Cinq ans après « Vel Ma Vin », le musicien et chanteur breton Brieg Guerveno revient avec « Un Noz a Vo », un album où la langue bretonne se mêle à une pop élégante, lumineuse et ample.
Auteur-compositeur exigeant, à la croisée de la chanson, du rock et des musiques progressives, Brieg poursuit sa quête d’équilibre entre tradition et modernité. Avec ce nouvel opus, il assume pleinement sa voix, sa sensibilité et une esthétique pop qui fait écho à des influences plus larges.
Nous l’avons rencontré à l’occasion de la sortie de l’album pour parler de son processus créatif, de la scène, de la langue bretonne et de cette belle reconnaissance qui accompagne aujourd’hui son parcours. Rencontre avec un artiste en pleine maturité, entre sincérité et exigence.
Qu’est-ce qui t’a motivé à te lancer dans l’écriture de ce nouvel album ?
La motivation première, c’était vraiment de prolonger le travail entamé avec « Vel Ma Vin ». J’ai mis du temps à m’y remettre, parce que je ne suis pas quelqu’un de très productif, je travaille lentement. Il s’est écoulé cinq ans entre les deux disques, même si je n’ai pas vu le temps passer.
J’ai commencé à bosser sur ce nouvel album en janvier 2022, juste après les Trans Musicales de Rennes. J’avais envie d’un disque plus pop, un peu moins sombre que le précédent.
Contrairement à « Vel Ma Vin », je n’avais pas de ligne directrice très précise. J’ai testé beaucoup de choses, ce qui me faisait craindre un album trop disparate. Mais finalement, mes influences, un peu trip-hop, un peu électroniques, donnent une cohérence d’ensemble.
Tu dis avoir voulu aller vers un son plus pop. D’où vient cette envie ?
J’ai toujours eu une sensibilité pop. Dans mes goûts musicaux, je suis plus pop-rock que métal, contrairement à ce qu’on pourrait croire.
J’avais envie de retrouver cette énergie, avec des bases guitare-basse-batterie, d’utiliser davantage les synthés et surtout de mettre ma voix plus en avant.
La tournée « Vel Ma Vin » m’a permis de prendre confiance en moi, d’assumer davantage mon chant. Avant, j’avais tendance à le “rentrer” dans le mix, à ne pas trop le faire ressortir. Là, je l’ai affirmé.
Je me suis aussi rapproché d’un format plus “chanson”, (couplet, refrain, pont) tout en gardant une dimension progressive dans les arrangements.
Les orchestrations et les arrangements restent très présents dans ton travail. Est-ce aussi un fil conducteur volontaire ?
Oui, j’aime pousser les arrangements. Ça vient sans doute des groupes que j’écoute : j’aime quand la musique est riche.
Cela dit, mes morceaux ne sont pas si complexes que ça à jouer : la plupart sont binaires ou ternaires. À la base, ce sont des suites d’accords simples à la guitare ou au piano, sur lesquelles je construis ensuite le texte et la ligne de chant.
En studio, on avait prévu des arrangements encore plus chargés, avec des cuivres par exemple, mais on a finalement épuré pour garder l’essentiel. Les cordes, elles, font toujours partie de mon univers : elles apportent quelque chose de classieux à ma musique.
Tu as enregistré cet album au studio Shorebreaker, aux Pays-Bas. Pourquoi ce choix ?
C’est le studio de Johannes Buff, un producteur que j’admire beaucoup. Il a bossé avec Sonic Youth, Zombie Zombie, Dälek, entre autres. J’aimais sa façon de travailler et j’avais envie de collaborer avec quelqu’un qui comprend vraiment la musique pop, ce qui n’est pas si courant.
Travailler avec lui a été une évidence. On s’est très vite compris, humainement et artistiquement. Pour moi, c’est devenu un membre du groupe à part entière.
Et puis peu importe la taille du studio : ce qui compte, c’est aussi la personne derrière. Johannes a cette capacité à créer la magie.
Cette collaboration t’a-t-elle amené vers des terrains musicaux plus inattendus ?
Oui, clairement. Par exemple, le morceau « Pell war an hent » est très marqué par les années 80. De moi-même, je n’aurais jamais osé aller dans cette direction.
Johannes m’a mis en confiance, il m’a poussé à explorer d’autres sonorités, à sortir de mes habitudes et le résultat est parfait.
On sent aussi une plus grande intimité dans cet album, notamment dans ta voix. C’est une démarche relativement différente pour toi ?
Ça s’est fait assez naturellement. Certains morceaux étaient déjà très aboutis avant le studio, d’autres moins. J’ai volontairement laissé de la place à Johannes pour qu’on construise ensemble.
Le disque est très bien mixé, très bien produit. C’est un vrai travail d’artisanat. Je ne connais pas beaucoup de producteurs capables d’obtenir ce niveau de finesse et de compréhension de la pop.
Comment appréhendes-tu aujourd’hui cet album, une fois terminé ?
