[Interview] An Eagle in your Mind – « Intersection »

An Eagle In Your Mind, duo folk/rock formé par Sophia et Raoul, développe une musique sans frontière, nomade, aussi expérimentale dans son approche que transcendantale dans son universalité. Avec leur nouvel album « intersection », chargé d’émotion et d’une spiritualité remarquable, An Eagle in Your Mind, prouve une fois de plus que la création en tandem est une merveilleuse alliance des forces, qui transforme les matières vibrantes autour d’eux en magma incandescent. Profondément agités et aminés par les flux sensoriels qu’ils croissent en chemin, les 7 titres de cet opus sont envoutants, notamment « Desert Land », « Let Me Ride » et le magique « Intersection ». Aussi éclectique que talentueux ces deux-là, dans une quête irrépressible de la quintessence des sens qu’il expérimente depuis 7 ans, ne peuvent pas vous laisser indiffèrent et si comme nous vous avez la fibre musicale sensible ils pourraient bien vous bouleverser. À découvrir absolument. Dans l’entretien qui suit le couple nous en livre quelques secrets …

Pour commencer,  pouvons-nous revenir sur l’origine de An Eagle in your Mind ? 
An Eagle in your Mind, c’est un duo que nous avons formé en 2016 à Lyon. À cette époque, nous n’étions pas musiciens et n’avions absolument aucune expérience. Très vite, nous sommes partis sur la route, à bord d’un camion aménagé. Nous avons vécu 3 ans comme ça. Nous avons beaucoup tourné, dans toute l’Europe et au Maghreb. Nous avons même enregistré notre premier album « Outside » dans le camion. Ce départ a été fondateur pour le groupe. Nous avons appris le métier sur le tas. Par ailleurs, c’était un geste radical, une manière de trancher, d’opter pour la prise de risque.

 


Vous faites une sorte de folk-rock expérimental que je définirais de plutôt « mystique ». Comment définiriez-vous votre musique ?
Nous avons beaucoup de mal à la définir justement ! Nous acceptons volontiers le terme de mystique. Il s’agit d’une ardeur qui s’exprime en deçà de toutes catégories. Nos références sont trop disparates pour former un tout cohérent. Sophia écoute beaucoup de folk 70’s (Pentangle, Linda Perhacs, Nico) et Raoul de dub, d’indus et de hip-hop déviant (RAS G, Scorn).


Votre nouvel album « Intersection » est disponible depuis fin mars. Après 1 EP et deux albums dont le dernier remonte à 2018, vous étiez silencieux. Pourquoi avoir pris autant de temps pour revenir ? 
Lorsque l’on considère le propos de certains calligraphes zen qui disent qu’il leur aura fallu toute une vie pour parvenir à une justesse dans le tracé d’une simple ligne, qui est aussi une quintessence; je crois que nous pouvons dire que 5 ans pour composer un album, c’est finalement une temporalité courte. À travers notre musique nous œuvrons pour une revalorisation du temps et de la lenteur. L’album se compose de titres fleuves qui sont aussi une manière d’habiter et de s’approprier l’espace et le temps.

Par ailleurs, nous avons énormément tourné. Nous sommes allés jusqu’en Turquie par voie de terre et nous avons joué partout dans les Balkans. Sophia a aussi sorti un premier album en solo (Sophia Djebel Rose) et Raoul a commencé à se produire en solo avec des pièces de guitare instrumentale (Raoul Eden)


Ce 3ème album vous a-t-il permis d’affirmer et/ou d’explorer de nouvelles sonorités ?
La singularité de cet album, à notre avis, se situe dans le fait qu’à la recherche de la mélodie s’adjoint une recherche nouvelle pour nous qui est une recherche de la texture. L’album est foisonnant et est conçu comme une superposition de couches sonores. Nous avons travaillé en studio à épaissir le son. Raoul a doublé presque toutes les guitares (soit avec un dobro, soit en variant les micros utilisés) et Sophia a travaillé à des superpositions vocales qui agissent plus comme des nappes instrumentales que comme une voix à proprement parler.

 

Pour concocter les 7 titres de cet opus, comment avez-vous travaillé ?
De base, nous composons ensemble en improvisant. Une fois ce sol posé, comme nous l’évoquions plus haut, c’est beaucoup d’overdub ! Une sorte de travail d’orfèvre.

 


Dans vos chansons, nous pouvons ressentir de façon prégnante, un sentiment de révolte et ou une douce colère sous-jacente. Quels sont les messages que vous souhaitez véhiculer à travers celles-ci ?
Il n’y a aucun message sous-jacent. La musique pour nous est précisément l’expression de ce qui ne se dit pas, de ce qui n’a ni visage ni nom, d’une force et d’un désir souterrain qui s’apparente à un élan vital.

Mais en dernier lieu, s’il y a un message que nous voudrions faire passer, ce serait plutôt à travers notre parcours. Aujourd’hui, nous vivons de notre musique. Pourtant nous sommes partis de rien. Nous cassons des murs avec nos dents et chaque jour, nous continuons d’inventer un chemin qui ne nous préexiste pas.  Nous le traçons dans une terre dure et aride, à mains nues. Il y a toujours une faille dans le réel – et nous voudrions enjoindre ceux qui ont ça au fond d’eux même de s’y engouffrer corps et âme.


Depuis la sortie de  « Intersection »   vous avez eu l’occasion de le défendre de nombreuses fois sur scène. Comment avez-vous vécu ces concerts ?
Oui ! Nous sommes d’ailleurs encore sur la route. Nous avons joué en Slovaquie, en République Tchèque, en Pologne, en Allemagne et en France. La tournée, c’est très éprouvant. Donner un concert, c’est donner ses tripes. Cela étant dit jusqu’à présent tout se passe plutôt bien ! Et lorsque notre musique fait écho dans le public, c’est pour nous un second souffle. Les gens projettent dans nos morceaux des choses que nous ne soupçonnions pas.  Chacun perçoit la musique aussi en fonction de sa culture de provenance, et c’est pour ça que nous aimons jouer à l’étranger. Ici en Europe de l’Est, il y a une culture du club underground que nous n’avons pas en France. En Slovaquie, nous avons joué dans un énorme club underground bien destroy, où ça fume et où tous les courants minoritaires se retrouvent, du hippie au punk en passant par le dark métal. 

 

Quels sont vos prochains projets ?
Dormir ! Et puis, au mois de juin, nous partons en tournée chacun de notre côté avec nos projets respectifs. Tournée en Espagne et au Portugal pour Raoul. Et pour Sophia, Allemagne et Belgique. 

 

An Eagle in your Mind en concert prochainement :

  • 17/05/23 : Le Fotomat, Clermont-Ferrand (63)
  • 18/05/23 : Underground Zero, Reims (51)
  • 10/08/23 : La Belle Roulotte, Reilhac (43)

Photo de couv. Pierre Jaffeux / Eidetic Studio