Seb Blanchais décrit Spencer P. Jones comme une sorte de ‘’Rain Man musical’’ : au-delà d’être un multi-instrumentiste (‘’je joue principalement de la guitare mais aussi de la steel guitar, de la cornemuse, de l’harmonica, des percussions et je tapote sur le piano’’ dira-t-il lors d’une interview en 2005), ‘’Spencer est un des mecs qui a pris le plus de prods et qui a une mémoire extraordinaire, au stade de l’autisme. Il pouvait chanter 8 à 900 chansons sans jamais oublier une parole ! Il était toujours extrêmement précis, sur les dates, les anecdotes…’’
‘’Je me souviens d’une d’entre elles, en lien avec Dimi Dero [duo franco-allemand qui jouait avec le bassiste Brian Henry Hooper]. Au départ, SPJ n’était pas chaud pour jouer avec eux. Il avait néanmoins été les voir deux fois en concert, avec une attitude un peu désinvolte, avant finalement de se décider à les accompagner. En arrivant au studio d’enregistrement, il avait déjà toutes les structures dans la tête, les notes, la grille d’accord, tout. Il avait vraiment une mémoire extraordinaire’’.
‘’Sa musique est restée dans l’underground mais on est loin de l’underground. Je suis très fan des Reigning Sound mais si tu enlèves la voix de Greg Cartwright, on reste dans des paroles qu’écrivent pas mal de gens. Avec SPJ, tu es vraiment au-dessus, avec des structures toujours différentes’’.
C’est peut-être une des raisons pour laquelle il bénéficiait d’une aura extraordinaire auprès des autres musiciens, dont la plupart lui vouait une réelle vénération. ‘’C’est ça qui est hallucinant. Les seules personnes qui connaissent vraiment bien ce genre de choses, ce sont les zikos, ils ne s’y trompent pas. Si tu interroges nombre d’entre eux, que ce soit James McCann ou Gaz [Gareth Liddiard, chanteur de The Drones], ils te diront tous qu’il a toujours été ‘’le meilleur d’entre nous’’.
‘’Lou Reed était très fan de SPJ, disant de lui qu’il était un des tous meilleurs songwriters (après lui bien sûr !). Spencer, c’est la ‘’star des stars’’, de Lou Reed, de Tex Perkins(Beasts Of Bourbon), de Kid Congo (Gun Club), de Walter Daniels (Jack O’Fire, The Oblivians, The Revelators…). Toute la scène de Memphis garage était dingue de SPJ’’.
Étudier la carrière brillante de SPJ, c’est aborder la musique sous toutes ses formes : de la country au swamp rock’n’roll, de la soul au punk, du blues au folk.
‘’Sa musique est à la hauteur du personnage., ce n’est pas le Bukowski de la chanson mais on n’en est pas loin (sic). Il n’y a pas de trucs fantasmagoriques mais c’est tellement difficile d’écrire de manière aussi épurée qu’on se demande à chaque fois : ‘’Mais comment n’ai-je pas pensé à écrire ça avant ? ou bien ‘’Comment n’ai-je pas pensé à aborder ça sous cet angle-là ?’’.
‘’C’est quelqu’un qui rend plus facile la musique. Il est toujours reconnaissable dans ses gimmicks. Même pour des grands guitaristes comme John Nolan (Bored, Hoss, Powder Monkeys), qui est plutôt dans la lignée des guitar heroes, ça leur prend la tête de voir un mec pareil qui trouve des mélodies que tu cherches depuis vingt ans, que tu es entrain de descendre tout ton manche depuis trois heures et que tu n’y arrives pas. SPJ allait toujours à l’essentiel, avec des choses assez bizarres, des slides… Personne ne slide comme lui. Quand tu le regardes, tu as le sentiment qu’il joue comme tout le monde mais tu ne comprends pas ce qui sort. Dans Spencer, il y a de la magie, ça c’est une certitude ! Tout le temps’’.
(À suivre)
Alechinsky