Il faut du courage pour se mettre à nu. Il faut encore plus de courage pour le faire en musique, sans fard, sans posture, avec cette sincérité tranchante qui transforme la douleur en matière sonore. Cate Le Bon, avec Michelangelo Dying, signe son septième album comme on grave une fresque fragile dans le sable du désert californien. La fin d’un amour y devient paysage, énergie, vibration.
L’album se déploie comme une respiration hésitante, en clair obscure, plein de nostalgie et riche du vertige de l’avenir. Est-ce une confession intime, ou bien une cartographie émotionnelle où chaque chanson joue le rôle d’un témoin ?
On y trouve des guitares aux reflets chatoyants, filaments de chaleur dans la poussière de Joshua Tree ; le saxophone mélancolique d’Euan Hinshelwood, s’invite dans « Love Unrehearsed », soufflant au crépuscule ; puis une batterie aux accents légèrement rétro, convoquant par éclats Stevie Nicks, ou Laurie Anderson ; et des lignes vocales tantôt tranchantes comme des lames, tantôt évanescentes comme des mirages.
La musique de Cate Le Bon ne décrit pas seulement la douleur, elle la met en scène comme un théâtre intérieur. About Time scintille de résilience, ses phrases lentes portées comme un mantra : « Je ne suis pas allongé dans un lit que tu as fait. » Mothers Of Riches laisse les guitares s’échapper, en volées d’oiseaux tournoyant dans un ciel trop grand pour être contenu. Body As A River s’ancre dans une pulsation krautrock, mais ses mots « mon corps comme une rivière, une rivière à sec » rappellent que la lutte est aussi intérieure.
Is It Worth It (Happy Birthday), poignante méditation où surgit une adresse simple, dévastatrice : « J’ai pensé à ta mère. J’espère qu’elle sait que je l’aime. » Pieces Of My Heart, qui tranche net : « C’est comme ça qu’on s’effondre. »
Jerome, flottant dans l’incertitude harmonique, errance avant la résolution. Ride, avec John Cale, qui ferme l’album sur un murmure définitif : « It’s my last ride. »
Une œuvre cathartique, oui, mais aussi une peinture sonore, mouvante, où chaque texture semble naître du frottement entre souvenir et présent. Le Bon, fidèle à sa manière artisanale de produire et de modeler ses chansons, sculpte ici un espace vibrant où l’on se perd volontiers.
« Michelangelo Dying » c’est une méditation sur la force, la fragilité et l’élan vital qui naît dans le vide laissé par l’autre. Une œuvre courageuse, bouleversante, qui nous dit comment danser avec vos ruines ?