“Indiana Jones et le Cadran de la Destinée” de James Mangold. Signe des Temps.

Le retour du héros. Après deux ans d’attentes, de rebondissements, de tournage en plein COVID, de tergiversations scénaristiques et de chaises musicales rythmées par l’écurie Disney, Harrison Ford et son alter-ego déboulent, pour une dernière aventure, sur nos écrans. Si vous n’avez pas encore vu cet opus, passez votre chemin. Les autres, voici ma critique à chaud.
Je ne vais pas vous le cacher, Harrison Ford et Indiana Jones font parties intégrantes de mon ADN de cinéphile. Alors pré-ado, je possédais un poster gigantesque d'”Indiana Jones et le Temple Maudit” et je me mis, piqué par une curiosité soudaine, à déchiffrer les noms et les métiers qui peuplaient le bas de mon affiche. Directeur de la photographie, production, effets sonores, casting…Alors, Hollywood, c’était ça ? Une équipe ? Des talents regroupés ? Des professionnel(le)s employé(e)s dans d’autres films mais qui rendaient celui-ci plus beau par la grâce de leurs talents conjugués ? Sans compter un prof de dessin au collège, du nom de Jean Claude Brisseau, qui m’appris le langage cinématographique en place du fusain…Oui, le tour était joué. Je me gargarisais de Kubrick d’un côté, du haut de mes 13 ans, et de blockbusters inspirés-ou pas- de l’autre. Spielberg ? Un Dieu à l’aube des 80’s. Son cinoche ? Le mien. Indiana Jones. Ma figure paternelle. Mr Cool. Le type de mec que je ne serai jamais. D’années en années, la saga s’étoffe avec plus ou moins de bonheur (nous garderons, en mémoire, la première demi-heure du “Crâne de Crystal”, point barre) et dès le rachat de “Lucasfilm” par Mickey Maousse en 2012, Kathleen Kennedy promet un ultime coup de fouet dans les salles obscures. 
Exit le papa d'”E.T.”.
Derrière la caméra ? L’excellent James Mangold. Au scénario ? Son équipe. David Koepp ( “Jurassic Park”, c’est lui, pour le pire ou le meilleur) est écarté mais certains aspects de sa ligne narrative conservés.
Le casting ? Surprenant.
Phoebe Waller-Bridge, Antonio Banderas, Mads Mikkelsen,…et Harrison Ford qui rempile à 79 ans.
L’histoire ? Tenue secrète.
L’attente. Interminable.
28 Juin 2023. Votre serviteur se positionne, dès 9h45, devant l’excellent cinéma parisien “Le Max Linder”. La séance est prévue pour midi. Il n’y a personne (contrairement à “Star Wars” 7 où dix fans hardcore faisaient déjà un sit-in courageux). Quoi ? L’homme au Fedora ne concentrerait plus les foules ? Désamour et nostalgie ? Long-métrage de darons ? Signe des Temps ? 
11h00.
Je patiente, épaulé dans ma ferveur par ma compagne, mon fils et un ami de longue date.
Midi. En selle. L’aventure, c’est l’aventure.
Dès les premières minutes, les effets spéciaux me font saigner des yeux. Ce “de-aging”, afin de rajeunir notre protagoniste dans un flash-back pétaradant, m’enlève toute possibilité de savourer le film normalement. Je décèle toutes les fautes techniques. Ce visage lisse ne possède aucune émotion et semble s’extirper de musée Grévin (situé non loin d’ici).
Putain. Cela commence mal. Le brio de la réalisation n’y fait rien, je reste coi.
Pourquoi ne pas avoir choisi Anthony Ingruber (aperçu dans le magnifique “Adaline” et incarnant un Harry jeune et plus vrai que nature) en place de cet avatar mal fagoté ?
Ce cinquième épisode aurait, assurément, gagné en véracité.
Passons.
Bond en avant.
1969. Le professeur Henry Jones Jr célèbre timidement sa retraite et s’englue dans un passé omniprésent et des souvenirs douloureux.
L’arrivée de sa filleule -véritable électro-choc glamour et intrépide- lui servira de détonateur via une dernière quête révélatrice.
James Mangold a tout compris : ravir les fans, enchanter un public familial et boucler la boucle avec élégance dans un seul long-métrage. Il fallait oser. Le réalisateur en Or relève le défi sans sourciller.
Ses atouts ?
Une réalisation lisible et élégante, un duo Indy-Helena fonctionnant à merveille, une distribution ébouriffante, des caméos attendus, un méchant inoubliable, des étapes à travers le Monde qui s’enchainent sans mid tempo, des morceaux de bravoure, la musique de John Williams qui dévoile de brillants nouveaux thèmes et un scénario qui tient la route.
Autre élément remarquable : choisir le cadran d’Archimède comme MacGuffin, symbole ô combien pertinent sur le temps qui dévore tout.
Car c’est bien le thème qui sous-tend ce baroud d’honneur. Indiana Jones vieillit, peine à courir, s’accorde du repos, mélange scotch et café dans le même mug au matin et s’isole d’une société en pleine mutation. Professeur reconnu/témoin lointain. Certes, notre Indy en a toujours sous le capot mais l’envie n’y est plus et le contexte social (le mouvement “Black Power” en filigrane, la conquête spatiale, etc…) semble étourdir notre aventurier un brin rangé.
Le cadran de la destinée remettra les “pendules à l’heure”, offrant à notre archéologue une seconde chance et deux heures trente de frénésie à une audience conquise.
Les légendes ne meurent jamais, encore moins quand elles avalent le Saint Graal.
Harrison Ford semble insensible à l’épreuve du sablier. Son éternelle jeunesse explose à l’écran, que ce soit dans ses réparties vachardes ou une auto-critique des plus savoureuses. Et ce sourire en coin qui n’appartient qu’à lui !
Je sors de la séance, heureux mais circonspect.
Il me tarde de retrouver mon oncle d’Amérique pour un second visionnage, l’esprit plus reposé.
“Indiana Jones et le cadran de la destinée” n’est pas le film que je n’espérais ni le chef-d’œuvre fantasmé.
Certes.
Effet-miroir. Je vieillis aussi et ressasse les mêmes marottes du “C’était mieux avant.”.
Maintenant ?
A moi de faire un effort.
Je suis face à un épilogue impeccable.
Un blockbuster intelligent nourri au cinéma indépendant.
La révérence d’un certain cinéma hollywoodien au savoir-faire indéniable.
La lettre d’amour d’un acteur mythique à son public devenu, au fil des ans, plus grand.
 
John Book.