“First Love. Le dernier Yakuza” de Takashi Miike. Joyeux Bordel!!!

“Assouplissement ? On s’étire et on se détend.”.
Ouverture impossible des salles de cinéma avant le mois de Janvier. A plus tard, la première réalisation de Viggo Mortensen, le second volet de l’Amazone indomptable ou l’énième transposition cinématographique d’un mythe littéraire en Pays Imaginaire.
En attendant ce doucereux moment, retour sur un uppercut datant du mois de Janvier dernier.
Une jeune prostituée shootée et victime d’hallucinations. Un boxeur atteint d’une maladie incurable. Un gang de yakuzas. Une mafia chinoise. Deux taupes. Un flic corrompu. Des kilos de drogue. Des combats au katana. Une tête tranchée. Des gunfights surréalistes. Un humour macabre. Des apparitions fantomatiques. Secouez et servez on the rocks!
Et de rock, il en est question dans ce film de Takeshi Miike datant de 2019, tant dans l’attitude désinvolte de nos anti-héros que dans la manière que le maitre japonais envisage ses films.
Chez Miike, la violence se veut jouissive, organique et orgiaque. Les corps sont tailladés, les esprits morcelés et animés d’une rage qui les fait tenir debout contre toute logique.
Adepte de Verhoeven, Cronenberg et Lynch- en somme de ce plaisir qu’on dit charnel– ce cinéaste controversé ne fait pas dans la dentelle. Il s’évertue même à malmener ses sujets dans un tourbillon d’énergie tout en conjuguant la nonchalance d’un Jarmusch et la fièvre d’un Scorsese.
Shakin’ All Over!Mais sans une sensation de saturation.

Pour ce “First Love“, la narration déroule minutieusement son fil d’évènements hasardeux et empile les strates d’histoires comme autant de pièces d’un puzzle. Miike ne fait pas dans l’avalanche ni la surenchère dès les premières minutes mais expose ses scènes patiemment. Se sachant attendu par les cinéphiles pour ses déchainements d’agressivité, c’est par étapes qu’il procède, promenant son 109ème long-métrage (!!) vers un sommet de non-sens et de folie furieuse.
Assagi, Takashi ?
Non, aguerri.
Maitrisant parfaitement ses outils filmiques et soignant ses ambiances, il s’inscrit dans une certaine tradition du “Film Noir” (le boxeur à la dérive, la jeune fille paumée, le caïd charismatique et silencieux, la nuit pour seul refuge, la course-poursuite, la mort en point de chute, etc.…) sans renier sa marque de fabrique : le “toujours plus”.

Dans ce polar survolté teinté de romance, le scénariste Masa Nakamura s’est effectivement employé à complexifier à outrance une intrigue somme toute classique : une triade se fait doubler dans l’acquisition de gros sachets blancs lors d’une transaction. On connait la chanson. Elle date des années 40. Alors cassons le rythme d’un air entendu !Par un concours de circonstance digne de la théorie des dominos, une multitude de personnages va se greffer à ce point de départ pour se retrouver, au final, dans un règlement de comptes sanguinolant et surréaliste.
Ainsi, notre couple d’amoureux devra faire face à deux bandes rivales et de nombreux protagonistes à la gâchette facile sans savoir la raison de leur obstination !Meutes de loups prêtes à tout pour récupérer leurs précieux sachets, quitte à faire “parler la poudre”, proxénète ou flic tenace, la basse-cour s’agrandit au gré des pérégrinations de nos tourtereaux.
Jusqu’au vertige.


Western moderne, “Le dernier des yakuzas” (sous-titre inexplicable !) ne recule devant rien pour nous étonner : bande-son alternant free jazz et composition rythmée, montage alerte, dialogues quotidiens, situations vaudevillesques, apothéose cartoonisée et des acteurs s’amusant énormément avec leurs personnages.
Masataka Kubota nous remémore souvent Mickey Rourke (période “Rusty James” ou “Sin City“) par son mutisme et sa moue boudeuse, Nao Omori (vu dans “Ichi The Killer” ) joue les abrutis avec panache, la douce Sakurako Konichi personnifie sa call-girl sans forcer la dose et Shôta Sometani campe les petites frappes écervelées avec une insouciance réjouissante.


Oui, l’on rit énormément à la vision de ce nouvel OVNI venu d’Asie !On pourra reprocher le caractère extrême de cette entreprise de démolition ou éprouver un ennui devant cette accumulation de sketchs rattachés les uns aux autres.
Pour ma part, ce fut une rasade de premier ordre. Puissant comme un morceau du groupe Rennais Stormecore (dédicace) et enivrant comme un alcool frelaté, “First Love” est un flipper géant au Pays du Soleil Levant.
Tourneboulant. Remuant. Sans limite.
Quitte à l’overdose frôler, Vive Takashi Miike!
Car, franchement, moi, les réalisateurs tièdes, je ne peux plus les “saké” !

John Book.