Le trublion Didier Super était ce jeudi 11 décembre 2025 en concert au Fury Défendu, à Rouen. Rencontre avec un drôle de personnage à deux facettes, Olivier pour l’état civil, Didier Super pour la scène. La première question était logiquement de savoir à qui l’on avait à faire.
Olivier, Didier, tu es qui aujourd’hui ?
Bon, ça dépendra du niveau des questions,
Tu veux dire comment elles sont connes ?
Ouais, exactement.
Didier Super est arrivé sur scène avec un costume satanique.
Lorsque nous nous sommes quittés, au festival “Ça Sonne A La Porte” en 2023, tu me disais que tu habitais désormais dans le sud. C’est toujours le cas ?
Bah, ouais, moi je préfère les Canadair à la pluie. J’adore les Canadair, y’en a plein, j’en suis sûr, on ne voit plus le ciel, tellement y’en a.
Donc tu prends de la flotte plein la gueule ?
Euh oui, puis de la fumée, les deux. De la fumée, surtout.
Passage au métal
La dernière fois que je t’ai vu, c’était avec ton groupe, des reprises un petit peu disco, mais je crois que tu as un peu évolué, puisque tu es passé au métal.
Évoluer ou régresser, c’est selon le goût de chacun. En fait on a un batteur qui ne sait pas jouer autre chose que du métal. Du coup on a dû s’adapter à lui. Et moi ça me permet d’essayer d’apprendre à jouer de la guitare, mais bon, ce n’est pas encore pour tout de suite, tout de suite.
Justement, je me faisais la réflexion tout à l’heure, tu dois quand même avoir un sacré niveau de guitare depuis tout ce temps ?
Bah non, mais c’est ça qui est beau, c’est de pouvoir en vivre tout en restant médiocre, parce que du coup, tous ceux qui ont vraiment du talent, ils ont les boules, et plus les gens me haïssent, plus ça me fait de la promotion.
Au Motocultor
Tu as quand même fait le Motocultor, gros festival de de métal. Et tu as traité le public de nazis, ce n’est pas un peu fort ?
Je les ai traités de nazis ? C’est possible. Des nazis, ou de gros nounours qui sont obligés de s’habiller avec des têtes de mort pour faire peur, parce qu’au fond d’eux, ils sont tellement gentils, et du coup ils se protègent en se laissant pousser les cheveux. Les hard rockers, c’est ça souvent. Les métalleux, c’est les bourgeois, souvent ils ont de la thune. Quand tu vois le prix du Hellfest, ils ont de la thune. C’est clair. Tu ne ferais pas un Hellfest pour les punks. Parce que les punks, ce ne sont pas des pauvres, mais souvent des gosses de riches qui n’ont pas réussi.
Il y a quand même les Ramoneurs du Menhir qui ont fait le Hellfest, donc il y avait un petit côté punk ?
Et dans 3 ans il y aura Sardou. Enfin non, il sera mort d’ici là.
Un petit sous-pull orange
J’ai vu aussi que tu n’avais plus ton fameux sous-pull orange. Je t’ai vu avec des chemises colorées ?
Je pense que t’es tombé sur une vidéo d’Antoine en Jamaïque, ce n’est pas moi. Je n’ai pas de chemise colorée, je ne sais pas sur quoi t’es tombé, mais tu fais bien de me parler de Jamaïque, car j’ai fait un album avec un gars qui ne savait faire que du reggae. Du coup on a fait ça. Mais c’est facile, le reggae, franchement. Ça ne va pas vite. Quand tu ne sais pas jouer, que tu n’as aucun talent, tu fais du reggae.
Là-bas, en Jamaïque, ils s’attendaient à voir un chanteur de reggae, et en fait tu leur as fait ton set, c’était pas du tout du reggae, ils se sont demandé un petit peu ce qu’il se passait.
Bah oui, il y a peut-être des rastas blancs qui viennent me voir dans les concerts et qui repartent un peu déçus. Mais je pense qu’il y a plein de raisons pour repartir déçus de mon concert. Après, arriver à trouver un équilibre pour se faire aimer sans avoir besoin de faire la pute. C’est assez agréable, parce que du coup ça nous fait passer pour des gens un petit peu en décalage du système. Alors que c’est juste que le système est parfait pour s’adapter à nous. J’adore.
J’ai lu sur Wikipédia que tu voulais plus jouer “Petit caniche, peluche pour vieux”.