Plutôt positivement. Évidemment, j’entends plein de défauts, des choses que j’aurais pu faire autrement. Mais un disque, c’est toujours une photographie d’un moment.
J’en suis fier, même si ça a été deux ans de travail intense, avec des moments de doute et des difficultés parfois important où j’ai failli tout arrêter.
Aujourd’hui, je sais qu’on n’a plus le droit de se rater sur un album. Il faut vraiment réussir à faire du mieux qu’on peut pour que le disque soit réussi. Il faut tout donner.
Tu es désormais accompagné par le label ZRP. Qu’est-ce que ça change pour toi ?
C’est un label avec une vraie dimension humaine. J’ai immédiatement eu un excellent contact avec Isabelle Chapis et son équipe. Ils ont aimé le disque, ils avaient envie de le défendre, et ça, c’est essentiel pour moi.
Le disque en est déjà à son troisième pressage, la presse l’a bien accueilli, les concerts s’enchaînent. J’ai le sentiment de franchir une nouvelle étape dans ma carrière.
Justement, tu sembles plus aligné artistiquement qu’à tes débuts. Tu le ressens aussi ?
Oui, complètement. J’ai plus d’expérience, et puis j’ai vieilli (rires). J’ai commencé ce projet à 22-23 ans, j’en ai bientôt 43.
Se chercher, surtout en chantant en breton, ce n’est pas évident. Il faut expérimenter, parfois se tromper. Mais au final, la persévérance paie : le public est au rendez-vous, et c’est gratifiant.
La langue bretonne est toujours au cœur de ton œuvre. Tu ressens une forme de solidarité dans cette scène musicale ?
Oui et non. Comme partout, chacun essaie de tirer son épingle du jeu. Mais j’ai trouvé ma place, et mon équilibre avec cet album, il m’a permis de passer un cap. J’ai reçu des messages d’artistes que j’admire, comme Denez Prigent ou Alan Stivell, qui m’ont félicité. Ca me touche forcément et puis c’est quand même une belle reconnaissance.
Justement tu partages actuellement la scène avec Miossec. Qu’est-ce que cela représente pour toi ?
C’est énorme ! Faire sa première partie de Miossec en solo, c’est un vrai honneur. Le Trianon, puis l’Olympia… c’est un rêve.
Miossec est quelqu’un que j’apprécie humainement et artistiquement. Il m’a fait un magnifique cadeau. Je ne pouvais pas espérer mieux.
Avec la pression de jouer dans de grandes salles comme le Trianon, l’Olympia, ressens-tu le même stress avant de monter sur scène ?
Oui toujours. Je suis souvent pris de panic par la peur de mal faire. J’ai beau beaucoup répéter, l’adrénaline du live, ça change tout. Parfois j’ai du mal a donner le meilleur de moi.
J’ai fait deux jours de résidence à L’Ubu, où j’ai fait des restitutions de sets presque parfaites, que ce soit au niveau chant, au niveau guitare, sans flancher une seule fois sur mon picking, parce que sur mon solo, je joue guitare électrique et je joue tout au doigt. Donc, sacré défi, déjà.
Mon objectif, lors de cette résidence, c’était justement de réussir à canaliser ça.
Mais heureusement lorsque je suis sur scène le public me porte. Les gens viennent parce qu’ils aiment ma musique, et ça, ça me donne une force incroyable.
Et pour la suite, que souhaite-tu faire ?
Continuer, forcément. Je ne me vois pas faire autre chose ! (rires)
Je vais bientôt me remettre à l’écriture d’un nouveau disque. J’aimerais le sortir d’ici 2027.
J’ai pris du temps pour chaque projet, mais là, j’ai envie d’enchaîner, de rester dans cette dynamique.
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Brieg Guervenoen Concert
23/10/2025 – LA MEZIERE (35) – Festival Samaïn (solo)
30/10/2025 – PLOUGONVELIN (29) – Espace Keraudy (solo 1ere de Miossec)
28/11/2025 – PENMARCH (29) – Cap Caval (solo 1ere de Miossec)
29/11/2025 – CROZON (29) – L’Améthyste (solo 1ere de Miossec)
05/12/2025 – RENNES (35) – CCNRB Showcase pro 12h-12h20
18/12/2025 – BREST (29) – Le Vauban (solo 1ere de Miossec)
24/01/2026 – QUIMPERLÉ (29) – Festival Taol Kurun (en groupe)
28/01/2026 – CARHAIX (29) – Festival Bretagne en scène (en groupe)
05/02/2026 – PARIS (75) – l’Olympia (solo 1ere de Miossec)
11/02/2026 – PARIS (75) – Le Zèbre (en groupe)
21/03/2026- SAINT AGATHON (22) – La Grand Ours – (solo 1ere de Ange)
04/04/2026 – VAL D’ANAST (35) – Le Rotz (solo 1ere de Miossec)
13/05/2026 – BREST (29) – La Carène (solo 1ere de Miossec)
Photo de couv. Guillaume Fauveau



