“Requiem pour un fou” de David Hallyday. Au nom du Père.

Une chronique du dernier album de David Hallyday sur Lust4Live ? Le fils du patron au beau milieu de Nick Cave et Shifting Sands ? Serait-ce une blague ? Un coup de soleil inapproprié en plein zénith breton ? Ou juste un excès de curiosité mal placé ? Après des écoutes solaires et tentaculaires flirtant aussi bien avec “Le Danger” de Françoise Hardy qu’avec un album de Scorpions datant de 1982, me voici totalement désemparé devant un ovni estival et musical : “Requiem pour un fou”. Album hybride mêlant succès re-liftés d’Hallyday père et d’Hallyday fils, cette expérience sonore surprend autant qu’elle décontenance. Là où nous espérions un déchainement rock n’roll teinté de formatage radio, David s’engouffre dans une relecture électro désarmante qui n’est pas sans rappeler… Depeche Mode ! Pour tous les fans de Jojo, un album de reprises par son descendant direct sonne comme une évidence, son héritage musical coulant de source. D’autres y verront, aussi, la réappropriation d’une manne économique, faute de pouvoir s’approprier les deniers du taulier. Pour ma part, j’opte pour l’entre-deux, David Hallyday n’usurpant en rien la place qui lui est attribuée, à savoir celle d’un compositeur chevronné. Pour rappel, l’album “Sang pour Sang” dont il soigna, en 1999, la tenue avec une élégance peu commune dans le paysage de la variété française, et qui confirma son statut d’artiste “bankable”. Mais vingt-cinq ans plus tard, que reste-t-il du savoir-faire d’Hallyday Jr  ?
Disons-le tout net, l’interprète monégasque n’a rien perdu de son souffle ni d’un certain attrait pour l’emphase. Mieux, il transforme l’essai en repoussant plus loin le curseur des reprises attendues. Pour le pire et le meilleur.

Je ne suis pas fan de l’idole des jeunes mais par la force d’un amour familial démesuré pour le Sieur Smet, je connais le répertoire de ce dernier sur le bout de ma Harley. Recevoir en pleine gueule (quoi, ma gueule ?) ces morceaux choisis et totalement revisités a de quoi, donc, secouer mon cocotier. Whole lotta shakin’ going on ? Dont acte. C’est parti pour un état des lieux d’une tracklist alternant réussite et banqueroute.

Ouverture. “Derrière l’amour” donne le ton. Oubliez les confidences sur fond d’interrogations, ici, nous sommes dans le tonitruant et la démesure. David H. dérobe ses influences chez Hans Zimmer et, sans reproche, opte pour la grosse cavalerie. De surcroit, la voix mi- rauque, mi- rock est là et emporte tout sur son passage. “Sang pour Sang” embraye et dévoile des arrangements plus sophistiqués.  Malheureusement, à l’inverse de l’original qui prônait une certaine retenue dans le dialogue, ces envolées dignes de la BO de “Tron Legacy” manquent de texture et d’émotions. Trop lisse, trop propre, le duo fonctionne moins. Reste la profondeur des textes, simples et définitivement poignants.

On poursuit l’autopsie. Pauvre “Laura”, à présent, malmenée dans un rythme échevelé ! Oubliée, la balade regorgeant d’amour filial. Place à une cadence vide de sens et dénaturant complètement l’objet de cette confession. On jette. Déboule “High” qui nous réconcilie, enfin, avec son compositeur et trouve un nouvel écrin, plus sauvage et plus frontal. Sans hésiter, la plus grande réussite de cet étrange LP qui ne cesse de nous interpeler ! S’ensuit “Requiem pour un fou”, morceau culte et éminemment cinématographique, ici étrangement désincarné. La faute à une voix trop blanche et peu portée sur l’émotion de son interprétation. Impossible de ne pas comparer l’incandescence de l’original avec cette version timorée. Quoi ? L’Actor’s Studio ?

David/Goliath se rêve Pacino et se révèle être Yvan Attal. Quel gâchis lorsque l’on a pour matériau une telle ode à l’amour fou. On poursuit la danse. Dans ce botox incertain, “Tu ne m’as pas laissé le temps” s’impose, prend une tout autre saveur et se pare d’oripeaux plus sobres…  Mais que penser de la qualité de ces paroles qui, à chaque écoute, me laisse perplexe :  “De te dire tout c’que je t’aime et tout c’que tu me manques”…Miossec ! Ravalec ! Au secours !

Là, “Vivre pour le meilleur” pioche dans “Queen” et je dois avouer que cet aspect “pompier” colle plutôt bien à ce réexamen. “Un paradis un enfer”, pamphlet écolo maladroit, ( “une mer sans dauphin, une forêt sans arbre” …) fait la nique à Jean Michel Jarre mais patine souvent, tandis qu’ ” Ooh La La ” se prend une “Cramps avec “Suicide” et remplit le cahier des charges du morceau rock F.M. un brin poisseux. En première conclusion? “Ma dernière Lettre” marque une pause salutaire dans ce déluge cybernétique et gargantuesque via des trésors de pudeur.
Mon opinion ?  Pause. Replay. 

Attention, on attaque le très lourd ! ” Oh ! Ma Jolie Sarah !” , chanson rockab’ et emblématique dans la discographie de Jean-Philippe Smet, s’offre LA nouvelle jeunesse en 2.0 et prend ses aises dans ce reboot en cuir. “L’envie” est alpaguée avec panache et, at last, l’album prend un essor qu’on n’attendait plus. “Père de personne” -tendance Coldplay- calme le jeu et fait chialer tous les darons, “About You” copule tranquillement avec Good Charlotte et Muse puis c’est l’embardée de trop. “Mirador/ To have & to Hold” a le malheur de faire converser l’anglais et le français dans un échange lexical qui ne veut rien dire et “Diego libre dans sa tête” conclut l’affaire dans une reprise honnête et appliquée.
Porte de sortie.
Pari relevé ? Impossible de me prononcer. J’ai cette impression sourde d’avoir entre les oreilles un geste kamikaze dans l’industrie du disque. Et de reconnaitre que David Hallyday a la décence de ne pas faire un copié/collé, un unplugged au coin du feu ou une collection de duos. Il flambe tout avec ses propres cartes et son propre univers. Sur le fil (s).
En 1976, Johnny Hallyday campait son “Hamlet” en cassant des œufs. En 2024, David a d’l’idée en s’appropriant deux répertoires sans casser son vieux. 
Saluons cette tentative même si elle ne plaira pas au plus grand nombre.
Bonne écoute ?
 
John Book.
PS: je dédie cette chronique à ma famille et à mon fils Anton.