FRANK DARCEL ECRIVAIN

Nous avions rencontré Frank Darcel début mars pour parler de son groupe Republik et de son nouvel album ‘’Exotica’’ sorti le 31 mars dernier..

L’occasion pour nous d’échanger avec l’artiste toujours en mouvement sur sa passion pour l’écriture et la Littérature en général, de Rimbaud à Pessoa, et sur son nouveau projet de roman…

Une discussion passionnante avec un artiste protéiforme, d’une sympathie et d’une humilité extrêmes, doté d’une belle érudition. En un mot, un grand moment de plaisir que nous partageons avec vous ici…

En parallèle de la musique, tu es aussi écrivain. Outre l’anthologie du rock en Bretagne – Rok : 50 ans de musique électrifiée en Bretagne -, publiée en 2010 (tome 1) et en 2013 (tome 2), tu as également écrit trois romans, dont un polar. Peux-tu nous en parler ?

J’ai toujours aimé les voyages, j’ai la fibre aventurière ; j’aime donc me balader mais pas dans des conditions de touristes classiques. J’ai toujours eu des envies d’ailleurs et le désir de les cristalliser soit dans un roman soit dans un disque.

Je me suis mis à l’écriture en 2003. Mon 1er roman Le Dériveur, publié en 2005 chez Flammarion, met en scène Max le Lorientais qui part rechercher sa femme à Aurora, une ville mystérieuse aux Etats-Unis. Il y a plusieurs villes du même nom aux Etats-Unis. Il finira par localiser la bonne.

Ton deuxième roman, L’Ennemi de la chance, également publié chez Flammarion en 2007, est une intrigue captivante et une belle variation sur l’âme portugaise…

J’ai commencé à écrire ce roman lors de mon séjour à Lisbonne (NDLR : Frank Darcel y a vécu pendant trois années de 95 à 98, travaillant notamment comme producteur de disques). D’où le titre, emprunté à la chanteuse de fado Amalia Rodriguès… L’Ennemi de la chance est un thriller entre intrigue amoureuse et enquête policière, avec Lisbonne et l’histoire récente du Portugal (Salazar et la Révolution des Oeillets) en toile de fond.

Mon troisième roman, Voici mon sang, est un polar qui se passe dans les maisons de disques à Paris. J’espère le ressortir un jour parce qu’il est sorti chez un éditeur qui n’avait pas vraiment de distribution. Les personnages principaux ne sont pas des policiers, ils essaient plutôt d’éviter la police…

Tu as aussi participé au collectif d’auteurs rennais de romans noirs, Calibre 35 ?

L’association Calibre 35 regroupe des auteurs rennais de romans noirs, dans toutes les acceptions du terme, du thriller au polar.J’ai participé en 2013 au premier recueil de nouvelles, Rennes, ici Rennes publié aux éditions Critic, en association avec la SNCFLes histoires avaient pour particularité de toutes démarrer à la gare de Rennes.  Le second recueil de nouvelles (éditions Goater), Maillot Noir, avait pour thème le Tour de France en Bretagne mais là, j’ai passé mon tour faute de temps à l’époque.

Il me semble que le collectif s’orientait vers un roman d’anticipation sur le Rennes qu’on imagine dans le futur.

Tu es actuellement en tournée avec ton groupe Republik pour jouer live les morceaux de ton dernier album Exotica, sorti le 31 mars dernier. Trouves-tu quand même le temps d’écrire ?

Exotica va me prendre beaucoup de temps dans les trois prochains mois. Je termine en ce moment un nouveau roman policier qui se passe à Rennes et je vais essayer de me concentrer sur ces deux activités au moins pendant quelques mois.

Peux-tu dévoiler un peu de ton prochain roman en primeur pour les lecteurs ?

Ça s’appelle PaganC’est une histoire policière, sur fond de dérèglement des croyances et du retour au paganisme de certains d’entre nous.

