Anadol et Marie Klock mélangent leurs idées les plus folles dans un patchwork musical poétique. Une sorte de kaléidoscope créatif déjanté où les contes pour enfants terribles n’auraient pas de limites d’âges et surtout pas besoin de normes pour être appréciés. Une marque de fabrique singulière, indéfinissable mais impossible à ignorer qui porte le nom de « La Grande Accumulation ». 6 titres jetés par dessus bord sans notice d’utilisation confectionnée par un duo improbable et pourtant complémentaire. Un peu comme une peintre abstraite qui changerait constamment d’aspect selon l’angle dans lequel nous l’observons : étrange, hilarant, inquiétant ou dansant, mais qui pourtant conserverait cette patte unique, permettant d’identifier l’origine de chaque rêverie. Il y a là une intuitive beauté underground, éperdument anticonventionnelle, librement douce et délicieusement foule.
Pouvez-vous nous parler de l’origine de votre étrange mais fabuleux duo ?
Nous nous sommes rencontrées par hasard l’été 2022, dans la petite ville côtière de Ramsgate, en Angleterre. Nous y étions programmées toutes les deux, Anadol en tant que DJ, Marie en live. Un mauvais esprit commun et une admiration mutuelle nous ont conduites à échanger quelques brouillons de morceaux par mail, et très rapidement nous nous sommes faites à l’évidence qu’il faudrait faire un album ensemble. Anadol a invité Marie chez elle en Turquie, Marie a dit oui, et c’était parti.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la musique ensemble ?
Une sensibilité que nous partageons toutes les deux pour les accompagnements automatiques d’orgues. En outre, Anadol ne chante pas dans ses morceaux et avait des envies de chansons pop, c’est donc tout naturellement qu’elle s’est tournée vers Marie, sa voix de rossignol, son sens aigu de la musique commerciale et son physique avantageux.
Vous avez sorti, le 1 novembre, votre album « La Grande Accumulation ». Quel en a été le point de départ créatif ?
Humainement et donc créativement, l’envie était très primaire : jouer ensemble et se faire rire mutuellement. Nous avons exhumé ensemble des brouillons qui fermentaient dans le disque dur d’Anadol, Marie a improvisé dessus des kilomètres de mélodies aux claviers, matériau qu’Anadol a patiemment trié, saucissonné puis sculpté. Forcément, l’atmosphère de Büyükada, l’île sur laquelle vivait Anadol, a déteint sur l’ensemble, puisque Marie mettait les pieds pour la première fois dans cet endroit qui l’a fortement dépaysée (beaucoup de chats errants, pas de voitures, de l’eau partout, des déchets et des chantiers, ne surtout pas jeter le papier toilette dans les toilettes, ne surtout pas boire l’eau du robinet, s’abriter ici en cas de tremblement de terre, attention aux chiens…). Les textes ont été pondus en écriture automatique et/ou inspirés de blagues et de discussions entre nous ou de poèmes écrits par Anadol. Aucun besoin d’être explicite ne s’est fait ressentir à aucun moment.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre façon de composer ensemble ?
De bonnes nuits de sommeil, du café infusé à froid, des échanges de memes, des promenades dans les collines, pas d’alcool, l’amour du travail bien fait, un shampooing de temps en temps, voilà les choses qui structurent nos journées. Quand Marie improvise et qu’Anadol sautille sur son siège en faisant des mouvements de kung-fu, Marie sait qu’elle est sur la bonne voie et se sent confortée pour aller encore plus loin. Le fou rire mutuel est un bon critère de jugement. Si l’une d’entre nous estime qu’une idée merdique, l’autre n’essaie pas de la convaincre du contraire et l’idée part à la poubelle.
Votre nouvel album est aussi jouissif, qu’étrange, il intrigue et met en même temps en mouvement. Quelle est votre formule magique pour trouver le juste équilibre ?
Il s’agit plutôt d’une recherche de déséquilibre. L’état de déséquilibre parfait s’obtient par la formule magique suivante : se placer devant un miroir et prononcer dix fois de suite d’une voix forte et intelligible les mots «DIKKAT KÖPEK VAR».
Où puisez-vous vos sources d’inspiration pour écrire vos chansons ?
Sur le trottoir, de préférence le jour des objets encombrants.
Pour le clip « Sonate au jambon » vous collaboré avec Paulin Rogues. Comment est née cette collaboration ?
Paulin a écrit à Marie sur Instagram, il lui a dit qu’il aimait bien sa musique et qu’il aimerait lui faire un clip, Marie a vu ses drôles de chimères en 3D et s’est dit ah ben tiens ça alors pourquoi pas, Paulin a écouté La Grande Accumulation et a choisi son morceau préféré, une conversation a eu lieu sur quelques références esthétiques (on vous en dévoile une : Beckett), et puis Paulin a fait ce qu’il voulait et c’était très bien.