Artiste d’origine flamande, toulousaine d’adoption, Heeka, se dévoile dans un 1er album “The Haunted Lemon”. Dans un univers en clair-obscur, celle qui avait d’abord choisi le monde du cirque pour s’exprimer, se sublime à présent dans la musique. Dans la droite lignée d’un excellent EP sorti il y a 4 ans, ce disque, grand format, est un authentique brûlot, folk-rock psychédélique où règne une étrange beauté cuivrée, déclinant, dans un goût de métal, un grondement évocateur d’inquiétude mélancolique.
Magnifiquement orchestré, éperdument dense, plein de vigueur et de délicatesse, Heeka oscille en permanence entre ballade lente et tempos plus énervés pour former une habile mélopée mariant guitare et chant sur une trame d’orage retenue et de mains tendues. Nous y trouvons un sentiment de rage, quasi intimiste, où le besoin d’émancipation teinté de bleu domine dans la flamboyance d’un cri de vie. Puis les jeux d’ombre comme autant d’éruptions organiques nous font chavirer dans un vertige de boucles furieuses. 10 titres à l’odeur de soufre sur fond de marche tendue qui accélère vaille que vaille jusqu’à trouver le bon tempo, le bon groove. Au final c’est un magnifique opus ponctué de soupirs brumeux où Heeka parvient dans un juste dosage de délicatesse, de tension, d’évocation, de retenue en incarnant l’ambivalence qui réside en nous… “The Haunted Lemon” palpite sans faiblir. Épique…
Après un Ep en 2020 tu reviens cette fois avec ton 1er album. Pourrais tu revenir sur ce qui a déclenché la création de cet album ?
Après ce premier EP, j’ai rapidement su qu’un jour je voulais faire un album entier. J’avais envie de passer du temps sur ma musique, aller au bout des choses, pousser mes morceaux plus loin. Il y a une réelle différence entre l’EP et l’album, à savoir que pour l’EP il existait une envie de coller à ce qui se passe en live sur scène, à ce moment-là. Pour l’album, au contraire, j’avais une envie très forte de décortiquer mes morceaux, d’essayer des choses, d’en créer une version album pour ensuite les réarranger pour le live. Je pense que c’est cette envie là qui a aussi déclenché la création de l’album. Aussi, lors de l’enregistrement de l’EP, il s’agissait de ma première expérience en studio, de la première fois que je fixais une musique sur un support, alors je pense que j’ai rapidement eu envie d’une deuxième expérience plus poussée cette fois-ci.
Tu as longtemps évolué dans l’univers du cirque tu as choisi pour autant la musique pour t’exprimer, ressens-tu une aisance particulière que tu n’avais pas dans le cirque ?
J’ai effectivement plutôt grandi dans le milieu du cirque puisque c’est un art et sport que j’ai débuté à mes 9 ans. J’ai ensuite poursuivi ce parcours à travers une option cirque au lycée et deux écoles de cirque diplômantes par la suite. Je me suis malheureusement blessée entre ces deux écoles et ai pris la décision d’arrêter mon parcours, qui était pourtant plutôt déjà tout tracé. Aujourd’hui, je peux dire que je suis contente d’avoir eu à faire ce choix, car je me sens beaucoup plus à ma place dans la musique. C’est un moyen d’expression qui me va mieux, qui est beaucoup plus viscéral pour moi que ce qu’était le cirque.
Comment définissez-vous ton envie de faire de la musique ?
Comme je commence un peu à le dire plus haut, la musique est quelque chose de viscéral pour moi, qui touche vraiment à des choses et émotions très profondes en moi. Mon envie de faire de la musique était au prime abord plus un besoin qu’une envie je pense.
Les 10 titres de “The Haunted Lemon” formes l’union parfaite de force inversée, où violence et douceur cohabitent. Pourquoi cette ambivalence ?
C’est toujours difficile de savoir d’où vient cette ambivalence, ou du moins de l’expliquer. J’aime croire que l’être humain est fait de pleins d’émotions différentes et d’ambivalence et que ça doit être un peu la raison de pourquoi on retrouve ça dans ma musique. Je crois que je n’ai pas très envie de m’enfermer dans une seule force, j’aime laisser place à ce qui me traverse. Après je dois avouer que je suis très très friande de nuances en musique, de douceur planante qui se transforme en un mur de son.