Ah bon ? Ben en fait t’as mal lu parce que… Enfin peut-être que je l’ai dit mais que j’ai menti. Parce que là je suis en train de préparer un album, un album un peu best-of, parce que ça fait un peu plus de 20 ans que je fais mes conneries. Et du coup ça va s’appeler « Les versions sataniques ». Et on fait 13 reprises et dedans on remet les caniches, les versions comme ça, tu vois, Satan. En version métal. Et elle est bien, j’aime bien. Après peut-être qu’avec le prochain groupe je prendrai de la country.
Intermittent du spectacle
Faut se renouveler quand on est comme toi, un intermittent qui veut durer ?
Ce n’est pas le fait de se renouveler pour se renouveler ou de vouloir durer, c’est des conneries ça. En fait, l’intermittent, on a ça en plus de la prostitution en général, que nous on est obligé de prendre du plaisir. Et effectivement, pour prendre du plaisir, il ne faut pas forcément rester là où l’on est. Sinon ça devient de la prostitution, effectivement. Ce qui est vachement bien, c’est qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre.
Bon, là tu es avec ton groupe ce soir, mais tu vas nous jouer quel genre de musique ? La setlist évolue comment ?
On fait toujours la même. Non, ce n’est pas vrai. D’une année sur l’autre, cela change un petit peu, mais là le spectacle il commence à être bien. Du coup, je n’y touche pas parce que je suis en train d’en créer un nouveau. Un truc sur les sectes, parce que je trouve que les concerts de rock, pour manipuler les gens, c’est presque plus efficace qu’une secte.
“Bâtard de vegan”
Tu as sorti un nouvel album, “Bâtard de vegan” quand même, tu as trouvé le temps ?
Non, on est en train de l’enregistrer. Celui sur les végans, c’est l’album de reggae. On fait un album tous les 3 ans en ce moment, je n’ai jamais eu une telle cadence. Et là, ça fait un an. Ouais, on aura fait 2 albums en un an et demi. Et plus toutes les dates, hé. Tu as vu ça ? Ben oui.
Le petit caniche
Il faut dire au MEDEF, qu’ils peuvent supprimer le chômage, mais pas pour les artistes, parce qu’on travaille vraiment. Les autres, on s’en fout.
Mais ça doit te faire bizarre quand même, dans le bon sens du terme, toutes ces dates complètes, on voit la liste sold-out partout quoi ?
Ben tu sais, depuis la première date que j’ai faite, ça devait être à la Coopérative de Mai en 2004, septembre, octobre 2004, où c’est la première fois… Ce n’était pas bien, franchement, la Coopérative de mai en 2004, ce n’était pas bien du tout, mais c’était la première fois qu’on mettait mon affiche en ville et que les gens disaient : « Ah tiens, il y a Didier Super, ben, on va aller le voir. » Et cette fois-là, j’étais surpris que les gens soient restés jusqu’à la fin de la soirée pour me voir. Ils ont même un peu cassé les couilles aux autres groupes, mais enfin, ça va, ça va. Et… Et à chaque date, je me dis : « Ah ouais, il y a des gens qui viennent voir ça.
Dans l’actualité
Tu t’intéresses à l’actualité ? Qu’est-ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale la semaine dernière ?
Je ne sais pas. J’ai vu qu’ils avaient essayé d’asticoter Mélenchon, comme quoi Mélenchon était un peu trop ami avec les barbus. Puis apparemment, Mélenchon, il leur a donné un cours de politique. Je n’ai pas d’avis sur le bonhomme, mais je trouve que c’est quand même bien fait pour la gueule à Wauquiez qui n’est même pas venu assister au rendez-vous qu’il a créé lui-même, qu’il a monté lui-même.
Il y a eu le vote de budget aussi
Il est en train de passer, mais ce n’est pas encore tamponné. C’est la partie Sécurité sociale qui est passée. Grâce aux socialistes.
Engagement politique
Justement, j’ai vu aussi sur Internet, en préparant cette émission, que tu appelais à voter socialiste.
Ah, peut-être dans une chanson, oui. Tu sais, parfois, j’ai des accointances parce qu’ils me sponsorisent, et du coup j’ai des tickets-resto gratos quand je leur fais un peu de pub. Mais bon, ça ne veut pas dire que je leur fais la bise, hein. Voilà, ils me filent des petits coups de main, quoi.
Tu as fait la dernière de Guillaume Meurice ?
