Pool Kids – « Easier Said Than Done »

 quand la vulnérabilité devient un acte de résistance

 

Il y a des disques qui ne s’écoutent pas seulement : ils s’éprouvent. Easier Said Than Done, troisième album des floridiens Pool Kids, appartient à cette trempe rare, celle des œuvres qui allient la fougue des débuts à une maturité sonore arrachée de haute lutte.

 

Né de la sueur des house shows de Tallahassee, forgé dans le DIY le plus tenace – concerts auto-bookés, premiers enregistrements bricolés dans une cuisine, Pool Kids a grandi sans jamais renier ses racines. Aujourd’hui, le quatuor (Christine Goodwyne au chant et à la guitare, Andy Anaya à la guitare, Nicolette Alvarez à la basse, Caden Clinton à la batterie) signe un disque à la fois viscéral et lumineux, propulsé par une confiance collective quasi organique.

 

Car Easier Said Than Done n’est pas seulement une suite logique à l’acclamé Pool Kids (2022). C’est une plongée encore plus profonde dans le fragile équilibre entre anxiété intime et exutoire sonore. Goodwyne, récemment diagnostiquée OCD, y livre des textes d’une intensité troublante : obsessions, amitiés fracturées, tournées qui distendent les liens, souvenirs d’enfance réinterprétés à la lumière crue de l’âge adulte. Sur “Leona Street”, l’intime se déploie dans un récit de retrouvailles impossibles, tandis que “Tinted Windows” explose dans un grondement rageur, écho direct aux sacrifices imposés par la vie sur la route.

 

Musicalement, Pool Kids se joue des étiquettes. Entre l’embrasement emo, les syncopes héritées du math rock et des éclats pop éthérés, chaque titre avance par mutations successives, comme si le groupe refusait toute fixité. Les guitares de Goodwyne et Anaya s’enlacent et s’opposent, la basse d’Alvarez ancre et enlace, la batterie de Clinton virevolte avec une précision aérienne. Tout est question d’interdépendance : quatre corps en tension, quatre énergies en équilibre précaire mais galvanisant.

 

Le processus d’enregistrement, lui, relève presque du roman initiatique. Cinq semaines à Seattle, à dormir à même le sol du studio ou dans des motels miteux, à expérimenter jusqu’à l’épuisement. Micro scotché sur la poitrine du batteur pour capturer l’organique, piano maquillé de balles de ping-pong pour texturer l’espace… Rien n’a été laissé au hasard. Résultat : une production à la fois brute et minutieuse, où chaque détail semble respirer l’urgence de vivre et de transmettre.

 

Et c’est bien là la force de *Easier Said Than Done*. Derrière l’apparente dureté des riffs et la fulgurance rythmique, Pool Kids offre une main tendue. Comme pour rappeler que l’isolement n’est jamais une fatalité, que la vulnérabilité peut devenir un ciment collectif. “You don’t have to do anything in this world alone”, pourrait être la morale tacite de l’album — et dans un paysage musical saturé de cynisme, cette sincérité fait l’effet d’un uppercut tendre.

 

Avec ce troisième disque, Pool Kids ne se contente pas d’affirmer son identité : ils incarnent une façon de faire groupe, de transformer la douleur en lien, l’angoisse en énergie. *Easier Said Than Done* est plus qu’un album. C’est une invitation à se tenir debout, ensemble, dans le vacarme et la fragilité du monde.

 

https://youtu.be/mWfOMtb23O0?si=uTnXpj7IeWMTtyEP