“Il fera bon mourir un jour” de Jean-François Jacq. Where the streets have no name.

Jean-François Jacq est un survivant. De ceux qui tiennent encore debout par la seule force de leur volonté. Leur ténacité. Leur extinguible besoin de coucher sur le papier ce par quoi ils sont passés. Famille dysfonctionnelle. Désamour et péril en la demeure. Une santé des plus fragiles et l’appel de la rue à l’aube d’une adolescence fragmentée. L’attirance éprouvée pour les garçons sauvages, la drogue, les excès et le danger qui frappe au détour d’une nuit. Chute. L’auteur, un temps SDF, sombre dans une maladie rare que ses parents ignoreront superbement. Pour unique réponse ? Un internement forcé, à 14 ans, dans un hôpital psychiatrique. Jean-François Jacq perd pied, son corps le lâche (syndrome de Guillan-Barré sous sa forme la plus dure) et sa raison vacille. Undead cloué au fond d’un lit.  Le personnel s’affaire autour de lui mais ne donne pas cher de sa peau. Intubation, perforations, prières. Et au petit matin, le miracle. JF Jacq, tel Lazare, s’extirpe des ténèbres. Nouvelle donne. La vie devant ou presque. Et cette interrogation qui le taraude de part en part, au sortir de sa chambre : pourquoi mes parents me détestent-ils autant ?

Rien ne nous sera épargné dans ce chemin de croix. Ni la violence psychologique subie par l’auteur ni la description d’un corps qui se refuse à lui obéir. Pour ce faire, notre biographe opte pour un ton volontairement poétique, bien loin de ses livres rock: ” Bijou. Vie, mort et résurrection d’un groupe passion”, “Ian Dury. Sex & drugs & rock n’roll” et “Le soleil noir du rock français”. 

Ici, Jean-François Jacq renoue avec ses confidences intimes et ses déchirures apparues dans “Heurt Limite”, “Hémorragie à l’errance” et ” Fragments d’un amour suprême”. En rien, ne donner en pâture au lecteur des effets de manche putassiers ou des états d’âme superfétatoires. Mr Jacq s’appuie sur une base lexicale foisonnante comme autant de béquilles à ses réminiscences. Balancer une scène de viol, d’inceste ou de maltraitance sans y mettre un vernis lui semblerait impudique. Dégueulasse. La poésie pour unique remède au désespoir. Des mots pour des maux. Nous avalons, d’une traite, cette odyssée de l’intime. Certains pourraient reprocher à notre romancier un goût prononcé pour l’emphase. Ce n’est juste qu’une protection rapprochée face à l’horreur. Une distance nécessaire. Le grand déballage ? A d’autres. Le roman d’un tricheur ? Certainement pas. A la lecture avide de ces chapitres denses, la poésie-soudain- s’envole et devient accessoire dans la compréhension de ce chemin torturé et tortueux. Le « fond » en devient même palpable, immédiat, presque trop «  évident ». Cette langue étrangère nous devient familière. Et lire entre les lignes la béance d’une adolescence livrée à elle-même.

« Il fera bon mourir un jour » est un ouvrage fort et exigeant. Difficile et cinglant. Mais débordant d’une humanité singulière.

J’ai la chance de compter “Jeff” parmi mes meilleurs amis. Sur les bancs de la Fac, il m’avait avoué vouloir livrer, un jour, les prémices de son existence dans la rue via un roman. Il l’espérait ardemment. C’est, à présent, chose faite. Je me rends, compte, à présent, à quel point sa démarche fut d’une grande élégance. A l’heure où certains déballent leurs atermoiements sur des plateaux télé, Jean- François Jacq opte pour l’exutoire littéraire. Un coup de gueule salutaire face au manque d’amour qui parsema sa vie.

Lors d’une rencontre/dédicace, il déclara à son éditrice (je salue, au passage, l’excellente maison d’édition Ardavena) ne pas avoir fait le tour de son passé mouvementé. Ainsi, Jeff n’en finit pas de refermer ses plaies et d’ouvrir les nôtres par l’entremise d’un effet-miroir des plus troublants. Sa peine est la nôtre. Son courage est le nôtre. D’une beauté inconfortable. Je lui souhaite de trouver le chemin d’une ultime autobiographie qui lui ouvrira, enfin, les portes d’une sérénité amplement méritée. 

John Book.

 

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