Non, non, non, non, non, non et non! Je ne vous parlerai pas, dans cette dernière chronique cinéma, du dernier Tarantino! Tout le monde en parle, décortique la bête et s’excite sur la toile (et le casting quatre étoiles) du nouveau Quentin estival. Et cette surabondance me fatigue. De couvertures glacées en interviews chaleureuses, tout le monde y va de son commentaire dithyrambique -ou non, c’est selon- sur l’événement cinématographique de cet été 2019. Mauvaise blague. Je ne vais pas vous le cacher, je n’aime pas ce cinéaste injustement adulé. D’hommages (vraiment dommage) personnels et indigestes à la Shaw Brothers ou au western spaghetti en passant par la B Movie, ce dernier ne fait que recycler des images pré-existantes, des scènes cultes intouchables et pille sans vergogne le cinéma de genre dans son ensemble. Pas de honte. Take the Money and Run. J’y vais à la truelle? Marche arrière. Je lui reconnais une science du montage et si je ne devais sauver qu’un seul film du Père TarTanTino, ce serait « Jackie Brown » pour sa douce nonchalance. Et son esprit vintage. Pour le reste, je préfère voir « Dora l’exploratrice » (et ce farceur de Chipeur le renard, qui m’a l’air bien fourbasse sur l’affiche, et qui doit certainement mieux jouer que Brave Pitt!) dans le ciné d’à côté. Au moins, avec la petite mexicaine, on ne croule pas sous une avalanche de plans poseurs, de soundtrack racoleuse et de dialogues creux (« Le menu Big Mac, c’est mieux que le Flunch? ») soit-disant « trop coooools« .
Donc, non, je ne rajouterai pas une pierre à l’édifice.
Mais vais juste m’empresser de vous parler d’un polar atypique (la Toile s’excite aussi dessus mais avec beaucoup moins d’entrain) intitulé « Traîné sur le bitume ». Inutile de vous ruer dans une salle climatisée pour voir ce petit joyau noir, il n’a eu droit qu’à une malheureuse sortie DVD. Il n’empêche! Réalisé de main de maître par le réalisateur du sanglant « Bone Tomahawk » et de l’éprouvant « Section 99 », ce long-métrage (2h30) nous scotche littéralement à notre canapé par la grâce d’une narration mid-tempo et d’acteurs totalement investis. Sorte de film choral (« Short Cuts » d’Altman n’est pas loin) centré autour d’un casse périlleux, « Dragged across Concrete » est de ces polars nihilistes où la notion du Bien et du Mal s’estompe pour céder la place aux intérêts personnels et à une détresse économique touchant de plein fouet l’ensemble de ses protagonistes.
S. Craig Zahler (romancier, réalisateur, scénariste, directeur de la photographie, compositeur et musicien) ne fait pas dans la dentelle, oublie le politiquement correct et brasse avec dextérité stigmatisation, bavure policière et frontières morales. Épaulé par un casting solide, ( Vince Vaughn, vu dans son précédent film, impose sa carcasse gigantesque et son flegme naturel tandis que Torry Kittles, véritable révélation de ce carnage très sale, nous emballe) et un scénario riche en surprises ( nous ne savons jamais ce qui va se tramer le plan suivant), « Traîné sur le bitume » interroge et nous remue physiquement (ce final gore au possible) et intellectuellement (lorsque la configuration démographique prête au racisme).
Mais cet objet filmique-limite ne serait rien sans l’interprétation dense et percutante du revenant Mel Gibson. Marqué par des traits plus creusés, cabossé par la vie et traînant son désarroi de missions en missions, son personnage de loser magnifique est à ranger au panthéon de l’acteur-réalisateur-américain- australien. Qui revient de loin.
Black listé par le tout Hollywood pour avoir tenu des propos antisémites et totalement délirants, alcoolique et drogué notoire, le Mel , hélas, finit dans la mélasse.
Attention, je ne minimise en rien ses propos, il faut vraiment être con (sternant) pour tenir ce type de discours nauséabond. Mais l’effet boomerang fut radical. Plus d’apparition à l’écran ni de réalisation visible durant des années. C’est, donc, depuis « Le complexe du Castor » et « Expendables 3 » une sorte de résurrection qui se concrétise année après année. Et un rappel permanent quant à la qualité de jeu de ce martyr barré mais surdoué.
Voilà, en dépit d’un épilogue invraisemblable, il ne vous reste plus qu’à vous lover dans votre couette. Et déguster ce poison violent à petites gouttes.Quitte à y revenir dès la Rentrée, histoire de prolonger la douce torpeur de l’été…
John Book.