Avec « Porcelain », le duo réunionnais désormais installé en Lorraine signe son disque le plus tendu, le plus viscéral et paradoxalement le plus solaire. Enregistré une nouvelle fois au mythique Studio Black Box avec Peter Deimel, ce quatrième album taille dans le vif de la noise rock pour en révéler la chair indie la plus vibrante. Riffs tranchants, batterie féline, urgence punk irrésistible ou transe hypnotique, on retrouve, en 9 titres, la rage DIY et la sincérité de l’univers du groupe, mais surtout une vraie recherche de nuance. Pamplemousse livre une chevauchée fantastique fracassante aux allures autrement maîtrisées, frappe fort et touche juste.
Pour en savoir un peu plus, Pamplemousse a répondu à nos questions.
« Porcelain » est votre quatrième album et marque un nouveau chapitre depuis votre installation en Lorraine. En quoi ce changement de cadre géographique a-t-il influencé votre manière de composer ou votre son ?
80 % de l’ album a été composé à La Réunion et on n’a pas composé beaucoup de morceaux en métropole. Pour l’instant on n’a pas l’impression que le déménagement a eu une influence sur notre son. Peut être que ce sera le cas quand on y aura passé quelques hivers !
Vous collaborez une nouvelle fois avec Peter Deimel au Studio Black Box. Qu’est-ce qui rend cette relation si essentielle à votre musique ?
Ça fait longtemps qu’on connaît Peter, c’est le troisième album qu’on enresgitre avec lui: on se sent en pleine confiance avec lui aux manettes. Il a bossé avec pas mal de groupes qu’on aime et il a beaucoup d’expérience. Peut être que je me répète mais on a vraiment de la chance de l’avoir en France ! Et le Black Box est un endroit magnifique en pleine campagne, où on adore passer une semaine pour enregistrer le disque. On peut y faire les prises sur bandes, et c’est le son qu’on aime .
Il est très important pour nous d’aller dans un endroit qu’on connaît, avec une personne qu’on apprécie, sinon ça peut vite se transformer en calvaire.
Le titre Porcelain évoque à la fois la fragilité et la résistance. Quelle signification personnelle ou symbolique se cache derrière ce choix et quel en est le fil conducteur ?
Pour être honnête , il n’y en a pas vraiment : on a juste trouvé que ce mot collait parfaitement avec la photo de la pochette ! Il se trouve que c’est le nom d’un titre du deuxième album « High Strung ».
Votre musique a toujours oscillé entre tension rythmique et beauté rugueuse. Comment avez-vous travaillé le jeu d’équilibriste sur ce disque ?
Tout ça n’est pas vraiment pensé à l’avance. On laisse les idées venir, et quand ça nous plait, on garde et on en fait un morceau . Je pense que c’est notre façon de composer qui est comme ça. On aime la mélodie, les harmonies, et les trucs qui déménagent !
Vous avez commencé à trois, vous êtes désormais un duo. Comment cette configuration influence-t-elle votre écriture et la dynamique de vos morceaux ?
Quand on a commencé à jouer en duo, on ne savait pas où on allait, et on a gardé toutes les idées qui nous venaient. D’une certaine façon, on était beaucoup plus libre. On est un couple dans la vie, et par conséquent, on passe beaucoup de temps ensemble à discuter des compos. On peut aussi répéter souvent, et grâce à ça je pense qu’on explore un peu plus ce qu’il y a au fond de nous.
Les visuels des albums de Pamplemousse ont toujours eu une esthétique forte décalée et DIY. Quelle est l’origine de la photo en couverture Porcelain ?
Ce sont des diapos de famille d’un ami qui vient de Rochester, NY. Elles datent de la fin des années 50. Sur la pochette, ce sont deux sœurs, les cousines de notre ami. On a bloqué sur cette image, qui peut laisser perplexe sur l’intention de ces deux petites, qui paraissent toutes sages, mais ont la lueur malicieuse de celles qui ont fait, ou manigancent quelque chose de pas très catholique !
Vos influences noise rock et punk 90s sont souvent citées, mais quelles sont vos inspirations plus récentes (musicales ou non) ?
Nos influences plus récentes… Bonne question… Les artistes qu’on côtoie, dans le graphisme ou la musique, sont forcément une source d’inspiration, de par les discussions qu’on peut avoir sur n’importe quel sujet, d’ailleurs. Une des inspirations les plus importantes serait sûrement les belles relations amicales qu’on a tissées, mais si tu préfères du concret, on dira que l’esprit brut et tranchant d’artistes visuels comme Glen Friedman, Stephen King, Donald Glover nous animent beaucoup.
L’influence musicale est également très enrichissante et vitale pour nous, et même s’il s’agit souvent de vieux groupes qu’on aime re-découvrir, on peut citer entre autres Preoccupations, Facs, Protomartyr, qui sont beaucoup plus actuels.
Il y a aussi des groupes qu’on aime retrouver, comme Mule Jenny, Lysistrata, Daria, Turbo Panda, Maria Violenza, Warm Exit… qui sont non seulement des musiciens créatifs et sensibles, mais également des personnes authentiques et touchantes.
En tant que groupe originaire de La Réunion, comment vivez-vous la perception de votre musique par le public métropolitain et international ? Y a-t-il encore des clichés que vous aimez pouvoir déconstruire pour de bon ?
On n’a jamais eu de problèmes avec les clichés à propos de la Réunion. En fait les gens sont un peu surpris quand on leur dit d’où on vient, et ces réactions sont très drôles, mais encore une fois, on ne fait pas ça dans le but de déconstruire quelque chose, mais vraiment de façon inconsciente, juste parce que c’est ce qu’on a besoin exprimer.
Les morceaux comme “More Beautiful Than Madonna” ou “Bad Penny” dégagent une énergie live incroyable. Comment transposez-vous votre intensité en live sans perdre la spontanéité ?
Oh ben le trac, et les sourires du public aident beaucoup ! On essaie toujours de s’amuser et de vivre le set comme si c’était le premier, ou le dernier… On profite un maximum, car si on passe un bon moment, ça se ressentira forcément.
Après quatre albums et presque dix ans d’existence, quelle place occupe aujourd’hui Pamplemousse dans votre vie quotidienne ?
En gros, c’est 7 jours sur 7. Il y a toujours quelque chose à faire, promo, concerts, répètes, composition… Tout ça prend un temps fou, et chaque petit événement du quotidien peut être un prétexte pour parler soit de la prochaine pochette, d’une prochaine compo, de ce qu’on aimerait essayer comme son…
Est-ce que vous vivez différemment votre musique par rapport à vos débuts (par exemple : que ce soit au niveau des questionnements, aux nécessités d’exprimer un message ou sur la complicité que vous avez ensemble) ?
Non je ne pense pas que ça a changé. On a toujours les mêmes doutes quand on compose des nouveaux titres, et on ne se pose toujours pas de questions du genre coaching scénique ou pas (la blague), ou sur notre façon de communiquer. Et on n’a toujours pas de messages à faire passer, à part : on espère que vous vous éclatez en écoutant notre son !
Photo de couv. Vincent Dietsch