Plongeons au cœur du vendredi 6 décembre 2024, de la 46ᵉ édition des Trans Musicales de Rennes. Encore bien chamboulé par les prestations de la veille et les jambes engourdies par le changement de disposition des halls du Parc Expo. Immanquablement, le flux des festivaliers s’intensifie. Avec l’ami Bruno, nous suivons le mouvement déjà impatients de découvrir, pour cette deuxième soirée, les univers éclectiques des nombreux artistes programmés. J’oserais presque dire que nous l’anticipons, appareils photo et neurones aux aguets avec une liste bien précise, en espérant ne pas nous perdre en chemin. La nuit va passer vite, trop vite. Sans plus attendre, immersion dans l’essence du festival avec les meilleures performances, attendues ou inattendues.
Mina Raayeb – tonnerre brestois
16 h pétante, la scène du Liberté s’illumine d’une lueur froide alors que Mina Raayeb s’avance, silhouette énigmatique. Originaire de Brest, le trio distille un hip-hop industriel aux sonorités métalliques, où chaque beat résonne tel un marteau sur l’enclume. Portées par la section rythmique du groupe noise rock Mnemotechnic et le rappeur Lemmy Delamare, les voix, tantôt slamées, tantôt criées, parfois androgynes, nous racontent des histoires urbaines sombres, moites, teintées de rages, qui vacillent autant que les esprits. L’ambiance est électrique, presque oppressante, captivant le public dans une transe introspective dense.
Mansion’s Cellar – Lumières psychédéliques
Place au deuxième groupe. Les lumières s’électrisent, laissant place à une atmosphère plus vive. Les cinq musiciens de Mansion’s Cellar, originaires de Douarnenez et de Rennes, acclamés par les premiers rangs, arrivent déjà enveloppés d’une aura lumineuse. Leur son oscille entre rock alternatif et touches psychédéliques, rappelant les profondeurs de King Gizzard et Osees. Les mélodies sont puissantes, avec à la fois un côté métronomique presque jazzy et un esprit performance live très brut ajoutant aux vibrations multiples un aspect irrésistible. Le public est transporté dans leur univers, comme suspendu, et, comme eux, on voudrait pouvoir en profiter encore un peu plus.
Liv Oddman – Chanson et Accents Graves
L’élégant Lyonnais Liv Oddman prend place sur la scène du Liberté, il est temps pour une bonne dose de poésie. Attention, avec lui d’emblée, nous savons que ce n’est pas la légèreté qu’il nous propose, mais un parcours rude, mélancolique et profond, c’est de la chanson, un peu rap, à l’écriture tranchante. Même si le timbre est proche de celui de Roméo Elvis, la puissance vocale est largement plus proche de celle de Benjamin Clementine et ses compositions sont, quant à elles, teintées d’accents graves et d’histoires aigües. Sur scène, l’attitude du jeune auteur-compositeur-interprète est gestuellement aérienne et développe encore plus son univers mystérieux. La salle écoute presque religieusement et l’ambiance en devient méditative. Une prestation aussi captivante que surprenante.
The Family Battenberg – Des riffs et du kiffff
21 h, nous voilà de retour au Parc Expo, Hall 4, pour l’arrivée de The Family Battenberg. Au programme, rock garage et pop psychédélique aux accents rétro, un kaléidoscope sonore parfaitement maitrisé par ce quatuor venu du pays de Galles. Les harmonies vocales se mêlent à des compos très rock 60’s, 70’s. Résolument électriques, carrément soniques, les paysages sonores, à grands coups de fuzz et de distorsions, sont hauts en couleurs et hyper communicatifs. Le public ne se trompe pas en entamant surement le premier pogo de la soirée. Sous le charme et littéralement envoûté, comment ne pas se laisser emporter dans cet univers fantasque, délicieusement vintage où chaque morceau est une avalanche de riffs jouissifs… Pas de révolution ici, mais du très, très bon kiffff !
