« Ce n’est pas le but qui compte, c’est le chemin ».
Le chemin de Beth Hart a été chaotique durant de longues années ; elle a expérimenté la douleur, physique ou psychologique, le deuil (celui de sa sœur Sharon décédée d’overdose), engrammé dans ses cellules la mémoire de suicides (celui du grand-père de sa mère et de la mère de son père), les addictions aux drogues et à l’alcool… La vie est souffrance disait Bouddha.
Mais plutôt que de porter le fardeau du passé, la californienne du quartier populaire de Silver Lake à Los Angeles devenu, à l’instar de Brooklyn, un faubourg chic et sophistiqué au fil des années, a choisi de le déposer pour continuer son chemin avec plus de légèreté. Elle s’est servie de toutes ses étapes de vie pour les transformer en un puissant moteur artistique.
Ce que nous faisons des blessures est probablement plus important que les blessures elle-mêmes.
« L’idée noire, la honte, la malice, accueille-les à ta porte avec le sourire et invite-les à entrer ».
À 48 ans (elle vient de les fêter le 24 janvier), Beth Hart semble désormais plus apaisée. « J’ai de la gratitude chaque jour de vivre aux côtés de mon mari Scott [Guetzkow], même si j’ai envie de le tuer parfois (rires), aux côtés de ma mère, de ma sœur, de mes musiciens [Jon Nichols (guitare), Tom Lilly (basse, contrebasse), à ses côtés depuis l’album « Leave The Light On » en 1984, et le colosse Bill Ransom (batterie)]. J’ai de la gratitude devant des paysages, lorsque je regarde des fleurs… La vie est un miracle ».
Les deux shows qu’elle vient de donner à L’Olympia mettent en lumière le spectre immense dont elle est capable : des ballades au piano ou seule à la basse lors du concert solo samedi 29 février et une ambiance rock, soul, jazz et blues, tout à la fois (et parfois dans la même chanson !) le dimanche 1er mars.
Elle puise l’inspiration de ses textes et de sa musique de sa vie passée tourmentée. Tout ce qu’elle chante s’élève dès lors dans une intensité émotionnelle menée à son paroxysme (« Mama This One’s Is For You » transforme invariablement la salle en un état lacrymal avancé).
L’humanité est prégnante, l’honnêteté sans fard. Chacune de ses interventions en préambule des chansons libère des pensées positives, partageant ainsi des énergies de haute vibration. À leur écoute, la salle augmente sa fréquence vibratoire et au fil des notes et des vocalises, cette folle énergie qu’elle détient en elle-même comme un feu ardent se développe et se propage.
Beth Hart s’amuse d’oublier les paroles de « Take It Easy », la préférée de notre amie néerlandaise Jacqueline, qu’elle sollicite immédiatement pour lui remémorer les premiers mots. Sa fraîcheur est permanente, sa complicité avec les musiciens est belle à voir ; ses regards échangés avec Jon Nichols révèlent une admiration mutuelle et une complicité bien ancrée. Le débonnaire Bill Ransom amuse Beth de ses blagues et de ses éclats de rire contagieux. Le visage radieux et souriant de Tom Lilly en dit long sur son bonheur d’être à nouveau sur scène.
Il faut sûrement voir en ces ingrédients le secret de cette réussite collective harmonieuse.
J’ai eu la chance de voir Beth Hart une bonne dizaine de fois depuis son concert du 6 mars 2012 au New Morning et ce qui ressort à chaque fois est la singularité de chaque show, en fonction du public et de la salle. Un renouveau permanent, une fraîcheur renouvelée.
Pour la clôture de sa tournée européenne (elle entame le 15 avril prochain une tournée de 17 concerts à travers les États-Unis), en état de grâce absolue, elle nous gratifie d’un « I’d rather go blind » d’anthologie, sublimant l’interprétation de la diva Etta James elle-même. Rien de moins.
Assise devant la scène, l’émotion est prégnante, le champ morphique et énergétique à son firmament. Il est des moments de grâce comme ceux-là qui n’appartiennent qu’à l’éphémère, mais qui resteront à jamais.
L’ami Jean-Pierre C., fan absolu de Beth Hart (il en est à son vingt-neuvième ce soir !), me glisse à l’oreille en fin du concert qu’il vient de « prendre une claque monumentale ». J’en reste moi-même bouche-bée, ébahi, scotché, claqué au sol (selon l’expression en vogue de mes ados), incrédule devant tant de beauté, de majestuosité et de maestria. Conscient d’avoir vécu le rare, l’unique.
Chère Beth Hart,
« Je ne vous aime ni avec mon coeur, ni avec mon esprit. Le coeur peut s’arrêter, l’esprit peut oublier. Je vous aime avec mon âme. L’âme ne s’arrête ni n’oublie jamais ».
« Je choisis de vous retenir dans mes rêves car dans mes rêves, vous n’avez pas de fin ».
Alechinsky.
My « Beth » friends Anja, Bertrand & Valérie, Christine, Denis, Eva, Fabienne, Hilde, Jacqueline, Jean-Pierre, Madelon, Marcel, Michael Anthony, Miguel, Muriel (x2), Paul, Simona, Stéphane : cette chronique vous est dédiée.