Il y a aussi un aspect bouleversant et terriblement prégnant tel un esprit frappeur. Est-ce que c’est quelque chose de libérateur pour toi ?
Oui oui, c’est clairement quelque chose de libérateur pour moi. Je pense que j’expulse beaucoup de choses que je ne peux et veux pas expulser ailleurs qu’en musique.
Comment s’est passé le processus de création ? A-t-il été difficile ?
La création a été longue puisque j’ai mis près de 2 ans et demi à finaliser l’album. Je ne peux pas dire que dans l’ensemble il a été douloureux car j’ai passé des moments incroyables, des temps de création que je m’accorde rarement, mais je ne peux pas nier le fait que je suis forcément passé par des étapes moins faciles, que ce soit pour cause des sujets traités ou alors de choix d’arrangement à faire. Aussi, j’ai passé beaucoup de temps en studio, pile pendant une année extrêmement chargée pour moi donc la fatigue est aussi venue pointer le bout de son nez là dedans. Mais globalement, quand je regarde en arrière, je me dis surtout que c’était une sacré aventure !
Et pour la composition et avec qui avez-vous travaillé ?
Pour ce qui est de la composition, je travaille seule. Par contre l’album ne serait pas ce qu’il est sans Sylvain Briat avec qui nous avons co-réalisé l’album, qui m’a accompagné sur l’enregistrement, le mixage mais aussi le choix final des morceaux et l’arrangement de certains morceaux. On a passé tout le temps de studio ensemble, il était là pour m’épauler, me conseiller, me pousser plus loin, et jouer au garde-fous sans quoi je crois que l’album ne serait toujours pas terminé (rire )!
Visiblement ton univers sonore navigue entre folk, rock et blues. Quelles sont tes influences ? qu’est ce que tu écoutes le plus actuellement !
J’ai un peu honte mais je suis une piètre connaisseuse en musique, je n’écoute pas énormément de musique mais je m’y met petit à petit ! En ce moment, j’écoute beaucoup Piers Faccini, j’ai eu ma période Fink aussi pour ce qui est du côté plus folk / blues posé. Du côté plus rock, j’écoute beaucoup All Them Witches, les premiers albums de King Gizzard & The Lizard Wizard, l’album Ilion de Slift aussi qui vient de sortir et ma plus grosse claque de ces deux dernières années c’est le groupe belge Amenra, que j’ai découvert en live. Justement, en terme de nuances dans la musique, j’ai vraiment découvert un autre niveau.
Tu as déjà eu l’occasion de défendre ton album sur scène. Quel est ton ressenti lors de ces moments là ?
Sur scène, je joue principalement en quartet avec trois musiciens. Je joue aussi de temps en temps en solo mais je vais plutôt parler du quartet. Pour moi la scène est vraiment quelque chose de libérateur et je suis très contente de la manière dont on a réarrangé l’album pour la scène. C’est beaucoup plus rock, rentre dedans, brut que l’album et ça me plait beaucoup de proposer quelque chose de différent que l’album au public.
Pour moi c’est vraiment les meilleurs moments quand je suis sur scène avec mon équipe, qu’on joue l’album, que je vois les gens content devant moi. J’ai l’impression que c’est un endroit où je peux être moi-même, lâcher les chevaux (et les cheveux) et me laisser traverser par ma musique, par les vibrations, et c’est encore plus plaisant de pouvoir partager ça avec les musiciens qui m’accompagne : Pablo Echarri, Sam Deverell et Manu Panier.
Justement pendant les concerts, retrouves-tu un peu l’univers du cirque ?
Alors pour le coup pas du tout. C’est vraiment très étonnant même à quel point j’ai pas du tout les mêmes sensations. Dans le cirque, j’avais l’impression de monter sur scène pour montrer quelque chose, pour performer, pour appliquer une technique bien ficelée en plus du côté artistique. En musique, j’ai l’impression de monter sur scène pour vivre quelque chose et partager ça avec les gens mais pas pour montrer quelque chose. Il y a des périodes où je me sens plus moi-même sur une scène que dans la vraie vie en musique, ça ce n’était vraiment pas le cas en cirque, même si j’ai vécu des choses incroyables à travers le cirque aussi, évidemment, mais ça reste incomparable comme sensation interne.
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Heeka en concert :
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Photo de couv. (c)Christel Rodriguez