Le nom pourrait prêter à confusion. Avec un titre comme « Party Time », on s’attendrait presque à une ode frivole à l’évasion nocturne, aux verres qui trinquent et aux corps qui dansent jusqu’à l’épuisement. Pourtant, ce premier album de TVOD, acronyme chargé de l’énergie punk brute, est tout sauf une invitation à la désinvolture. Le groupe originaire de New York City (la ville qui ne dort jamais), signe ici un disque viscéral, âpre et d’une honnêteté désarmante, sorte de journal intime électrique sur les dérives de la nuit new-yorkaise et les failles humaines qui s’y nichent.
Un son punk sans fioritures, mais pas sans surprises. TVOD délivre une urgence punk, immédiate, sans détour, mais dont la rugosité est enrichie par des couches de synthétiseurs luxuriants et des grooves post-punk solides. C’est là toute l’alchimie de « Party Time » où les riffs de guitare acérée croise un chant tantôt ironique, tantôt rageur, des claviers qui viennent caresser ou trancher selon les mélodies, et une section rythmique capable de vriller aussi bien dans la transe que dans l’urgence.
Au cœur de cette dynamique, Tyler Wright brille par une écriture lucide, grinçante, profondément humaine. Il ne se contente pas d’enchaîner les refrains tapageurs : ses textes, parfois proches du spoken word, dressent un portrait sans fard de la vie urbaine, oscillant entre déceptions amoureuses, addictions et désenchantement. Une forme de tendresse acide s’en dégage, comme si la rage n’avait de sens qu’en dialogue avec la vulnérabilité.
Enregistré live-off-the-floor à Gamma Recording Studio (Montréal), « Party Time » transpire la chimie collective d’un groupe qui joue ensemble, vraiment. Sous la houlette des producteurs Félix Bélisle et Samuel Gemme, TVOD, avec Wright au chant, Mem Pahl à la batterie et synthés, Micki Piccirillo à la basse, Jenna Mark au chant et claviers, Serge Zbrizher et Denim Casimir aux guitares, a su capter quelque chose de fort : l’électricité du moment, cette tension palpable, cette folie addictive, à partager sans limite.
Un album aussi poignant que mordant. En onze titres, TVOD réussit le pari de conjuguer l’énergie brute du punk, la profondeur émotionnelle de la prose urbaine, et une réflexion esthétique sur ce que peut encore être le rock en 2025 : authentique, collectif, bruyant et sincère.
Certes, les fans de post-punk y retrouveront leurs repères, mais ils y perdront aussi quelques dents, au fil des récits punchy déchirants de lucidités. On rit jaune, on encaisse les coups, on se reconnaît dans ces histoires de bars moites, de lendemains désabusés, de solitude tapie derrière le bruit sourd des insomnies.
Photo de couv. © Kristin Sollecito