C’était important d’être là, à ce moment-là. C’est quand même un moment fort de l’actualité culturelle, quoi. Cet animateur qui se fait dégager comme ça ! Moi, ils m’ont proposé de venir, je n’ai pas dit non. Après, c’est un petit peu rigolo. Quelqu’un qui se fait évincer d’une grande radio nationale, dite de gauche, pour de… pour de mauvaises raisons, et qui leur met la nique sur une radio un peu plus modeste. C’est une belle ironie.
Dieu lui donne les punchlines
Revenons aux végans. Qu’est-ce que t’as contre les végans ?
Ben rien, mais comme tout le monde les déteste, ben euh… je suis le mouvement.
Comment fais-tu pour trouver toutes ces punchlines ?
En fait, je dors et pendant que je dors, Dieu me parle ! Et j’suis obligé de me lever pour écrire, parce que Dieu me dicte. Et à chaque fois, je lui dis : « Oh Dieu, je ne vais quand même pas dire ça ! » Et là, il dit : « Fais-moi confiance ! » Et là, je lui dis : « Putain, tu me tues, toi, tu ne te prends vraiment pas pour de la merde ! » Et là, il dit : « Ta gueule, je vais me coucher ».
Tu es croyant, toi ?
C’est Renaud qui dit, et je suis assez d’accord avec, évidemment que « le ciel est vide, mais on ne peut pas complètement en être certain. » Enfin, en tout cas, on n’a pas la preuve que ce soit complètement vrai. Mais à côté de ça, je ne crois pas aux dons.
Donc venons-en à tes projets, y a les élections qui approchent, tu vas te produire en meeting, tu vas faire des choses comme ça, ou pas du tout ?
Bah, si on m’offre des tickets restos, moi, je vais bien suivre le parti que vous voulez.
L’extrême droite de Bolloré
C’est juste la bouffe, quoi. On dirait mon chat …
Bah, ils n’ont pas grand-chose à t’offrir, sauf aujourd’hui, hein. Les chômeurs, ils ont du mal à bouffer en fin de mois. Alors il y a de plus en plus de gens autour de moi, là, qui s’imaginent que Bardella va changer le système, alors que l’extrême-droite, même l’extrême-droite, c’est la propriété de Bolloré. Et donc je ne vois pas comment est-ce qu’avec l’extrême droite, ça peut changer, puisque l’extrême droite appartient à ce qu’on appelle le système. Enfin, je trouve ça quand même passionnant, les gens me passionnent. Je n’arrive pas à les détester, sinon je ne ferai pas ce métier. Mais quand même, on se dit qu’il y a du boulot. On n’est pas dans la partie de l’histoire de l’humanité où ça se voit le plus qu’à l’avance. Euh, je n’ai rien compris à ce que j’ai dit.
Un grand show
Quelques heures plus tard, Didier Super a retrouvé tous ses esprits pour mettre le feu au Fury Défendu, le nouveau club-rock rouennais. Face à un public grisonnant, il montre un savoir-faire inégalé. En ouverture, Boule, tout en finesse et élégance, chauffe la salle avec humour. Malin, il essaye même l’IA pour un nouveau titre, excellent, dont on a la primeur : “Si j’étais un kebab”. Seul avec sa guitare, Boule chante des textes qui fleurent bon le vécu, on sent également parfois pointer un brin de mélancolie dans certains morceaux plus poétiques qu’humoristiques.
Boule est un kebab
Rien de poétique dans l’entrée satanique grand-guignolesque façon Alice Cooper de Didier Super sur scène. Entre chansons satiriques, punchlines efficaces et dialogue avec le public, Didier, ses trois musiciens, dont sa nièce à la guitare nous dit-il, et ses trois choristes, font fort. Le chanteur tape sur tout ce qui bouge, vraiment. À commencer par les femmes, rabaissées à leur rang primaire durant tout le show. Même les plus féministes rigolent encore de tant d’outrances !
Au menu : du métal, des insultes diverses, une baston générale et même un rituel satanique. De quoi capter l’auditoire durant presque deux heures.
Rendez-vous au Havre
Pas de doute, ceux qui avaient acheté leur place pour ce concert hors du commun en ont eu pour leur argent. À en croire Didier Super, le Fury Défendu aussi ! Mais bon, toute la troupe venait spécialement de Montpellier pour deux concerts à Lille. Elle reviendra en Normandie le 24 janvier au Havre, au Magic Mirror. Ceux qui n’ont pu se procurer leur billet d’entrée pour cette soirée aux petits oignons savent quoi faire car il reste des places, pas forcément pour longtemps.