L’action se passe à Rennes. C’est un peu un exercice de style car j’ai voulu cette fois-ci me fondre dans la peau des policiers pour donner une vision des enquêtes menées côté police. Je suis cornaqué par des policiers rennais, qui sont également de grands amateurs de polars.

Nous en avons déjà l’eau à la bouche. Quand penses-tu le publier ?

Je pense qu’il sera démarchable à partir de septembre 2017. C’est un roman de 700 pages que j’ai démarré il y a trois ans, avec des périodes d’interruption de plusieurs mois pour l’enregistrement de mes deux derniers albums (Elements et Exotica). On perd parfois un peu le fil et c’est difficile de s’y replonger. Mais cela a pris vraiment forme maintenant.

J’en suis aujourd’hui à la fin de la deuxième écriture, une phase où tout se met petit à petit en place. Je compte maintenant le faire lire à deux policiers, un médecin légiste, à un expert en drogues et psychotropes. Leur avis va me permettre de revalider un certain nombre de points et de situations.

La troisième écriture me permettra de mettre les formes définitives. Mais c’est une histoire qui me tient moi-même en haleine, j’espère que c’est bon signe…

Si j’ai la chance de trouver un éditeur, le roman paraîtra au printemps 2018.

Au-delà de tes romans, le poète Arthur Rimbaud t’a particulièrement marqué, notamment ‘’Les Illuminations’’ ?

Les Illuminations est un recueil mêlant des poèmes en prose et des vers libres.

Et je dois dire que la poésie en prose est celle que je préfère.

Je l’ai découverte au moment de l’adolescence. Ça été un choc parce que j’ai compris à ce moment-là le pouvoir des mots. Le fait d’avoir tellement d’images qui arrivent en tête sur des poèmes très courts, c’est très puissant.

Tu es aussi particulièrement sensible à Fernando Pessoa, l’auteur portugais du ‘’Gardeur de troupeaux’’ entre autres ?

Pessoa a une manière de jouer avec la réalité qui est assez fascinante.

A 8 ans, il part en Afrique du Sud avec sa mère, remariée au consul du Portugal à Durban. Il revient à Lisbonne à l’âge de 17 ans pour ne plus jamais quitter la ville et ses environs ensuite.

Il a écrit sous plus de quarante noms différents ; les psychiatres estiment qu’il y a sept personnalités construites dans les hétéronymes (différents noms d’emprunt). Il s’est écrit des lettres d’un point à l’autre du monde tout en imaginant des livres à partir de ses propres lectures mais sans jamais bouger de Lisbonne. Il avait un profil psychologique très étrange. Et devait probablement être un peu perturbé…



Qu’est-ce qui te touche chez lui ?

Ce qu’il écrit est à la fois d’une simplicité touchante et tout comme Rimbaud, ça bouscule énormément. Parce que ce sont aussi des gens avec des parcours de vie atypiques. Les gens qui ont ce type de parcours accidentés ou originaux écrivent plus facilement des choses touchantes que les gens qui sont restés dans leur bureau.

On peut toujours trouver le contraire : James Joyce travaillait dans le corps diplomatique, avait une vie assez rangée et ses livres sont néanmoins extraordinaires.

Mais d’une manière générale, j’aime bien ce qu’ont écrit les gens qui sont des cabossés de l’existence.

Tu as d’ailleurs une anecdote étonnante à propos de Pessoa ?

Durant mon séjour à Lisbonne, des journalistes ont découvert une lettre de Pessoa, par laquelle il postulait pour le poste de bibliothécaire du musée de Cascais (NDLR : en 1932, à l’âge de 44 ans). Il était vraiment dans la misère, méconnu du grand public, alcoolique et le poste lui avait été refusé.

Ce qui aujourd’hui peut être considéré comme une honte rétroactive pour l’administration portugaise… Avoir refusé ce poste à ce si grand homme, associé aujourd’hui à la littérature portugaise comme très peu (Luís Vaz de Camões et quelques autres), ce n’est pas rien…

Alechinsky.