une habitante touchée par une météorite. Quel a été le point déclencheur qui vous a lancés dans son écriture ?
Lorsque nous avons enregistré notre premier EP, nous n’avions jamais joué en live tous les quatre. Tout était à construire, nous avons un peu tâtonné jusqu’à trouver notre flow : l’écriture et la composition collective, à quatre. Ce processus bien intégré, ainsi que la synergie construite en live nous ont mis sur les rails.
L’écriture d’un album était une évidence autant qu’une nécessité.

Y a-t-il eu une longue phase de réflexion lors de l’élaboration des 10 morceaux qui figurent sur le disque ?
Pas vraiment. Une fois le processus trouvé, l’élan créatif a fusé. Entre les nombreux concerts et l’enregistrement, nous étions dans une bonne dynamique et l’élaboration des dix morceaux s’est faite sans trop de difficulté. Ca s’est étalé sur une année car on ne vit pas toustes dans la même ville, mais c’était très agréable et fluide. La complicité que nous avons y est pour beaucoup.

Comment s’est fait le processus d’enregistrement ?
On a enregistré avec Rémi Gettliffe dans son studio alsacien. On avait déjà fait appel à lui pour le premier EP et on apprécie vraiment sa manière de travailler ! (En plus il est absolument trop sympa!) L’album a été enregistré en live, toustes ensemble dans la même pièce (les amplis dans une autre quand même). On préfère enregistrer en live car ça correspond plus à notre manière de faire de la musique, c’est important de recréer l’énergie et la cohésion du groupe, même en studio. Aussi, ce qui est assez singulier dans notre process c’est qu’on mixe le disque dans la foulée avec Rémi. C’est une manière de concevoir nos albums comme une photographie d’un instant. C’est rapidement figé et spontané. En un peu moins de 15 jours, l’album était quasiment terminé!


Repartir avec un format album, c’est un passage forcément important qui marque un nouveau départ. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?
Effectivement, le format album nous a permis une narration plus poussée et précise qu’un format EP (qui lui est très bien pour expérimenter)
Le fait de faire un album nous a permis d’aller plus loin et d’être jusqu’au boutiste dans ce que nous voulions faire, ca laisse plus de place, ça nous a permis de vraiment développer une narration, de faire des détours, d’emprunter plusieurs chemins tout en construisant l’unité du groupe.


Dans votre album, il y a une vraie fraîcheur, beaucoup de subtilité et de fantaisie. Quelle était la chose la plus importante que vous vouliez transmettre avec ce disque ?
Il n’y a pas eu de volonté de transmettre quelque chose de spécifique en amont de la création du disque. Notre boussole était d’être le plus authentique possible, de se libérer autant qu’on le pouvait des codes de genres, ou bien d’avoir conscience qu’on les utilisait et de s’en amuser.
On a réussi à créer un espace de liberté et d’expression assez précieux entre nous et cela nous a apporté beaucoup de joie. On espère à fortiori que nos auditeur.ice.s peuvent accéder elleux aussi à cet espace de joie, de liberté, de créativité en écoutant notre album.

Musicalement, il y a énormément d’influences Pop, Folk, Punk, Rock Psyché. C’est aussi un vaste univers, déroutant par moment, à l’image de vos goûts respectifs ?
Quand tu fais un disque dans ta trentaine, tu as eu le temps de digérer un paquet de trucs niveau musical. On a toustes commencé la musique en groupe très jeune, et eu des parcours assez différents. Dans un projet assez libre comme Irnini, ça semble normal que les personnalités de chacun.e se retrouve côte à côte, se mélangent. Ce qui est plus étonnant c’est que ça fonctionne. Ça pourrait vite être “fusion” et ringard. Mais je pense que notre style est plus basé sur un processus de composition, un univers, un espace de liberté où chacun.e.s s’expriment que par des genres en particuliers.

Au fond, lorsqu’on écoute bien « Une habitante touchée par une météorite », c’est comme si vous construisiez votre propre vision du monde, étrange, romantique et surréaliste, non ?
Totalement d’accord ! C’est exactement ce qu’on fait lorsqu’on crée quelque chose finalement, on construit tout un univers parallèle ! Encore une fois avant que l’album soit fini, nous n’avions aucune idée du monde qu’on allait/voulait créer. Dans Irnini Mons, les choses se font, et on les mentalise ensuite.
Étrange, romantique et surréaliste ça nous va très bien !

Lorsque je vous ai vu sur scène l’année dernière au Transmusical, j’ai ressenti une vraie osmose bienveillante entre vous. Est ce la musique qui vous soude ainsi ?
L’amitié est au cœur de ce groupe. On se connaît toustes depuis très longtemps. Sabrina et Fanny sont ami.es depuis le CP, elles ont rencontré Valentin au collège, et ça fait maintenant 8 ans que Guillaume fait partie du tableau.
L’osmose vient aussi du fait que nous composons tout à 4. De fait, ces morceaux nous appartiennent autant à l’un.e qu’à l’autre. C’est une création commune que nous défendons et célébrons à chaque concert !
Ce groupe de musique, en plus de ses aspirations artistiques, c’est aussi et surtout une expérience de vie communautaire que nous construisons à l’image de ce que nous attendons d’une société idéale : de la bienveillance, de l’entraide, des débats constructifs, du care. C’est pas forcément facile et naturel tous les jours, ça demande des efforts et de l’investissement mais ce n’est rien comparé à ce qu’on en retire.

Photo de couv. par Tara Ozem