L’éclat faussement solaire d’un désenchantement écologique.
Avec Sustainable Life, le combo rennais BOPS opère un virage stylistique aussi subtil que déroutant, troquant l’énergie garage de leurs débuts pour une balade folk aux allures trompeusement candides. Derrière l’apparente douceur des guitares acoustiques et les volutes enveloppantes du mellotron, le groupe déploie une satire cinglante de la « croissance verte » et de ses promesses frelatées.
Enregistré dans l’écrin feutré du studio La Frette, sous l’égide du producteur Samy Osta, ce morceau aux allures de comptine psychédélique s’inscrit dans la tradition d’un songwriting nord-américain, évoquant tour à tour les errances baroques de Foxygen et la mélancolie rustique de Kevin Morby. Mais ici, le rêve hippie tourne court : Sustainable Life est traversé d’une désillusion profonde, d’un constat amer sur la récupération libérale des idéaux écologistes, désormais vidés de leur substance.
La mise en images prolonge ce discours ambivalent. Réalisé par François Le Gouic — fidèle complice visuel du groupe — le clip installe le chanteur, sourire en coin, au milieu d’un champ de colza bio, baigné d’une lumière dorée. Derrière cette esthétique champêtre, presque pastorale, se profile une critique acérée du paysage agro-industriel breton, dont la beauté apparente masque les défigurations profondes infligées par un productivisme repeint en vert. Le geste est ironique : chanter la durabilité devant les cathédrales de l’agrobusiness relève ici d’un absurde assumé, presque jubilatoire.
La richesse des arrangements, la finesse des modulations rythmiques et l’intelligence du propos confèrent à ce titre une profondeur rare. Sustainable Life n’est ni un pamphlet ni une complainte : c’est une fresque lucide, d’autant plus mordante qu’elle se dissimule sous des atours solaires. Chez BOPS, la subversion prend le masque du sourire.
Photo de couv. Germain Sustainable