Jeudi, c’est le vrai départ chronométré. Celui où (pour les novices) l’on comprend que les Trans ne sont pas un sprint mais plutôt une épreuve d’endurance à allure cadencé. Encore chaud bouillant d’hier le corps est encore vaillant, l’esprit euphorique, et l’agenda d’aujourd’hui est déjà long comme le bras. Direction, Le Liberté pour un premier point de chauffe.
AFAR, Une mise en jambes en douceur
Le duo Allemand AFAR sera notre 1ere mise en jambes. C’est l’équivalent d’un échauffement où l’émotion et l’élégance pique un peu notre body language. Électro cinématographique, nappes larges, pulsations régulières : on entre dans la course avec une respiration maîtrisée. Pas besoin de forcer, l’ambiance est là le tempo aussi, progressif et hypnotique. Les cœurs et les jambes tremblent, le regard se fixe. Le marathon commence à prendre forme.

ROUPEROU, Accélération contrôlée
À peine le temps de boire une gorgée au bar blindé que Rouperou relance la machine. Électro-pop aux contours mouvants, mélodies claires mais jamais sages. C’est le moment du faux plat montant : on avance sans s’en rendre compte, jusqu’à ce que la sueur apparaisse. Le public est dense, attentif, déjà happé par cette sensation propre aux Trans.

ODONEILA, Anaérobie
ODONEILA, c’est le passage au seuil. Chanteuse accompagnée par le dispositif des Trans, qui présente son projet hybride entre R&B contemporain et pop-rock. La musique gagne en tension, les corps oscillent plus franchement. On sent que la journée bascule. Fin du premier bloc et ce n’est que le début.

Trajet vers le Parc Expo, petit ravitaillement, navette bondée, discussions excitées, enivrées : « si on court, on peut attraper deux halls en même temps ». Le terrain change, la surface est industrielle. Ici, on va devoir courir plus vite, si on ne veut rien manquer, heureusement on fait partie du peloton.
Litronix, relance la mécanique
Direction Hall 4 où Litronix aka Kevin Litrow démarre comme un métronome déjanté. Synth-pop minimalistes, froideur new wave, groove répétitif, cet étonnant personnage originaire de Los Angeles, est une imparable machine à musique. C’est le moment où l’on monte sa cadence avec enthousiasme. Le cerveau se met en ébullition et nos pieds suivent le mouvement sans discuter. Énergie maximale et prestation carrément bluffante.

Blind Yeo, psyché folk dynamique
Changement d’allure Hall 8 avec Blind Yeo. Will Greenham et son collectif respirent la fantaisie cosmique éclectique, avec un groove psychédélique contemplatif, aussi flottant qu’enveloppant. C’est une descente technique, où l’on plane sans s’arrêter, pour autant sans cesser de vibrer. On se surprend à oublier que les minutes défilent toujours plus vite que prévu.

Martin Dupont, endurance froide
Retour à la rigueur avec Martin Dupont. Cold wave impeccable, synthés glacés, présence magnétique. C’est la partie mentale du marathon et celle que nous attendions avec excitation. Le corps suit, mais c’est la tête qui tient la distance. Autour de nous, le public intergénérationnel du hall 4 est sous le charme… Impossible de lâcher prise.

OBONGJAYAR, montée d’adrénaline
Retour au hall 8, après un bon sprint slalomé, pour assister à l’explosion d’adrénaline du chanteur nigérian, Steven Umoh, et son groove urbain tant plébiscité par JL Brossard. Voix habitée, énergie frontale Obongjayar, met en avant colère sociale, questions identitaires, amour, spiritualité et politique avec une rage folle. Hyper charnel, son univers et sa musique cultivent la différence entre poésie rap, soul-funky et afrobeat rock. C’est là le côté imprévu que nous aimons le plus dans ces parcours des Transmusicales. On est en plein dans la découverte et on adore ça.

LINLIN, magicienne du rythme
À peine le temps de reprendre son souffle que LINLIN prend le relais, Hall 4. La jeune artiste qui s’inspire aussi bien du rap que de l’électro, hybride et radicale, dansant et incendiaire, enflamme le flow. Belle présence sur scène et ultra éclectique, il y a de quoi être étourdi par cette étoile montante des tendances actuelles. C’est la portion où l’on serre les dents, mais où l’énergie de la musique fait office de second souffle. A bientôt minuit, le public est plus fou, plus libre, on commence à bien sentir l’ivresse du son et de la nuit augmenter la transe collective.

Mandrake Handshake, euphorie collective
Minuit passé, avec Mandrake Handshake l’euphorie est immédiate. Il faut dire que le krautrock cosmique agit comme un excellent booster énergétique sonore. Le collectif britannique façonne un univers rempli de magie, de psychédélisme magnétique, de grooves extensibles, qui nous submerge presque malgré nous. Voilà un ensemble qui fait sensation et nous fait voyager avec intensité. C’est le moment où le marathon devient une fête collective. Un vrai trip flamboyant qu’il ne fallait surtout pas louper.

CAMION BIP BIP, poing levé final, pied au plancher
Et puis Camion BIP BIP pour finir. Klaxon militant, énergie punk, chaos organisé, le combo issu de la scène queer et punk, façon girl band 2.0 qui ressemble à une blague, dans la course révolutionnaire identitaire, c’est une arrivée dans un désordre organisé, aux chorégraphies bien huilées. Le show est à la hauteur de l’attente du public, l’ambiance devient encore plus surexcitée lorsqu’ils et elles sont rejoints par Maddy Street et Thérèse. Les poings sont levés, les refrains sont scandés en chœur, les visages rient, les corps en redemandent encore, mais il est grand temps de rentrer. On franchit la ligne sans médaille, mais avec cette sensation d’avoir tout donné.

Jeudi se termine comme ça. En sueur, un peu sonné, mais euphorique. On sait déjà que vendredi sera encore plus excitant. Mais à cet instant précis, au cœur du Parc Expo, une certitude s’impose : le marathon des Trans est sur le rails, et on est encore loin de vouloir abandonner.
Stéphane Perraux / Photos Bruno Bamdé