Voka Gentle – Explorations pop
Restons encore un peu au Hall 4, avec l’envoûtant univers du combo venu d’Angleterre Voka Gentle. Leur fusion de folk expérimental, de Dream Pop élégante et d’électronique subtile est la promesse d’une ambiance onirique captivante et étrange. Les voix éthérées de William Stokes flottent sur des claviers aux arrangements complexes, tissant des récits surréalistes pas très loin de Radiohead. Le Hall 4 est hypnotisé, et nous plongeons tête la première dans une sorte de transe, un beau rêve éveillé scintillant où il est impossible de résister à l’envie de danser les yeux fermés.
Ivo Dimchev – Cabaret électrique
Un peu avant minuit, sur la scène du Hall 8, Ivo Dimchev fait son apparition, silhouette androgyne baignée d’une lumière tamisée. Son chant, tantôt caresse aérienne, tantôt viscéral, se déploie comme un souffle envoûtant dans l’immensité de la salle. Son show électro-pop théâtrale, troublante et charnelle, s’imprègne d’un lyrisme brut où chaque note semble un fragment d’âme livré sans pudeur. Le public, suspendu à sa voix, oscille entre fascination et transe. L’ambiance entre un cabaret électrique et une performance contemporaine, où l’émotion surgit avec une force désarmante. Un show qui restera dans nos mémoires longtemps.
Roszalie – Atmosphère hypnotique
La nuit sans fin, mais l’énergie ne faiblit pas avec Roszalie. Son électro-pop onirique enveloppe le Hall 5 d’une chaleur électrisante. Les mélodies aériennes, du trio électro, sont soutenues par des rythmiques entraînantes, créent une atmosphère à la fois hypnotique et vivifiante. Les festivaliers se laissent porter par ces sons puissants, reboostant la soirée pour de bon.
US – rock’n’roll incendiaire
La nuit s’électrise à nouveau lorsque US prend d’assaut la scène de Hall 4. Le quatuor finlandais, aussi véloce que féroce, balance un rock’n’roll, aux origines 50’s/60’s/70’s, pour le moins abrasif. C’est une fusion de riffs vertigineux et d’explosions sonores profondes qui résonnent comme un battement de cœur mécanique, tandis que les vibrations revivals s’entrechoquent dans nos petites têtes et nos pieds dansent presque malgré nous. Le public du 1ᵉʳ rang incorrigible en redemande encore et les mélomanes frénétiques que nous sommes en pied de scène ne pouvons qu’être d’accord. Le Hall devient une zone de turbulences, une machine sonore à remonter le temps où chaque pulsation cherche à fissurer la réalité temporelle. La foule monstre, happée dans cette spirale sonore, s’abandonne à la magie implacable du combo. L’ambiance est moite, électrique, presque tropicale. Pas de répit, dommage pour le plus fatigué, c’est une véritable communion physique avec le son rock que US nous offre là.
Yard – fusion techno rock
Le visage encore baigné de sueur du set précédent, lorsque Yard vient clôturer, pour nous, cette 2ᵉ nuit fiévreuse au Hall 4. Le meilleur est pour la fin, paraît-il. Le combo originaire de Dublin s’annonce comme une fusion incandescente de techno rock. Leur musique, quelque part entre SUUNS, Enola Gay et Nine Inch Nails, est un chaos savamment maîtrisé, où guitares hurlantes et rythmes martelés se fondent en un magma sonore brut et viscéral. Sur scène, les trois musiciens sont en état de transe, surtout le chanteur qui semble être complètement habité par ces chansons, déversant une énergie pure, brute, presque animale. Le public, épuisé mais galvanisé, se laisse emporter une dernière fois, comme pris dans une tempête où chaque riff, chaque drop est une secousse supplémentaire. C’est un dernier exutoire avant le silence.
Ainsi s’achève cette seconde nuit des Trans Musicales, riche en émotions et en découvertes, où chaque artiste a su créer un univers unique, offrant au public une palette d’ambiances et de humeurs inoubliables.
Photos Bruno Bamdé