Nick Cave & The Bad Seeds – Wild God

Dans le récit biblique, Job, est parmi les nombreux personnages troublants dignes d’intérêt, celui qui incarne presque parfaitement l’omniprésence de la foi dans l’univers de Nick Cave. Le plus dandyesque des chanteurs australiens, autrefois charismatique charmeur chaotique, est à présent un véritable prêcheur aux chansons magnétiques. 
 
Les similitudes avec Job, homme juste dont la foi est mise à l’épreuve par des souffrances inimaginables. Job questionne la différence entre malheur et punition : ce malheur qui vous arrive, est-ce la sanction d’un mal que vous avez fait ? Ou n’a-t-il aucun sens ? Et dans ce cas, que pouvez-vous en faire ? Et si vous croyez en un Dieu juste, allez-vous demander la raison de cette injustice ? Ou n’avez-vous qu’à endurer en silence dans l’abnégation la plus totale ?
Après avoir fait vivre l’enfer sur terre, Dieu redonne la paix à Job, montrant que la croyance et la résilience peuvent prévaloir même dans les moments les plus sombres de la vie. 

À l’instar de ce personnage biblique, la vie bouleversante et la carrière déroutante de Nick Cave reflètent les nombreux moments de deuils et de résurrections, où pourtant, les souffrances n’ont jamais éteint son feu créatif et peut-être même nourri l’impact émotionnel de ses chansons en le rendant encore plus fort. 

« Nous avons tous eu trop de chagrin, le temps de la joie est maintenant venu »


Genèse : Après avoir commencé la musique dans le goth-punk déjanté avec The Birthday Party, puis The Bad Seeds en progressant alternativement par des phases de chaos et de calme. Le son initial de Nick Cave était sombre et agressif, avec cette fabuleuse voix rocailleuse et percutante, guidant le groupe à travers une série de chansons intenses aux paroles poétiques décrivant une vie de drogue, de débauche et de confusion permanente.
Nick Cave au charisme grandissant avec le temps a toujours maintenue sa carrière artistique en constante évolution. Devenue une figure presque légendaire au fil des années avec des albums de plus en plus insulaires, de plus en plus intimes et plus dévastateurs émotionnellement que ceux avec lesquels il s’est fait connaître initialement. 
 
Certes, des albums comme « Tender Prey » et surtout « The Boatman’s Call » sont incroyablement bouleversant si vous êtes émotionnellement à vif, mais la quadrilogie de « Push the Sky Away », « Skeleton Tree », « Ghosteen et Carnage » (dont les trois derniers ont été réalisés après le tragique décès du fils de Nick Cave, Arthur) est pratiquement puissant en terme d’ampleur pure et de tension émotive. Ce sont des albums obsédants. 

Malheureusement, depuis la sortie de l’extraordinaire « Carnage » en 2021, Nick Cave a perdu un autre fils, Jethro, et a parlé publiquement de sa tristesse quant a la perte de ses fils. C’est donc avec un grand soulagement que Nick Cave a décidé de faire un retour au rock euphorique et bouleversante que l’on trouve sur des albums comme « Abattoir Blues / The Lyre of Orpheus, No More Shall We Part et le criminellement sous-estimé « Nocturama », sans nécessairement ressembler vraiment à aucun d’entre eux. 
Le nouvel opus qui nous occupe aujourd’hui « Wild God » en est un nouveau reflet poignant, mais son ton général est celui de la catharsis et de l’affranchissement de la souffrance, provoquées sûrement par la dépendance croissante de Nick Cave à sa foi chrétienne (le dernier morceau pourrait être facilement qualifié de musique gospel).

L’album s’ouvre avec « Song Of The Lake », et il est tout à fait clair que Nick Cave s’éloigne de plus en plus de «  Ghosteen ». Il y a là une base forte qui frise la joie et qui initie d’emblée les contours d’une renaissance. L’album progresse ensuite vers les grooves langoureux de « Wild God », qui est construit autour du shuffle de batterie de Thomas Wydler et d’un arrangement vocal impressionnant avant d’exploser et de devenir un véritable exorcisme communautaire de tous les mauvais sentiments. L’ambiance et l’élan sont maintenus avec « Frogs », qui est un vrai hit de rock psychédélique. C’est puissant, grandiose et Jouissif.

Nick Cave & the Bad Seeds , Thomas Wydler, Martyn P Casey, Jim Sclavunos, George Vjestica et bien sûr Warren Ellis, complétés ici par Colin Greenwood et Luis Almau de Radiohead ont construit de véritable point culminant de la discographie avec leurs morceaux les plus palpitants depuis des décennies. 
 
À ce stade de sa carrière, les éloges, les critiques et l’adulation ou l’abandon des fans sont pratiquement inévitables, mais des albums aussi bons doivent être célébrés comme des monuments. Nick Cave a traversé des souffrances inimaginables dans sa vie, et s’engage toujours à livrer album après album une qualité irréprochable. Sur « Wild God », il est lumineux, sincère, brut, passionné, bouleversant et vital mais ne l’a-t-il pas toujours été ? Malgré l’adversité. Sûrement. 
 
Comme un Hallelujah, ainsi soit-il, pour toujours et à jamais et que les Dieux ou les bons démons du rock bénissent Nick Cave et ses Bad Seeds.