« Serious Acts » nerf à vif sous tension électrique. Le troisième album du trio de Naarm/Melbourne, CLAMM, s’impose d’emblée comme une pulsation organique, une décharge frontale de rage contenue, de lucidité troublée, de quête viscérale d’authenticité.
Happé dans une spirale de sons abrasifs et d’élans mélodiques inattendus, le single « And I Try » sert de point d’ancrage à ce virage audacieux : riffs granuleux, cri sauvage à peine domestiqué, et surprise des synthés cinglants qui viennent ouvrir la charpente punk à d’autres courants d’air tempétueux. Que devient le cri quand il s’orne de textures inédites ? Que reste-t-il de la colère brute lorsqu’elle s’habille d’arrangements plus amples, plus travaillés ? Chez CLAMM, la réponse est claire : C’est pour mieux amplifier le propos mon enfant.
Rugosité contrôlée, chaos habité et intensité palpable. Serious Acts est une succession de tableaux sonores qui mêlent : rythmiques martelées, toujours sur le fil, a la limite de la rupture, guitares lacérantes, entre fièvre post-punk et furie garage ; vocaux incantatoires, presque chamanique dans leur répétition, comme pour conjurer un monde qui déborde de folie furieuse.
Mais le groupe n’est pas seulement dans l’expression de l’impact imminent qui plane au-dessus et dans nos crânes. Il sculpte aussi l’espace, ose les ruptures. Il insuffle des respirations sans jamais sacrifier une once de cette tension. La batterie de Miles Harding, toujours précise, fait le lien entre fracas et flow. Stella Rennex, récemment arrivée à la basse, injecte une dynamique plus ancrée, plus lourde, plus fluide : colonne vertébrale rythmique qui ferait danser les corps inanimés. Jack Summers, lui, scande ses mots silex, noir et tranchant aux formes éolithes, avec un charisme hypnotique remarquable. Avec eux immanquablement l’ébullition est immédiate.
CLAMM élargit ici sa palette sans perdre son intensité ni sa direction. Les influences sont là, presque évidentes. Fugazi, IDLES, The Fall peut-être, mais qu’importe les ressemblances, ce disque trace sa propre ligne de fracture, nourrie autant par la scène garage de Melbourne que par les obsessions existentielles d’une jeunesse en lutte contre les systèmes qui l’étouffent.
Entre posture politique et quête personnelle, chaque morceau est un acte fort, témoin d’une lutte, d’une plaie ouverte. Le titre de l’album, Serious Acts, résonne à plusieurs niveaux : déclaration d’intention, cartographie lucide de ce monde de faux-semblants, l’acte sincère est déjà une forme de résistance.
Et au fond, que fait CLAMM sinon offrir un exutoire ?
Un exutoire à celles et ceux qui se sentent dissociés, piégés, consumés par l’inertie ambiante. Un chaos sonore où le simple fait d’essayer de se heurter aux parois étouffantes est un acte de résistance : crier, penser et n’être qu’un avec cette colère pour mieux renaître.
Alors, êtes-vous prêt·e·s à entrer dans la matière brûlante de CLAMM et à vous frotter aux échardes sonores qu’il disperse ?
Montez le son. Laissez « Serious Acts » vous traverser.
Photo de couv. (c) Jessica Calvo.