Pas de grandes révélations dans le film-documentaire de Nick Broomfield, mais un hommage fort et juste à celui sans qui les Rolling Stones ne seraient pas ce qu’ils sont devenus.
À l’heure des biopics édulcorés voire romancés, le film de Nick Broomfield va visiblement à contre-sens. Ici, il s’agit d’abord d’un documentaire fourmillant d’images d’archives et de témoignages autour de la personnalité complexe de Brian Jones.
Guitariste et multi-instrumentiste, ce dernier peut être considéré comme le fondateur des Rolling Stones, car il a réuni les premiers intervenants, en particulier Mick Jagger et Keith Richards, présent en voix off dans le film. Mais il était aussi mentalement très perturbé et très solitaire. Le film étant d’abord axé sur Brian Jones, on réalise bien combien ce dernier a souffert de la complicité établie de longues dates entre Mick et Keith, les deux futurs compositeurs d’une formation qui, à ses débuts, se contentait, comme n’importe quel groupe de baloche, de faire des reprises de leurs héros musicaux préférés, les bluesmen américains. Faire résonner cette musique sentant encore fort l’apartheid dans les pubs anglais, tel est le leitmotiv de Brian Jones et des siens. Une manière aussi d’affirmer à l’époque un comportement un brin provocateur alors que la pop sucrée des Beatles, qu’ils côtoient, fait déjà des ravages.
Rapidement, les Rolling Stones vont, grâce à ce positionnement très original, acquérir une vraie réputation dans les clubs londoniens par le vent de folie qu’ils font souffler sur la musique. Ils séduisent surtout les jeunes filles de l’Angleterre corsetée du début des années 60 avant de convaincre, par leurs talents de musiciens, les hommes. Lorsque, quelques années plus tard, Mick et Keith vont commencer à composer de leur côté, Brian ne s’en sentant pas capable, tout va se compliquer, d’autant qu’un manager gère désormais les fructueuses affaires du quintette. Pourtant, instrumentiste de génie, Brian Jones apporte toujours avec brio sa patte et son savoir-faire, particulièrement grâce à sa maîtrise instrumentale. C’est particulièrement audible sur le morceau « Paint It Black », l’un des plus grands succès des Rolling Stones.
Sexe, drogues et alcools
Depuis toujours, Brian Jones est un sale gosse, peut amener à respecter l’autorité parentale. Surtout, il multiplie les scandales, notamment sexuels. Pas moins de cinq jeunes filles tombent ainsi enceintes, au grand désarroi de ses parents ! Mais sa belle gueule et ses bonnes manières lui permettent de brouiller les cartes avec talent. Il aura trois enfants qu’il ne reconnaîtra pas, préférant la fuite et le rock’n’roll ! Le documentaire s’attarde largement sur les frasques amoureuses du guitariste.
Très vite, la musique devient son exutoire. À ce petit jeu, il est un interprète très brillant et multiplie les inventions sonores. Cela apportera une véritable plus-value aux Stones, mais en découvrant la vie de rock star, il va en même temps s’enfoncer dans le côté obscur. Drogues diverses et variées, alcools, Brian est là encore un précurseur, mais s’isole rapidement, même si ses comparses sont aussi des adeptes de toutes ces substances illicites adoptées de longue date par ceux que ce petit monde vénère, les musiciens de blues et de rock’n’roll américains.
Au fil des années et des trahisons, un fossé se creuse, Brian Jones est de moins en moins en phase avec le groupe, de plus en plus livré à ses addictions. Tout bascule vraiment lorsque la top model Anita Pallenberg, dont il était fou amoureux, tombe dans les bras de Keith Richards. Déjà mal en point, il sombre, entre deux péripéties avec la justice, dans une dépression encore plus grande, à tel point que Mick Jagger et Keith Richards, soutenus par leur manager, envisagent de se séparer de lui. Ils laisseront sans vergogne leur ancien comparse tomber dans les démons toxiques.
Une fin sordide
Ils n’auront pas vraiment besoin de marquer la rupture, car Brian Jones est retrouvé mort le 3 juillet 1969 à l’âge de 27 ans noyé dans sa piscine sans que l’on ne sache vraiment ce qui s’est passé. Il est le deuxième à entrer dans le fameux club des 27, après Robert Johnson, par ailleurs son idole et principale influence.
Ce documentaire, soutenu par de nombreuses interviews inédites de ceux qui l’ont côtoyé et des extraits, juste des extraits, des morceaux du groupe à son époque, ne lève pas le voile sur tous les mystères entourant la vie et la mort de Brian Jones, mais il est suffisamment consistant pour mériter que l’on s’y attache. Et il a aussi le mérite de s’en tenir aux faits établis sans faire défiler nombreuses les théories complotistes entourant cette triste fin.
De leur côté, Mick Jagger et Keith Richards sortiront renforcés par cette tragédie, rendant un soi-disant hommage à Brian Jones le 5 juillet de la même année devant 500 000 personnes… sans pour autant se rendre à l’enterrement, pas plus qu’Anita Pallenberg !
Le show-business est un monde impitoyable, mais la légende était en route, désormais et pour longtemps, au profit des survivants. Elle tenait de surcroît l’un des acteurs maudits, un blondinet fantasque et arrogant répondant au nom de Brian Jones.
Quant à Mick et Keith, on ne peut pas dire que ce film leur rend hommage… L’attitude du bassiste Bill Wyman apparaît à travers les propos de ce dernier beaucoup plus respectable.
Patrick Auffret
« Brian Jones & les Rolling Stones de Nick Broomfield ». 1 h 39. En salles.