[Interview] Emma Sand Group “Beautiful Boy”

C’est toujours un grand plaisir lorsque Emma Sand sort un nouvel album, fidèle dans cet univers musical où toujours le plaisir est renouvelé. Cette version nouvelle qu’elle nous propose, nommée “Beautiful Boy”, est une fois de plus une longue pièce somptueuse et envoûtante. Dans des alcoves aux volutes électriques, éclairées de couleurs sobres, on entrevoit les silhouettes mélodiques qui s’habillent d’une intimité à vif. Emma investit les esprits, habille l’obscurité, dévoile les contours fantomatiques qui se devinent et s’entendent d’abord dans un murmure, pour enfin dans un cris du cœur nous transpercer. Tout au long de cet opus, les souffles, les effets, les danses se transforment régulièrement en instants pertinents où les pieds frappent le sol en rythmes évoquant un plaisir collectif impossible à retenir. Délicate union de fougue, de douleur et de ferveur,  “Beautiful Boy” est un esprit ouvert sur ce qui semble être le plus important par-delà les sens. À chaque écoute, cette musique nous procure des frissons, fusionnant lumière et obscurité sans fantaisie. 

 

 

Quel était pour toi le point de départ pour l’écriture de ce nouvel album ?
Ce sont des réflexions qu’on a régulièrement sur la façon dont on aborde un album, à savoir si, on va penser à une homogénéité, à un lien, à une histoire, à un mood, à une couleur, mais en réalité c’est pas du tout ça qui se passe. D’abord, ce qui se passe c’est qu’en fait on aime explorer beaucoup de choses différentes. On ne s’interdit rien et cet album reflète nos envies du moment. Avec à chaque fois des petites tranches de vies, d’humeurs et d’émotions. Dans la composition, c’est souvent Frank et moi. Soit j’arrive avec un guitare voix et on commence à développer avec Frank et ensuite en groupe, soit c’est Frank qui arrive avec l’idée de base. Par exemple sur “J.B. Lee“, c’est vraiment un titre de Frank où en l’occurrence, il avait tout le morceau en tête et on avait plus qu’à le dérouler, dans ces cas là, je fais des propositions de lignes mélodiques où on en parle ensemble et j’écris les textes. Et puis sur “La Complainte” que j’ai écrit le premier jet en un jour ou deux et après tu peaufines, tu fais du travail d’ornementation. Ce que je veux dire par là c’est qu’il y a différents processus de création, mais tu vas trouver quand même une cohérence à la fin dans l’album.
On a toujours ce souhait d’embarquer le gens, de les faire voyager en proposant des facettes avec des couleurs musicales différentes…

Justement “La Complainte” est un titre extrêmement fort de cet album ?
C’est l’essence en fait, là tu es à l’os du groupe, parce que Frank et moi on est à l’origine du projet, et c’est vrai que le côté folk c’est quelque chose qui nous touche énormément tous les deux, mais finalement on a quand même pris un virage plus électrique sur cet album.

On retrouve aussi une certaine forme de mélancolie que tu avais déjà sur tes autres opus ?
Oui, c’est quelque chose qui est en lien avec des blessures, avec de la mélancolie bien sûr, avec des états de spleen que je peux avoir parfois, mais j’ai toujours cette envie d’aller vers la lumière. Je le fais avec mes moyens, et là en l’occurrence la musique folk-rock fait partie un peu de cette démarche-là. 
C’est vrai que quand je ne suis pas bien, je prends ma guitare et puis voilà.

 


Tu as déjà réfléchi justement aux raisons de cet amour que tu portes à cette musique entre soft rock et folk ?

En fait, mes parents étaient de grand fan de musique, mais en particulier mon père, puisque j’ai perdu ma mère quand j’avais 8 ans. , ça fait partie des traumas qui nourrissent un peu ma musique. C’est vraiment une cicatrice intérieure qui est un moteur de ce que tu peux être artistiquement parlant et qui alimente ma musique.
Mais donc mon père, puisque c’est lui qui m’a élevé, avait une grande discothèque. 
Je suis tombée rapidement dans Crosby, Stills, Nash et Young, pour la partie folk et puis pour la partie rock, Hendrix, Doors, etc…
Donc quand j’avais 8 ans, dans la maison, c’était Police, c’était Fleetwood Mac, c’était Depeche Mode, etc… Tu vois le style ? Donc en fait, forcément, ça a alimenté très fortement ma culture musicale.
Clairement, je suis tombée dedans grâce aux disques de mon père (rire).

Et puis le rock, c’est cette énergie, cette pulsion que j’aime beaucoup qu’on retrouve chez Patti Smith, Cash et aussi PJ Harvey. Patti Smith a une écriture très sophistiquée que je n’ai pas. c’est plutôt  PJ Harvey qui m’a inspirée pour l’écriture de mes textes.
Et puis c’est Patti Smith sur les postures rock qui m’a inspirée pour la performance live.
Mais bon, je pense que j’ai une part rébellion de violence et de colère en moi, par rapport à mon histoire.
Quoi de mieux que le rock pour exprimer tout ça.

Oui, forcément, pour cela tu ne choisis pas la musique de chambre, tu choisis de faire du rock. A un moment donné il faut se libérer.
Il y a un côté cathartique, c’est vrai. Mais il y a aussi un côté scène où tu dois transmettre quelque chose. Et il faut que ce quelque chose, tu l’aies été quand même légèrement toi-même pour pouvoir te transcender sur scène. Tu dois aussi être quelqu’un d’autre, quelque part.
Et puis, on est aussi dans notre quotidien, au boulot, dans notre monde, dans notre société. On a des carcans, on doit aussi beaucoup se museler. On a un masque à mettre, un masque social qu’il faut absolument respecter. Et quand tu es sur scène, tes émotions, tes pulsions, ta façon d’être, c’est ton matériel. Donc, il faut le chérir. J’ai appris à choyer un petit peu aussi ces émotions qui, dans certains contextes, étaient inappropriées au niveau de l’expression. Mais voilà pour le live, c’est ça qui est génial.

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Photo de couv. (c) Sophie Trocmee