Ceylon, voilà Où ça en est

Ceylon est un groupe rock psychédélique de cinq toulousains qui envoie du grandiose et une musique maximaliste. Passionnés de théâtre et de cinéma, ils restituent en musique leur créativité marquée par un certain montage de plans séquentiels magistralement organisés pour sublimer les effets et susciter émotions et ressentis. Leur premier album Où ça en est (La Couveuse / Fauchage Collectif), disponible le 24 Janvier 2020, donne à découvrir de la maîtrise sonore tout en finesse et en épique. 

(c)Laurent Hubert

L’album a d’abord été enregistré au studio Midilive en prises directes afin de saisir l’instant présent et a été parachevé dans une ancienne minoterie par des températures assez basses. Ces variations d’espace temps et de conditions de préparation enrichissent les teintes des timbres et de la palette sonore de couleurs chaudes et froides. Le premier morceau est vraiment un tube en devenir qu’on a plaisir à écouter et réécouter. La montée progressive en voix et intensité débute sur ’Mon ami’’ qui affecte un débit de paroles impressionnant en voix parlée féminine qui se grime en voix chantée sur les refrains :

« Et tu sais quoi c’est pas la joie mais c’est comme ça que tout ira ouais »

L’expérience inouïe se développe avec ‘’Où le mal I’’. Bien que le titre soit en français on assiste à un récital où une voix singe une diva punk psyché à la Nina Hagen en plus apaisée en anglais, puis en français. La performance verbale force l’attention et l’admiration ! On croit même percevoir des cris d’animal identifié comme étant un chien ou provenant presque de danseuses de music hall French Cancan. Ces résonances pas banales sont super captivantes à entendre. La semblante souffrance à fleur de voix est dissipée dans un délicieux et long instrumental final où interjections vocales, guitares et batteries rivalisent en une escalade sonore avant l’ultime note qui se poursuit dans le titre suivant ‘’Où le mal II’’. Ce titre en deux numéros à la suite ne sont pas vraiment une question comme le point d’interrogation manque. La voix chantée à la limite du parlé, est rejointe cette fois par un choeur en coeur « où le mal n’était pas ». C’est bien la souffrance qui s’exprime face à un présent nostalgique du passé et les sonorités psyché s’emparent peu à peu du tempo et de la mélodie. 

(c) Hellena Burchard

La batterie se saisit de la suite de l’EP en introduisant ’’Le cinq’’ où une voix masculine reprend la main vocalement et entonne en anglais des notes avant d’être rejointe par une choriste soprano, qui va reprendre les paroles en voix française. Et vice versa. Bel exercice de symbiose sur de superbes riffs de guitares à la Jimi Hendrix et des modulations de percussions exceptionnelles qui frise la polyphonie générale. 

‘’Hamlet Hollywood’’ démarre cinématiquement sur un style qu’on dirait extrait d’un film où une voix-off à tendance psychotique et les instruments planent en vautours sonores au-dessus de ces effluves musicales se mettant petit à petit en place. Le titre de l’album Où ça en est ne questionne point et propose plutôt tout en imposant un style à lui seul. Il est tiré des paroles de ce morceau ‘’Hamlet Hollywood’’. Unir Shakespeare au nom du fleuron de l’industrie du cinéma américaine n’est pas anodine. Le morceau se déploie comme la scène d’un acte théâtral, sur la scène auditive. On imagine et on se remémore le dernier film hollywoodien que l’on a vu ou la dernière pièce de théâtre qu’on a lu, étudié, connu aux détours du lycée ou simplement entendu parlé. Hamlet, très célèbre tragédie éponyme du dramaturge anglais, est un personnage de la cour du Danemark feignant la folie afin de sauver sa vie. Un semblant chaos en chœur « où ça en est » accessoirise la mise en œuvre de l’existence d’une œuvre et d’une vie. La vie en tant qu’œuvre et lorsque la vie part en vrille en musique, Ceylon a trouvé comment représenter la douce folie en musique. Un personnage appose du français dans le texte qui corrobore le pouvoir du regard:

            « Le regard ne trompe personne, la parole est déformée (…) ce qui compte est le regard »

L’ultime chanson ‘’Hamlet roi’’ reprend à l’identique le même début que le morceau précédent ‘’Hamlet Hollywood’’. Le français se tortille vocalement et des notes élevées, limite suraiguës redescendent après avoir atteint les cimes. Les inflexions vocales psyché punk sont quelque peu apaisées mais l’intensité reste la même au niveau orchestration. « Elle dit où ça en est » est le refrain frénétique de la même voix féminine puissante et fragile à la fois. Veut-elle parler de la folie de l’existence ? A l’auditeur de se faire son idée, sa pensée et de laisser aller et faire le psyché à l’écoute de cet album inédit et tellement troublant. Une alchimie écriture, composition, orchestration, interprétation, arrangement, mixage etc. pour le moins réussie. 

Ceylon sera en première partie du concert de SÜEÜR le 23 janvier à la Boule Noire.

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Van Memento Maury