PORTRAIT DE PHOTOGRAPHE : BRUNO BAMDÉ

Intemporelle et toujours actuelle la photographie est un incontournable dans le milieu du rock et dans celui des concerts en général, à bien des égards. Nombreux sont ceux pour qui les deux arts sont indissociables. C’est le cas de Bruno Bamdé, pour qui le travail photographique transpire et en devient le meilleur synonyme de musique. Qu’importe le lieu, qu’importe la lumière, Bruno sait défendre le temps et saisir l’instant, souvent en Noir et Blanc, subtilement, intensément, lors d’évènements bretons mythiques (Transmusicales, Bout du Monde, Binic, etc…). Même s’il préfère les lights enveloppantes de lieux plus intimes, il n’est pas rare de le croiser au devant des grandes salles de concerts, mais toujours pour des artistes estampillés Rock. Après avoir photographié dans tout les sens, depuis maintenant de nombreuses années, la musique l’inspire toujours autant et heureusement. En effet quel meilleur endroit pour lui que d’être derrière l’objectif de son boîtier, pour capter un live à l’énergie incendiaire, iconographie furieuse, désinhibée par cette vitalité en mouvement qu’il immortalise? Il transporte les spectateurs dans un univers sans fin. Trop modeste et d’une extrême coolitude les clichés de Bruno Bamdé sont, quoi qu’il en dise, bluffants ! Afin qu’il se dévoile un peu plus, Bruno à accepter de répond, non sans humour, a notre interrogatoire !

Comment et à quel âge est venue la passion de la photographie ?
J’ai commencé assez jeune, vers mes 12.13 ans. Mon père m’avait acheté un petit Kodak qui produisait des photos en format carré. Au premier développement de la pellicule de 12, mon père a dû penser que ça allait lui coûter un bras cette histoire, car j’avais passé la pellicule complète avec les moutons du pré voisin. Ensuite, j’ai eu des petits appareils avec des prises de vues qui ne laissaient pas à penser que je persévérerais dans cette pratique.

Qui étaient tes références à l’époque ?
Bien trop jeune à l’époque pour avoir des ref ! Et des années lumières avant l’apparition du World Wide Web !

Et avec quel « Matos » as tu commencé ?
Fin 1999, après avoir fait pas mal d’argentique sans toutefois m’astreindre au développement ce qui est bien dommage, j’ai eu un premier boîtier numérique de 1 M pixels focale fixe. C’est avec lui que j’ai couvert la marée noire de l’Erika à Belle Ile, Presqu’île de Quiberon et les côtes d’Erdeven et Etel. Et création de mon premier site web « Merci Erika » du nom de l’asso que nous avions créée pour l’occasion. J’ai apprécié d’approcher, une forme journalistique, modeste, dans ce projet entre textes et photos.
J’ai toujours été très Canon comme garçon (rires). Mon premier Reflex numérique date de 2012 et compte 55000 photos au compteur. Je travaille depuis quelques années avec des « plein format » de marque Canon avec le grand luxe (qui coûte tout de même un bras) d’avoir deux boîtiers et ainsi ne pas avoir à changer mes objectifs. Quand on couvre des festivals d’été avec la poussière volant à tout va, c’est plus confortable.
Grosse préférence pour mon 70-200 f 2,8 au niveau des objectifs car il a piqué de malade !

Est-ce ton activité principale ?  
Depuis deux années, c’est effectivement mon activité principale. Auparavant j’étais instit et liait les deux activités avec toujours comme garde-fou que ma passion ne perturbe en rien mon activité professionnelle. Les gosses c’est trop important pour qu’on passe à côté !
Je suis surtout un photographe de concerts et couvre dans une période non-covidesque environ 200 concerts par an. J’ai un statut d’artiste auteur et travaille en freelance, mais collabore avec des organisations de festivals et également pour des médias . J’ai ainsi couvert plusieurs Mythos et Transmusicales pour Touslesfestivals.com avec mon ami Mathieu Lebreton, réalisé des portraits pour l’excellente publication Persona et pour le média Lust4Live que tu connais je crois ? (rire)

Pourrais tu me dire ta séance photos la plus insolite ? 
La plus insolite par la difficulté à capter : Pat Beers du groupe américain THE SCHIZOPHONICS à l’UBU. Ce mec ne tient pas en place plus d’une seconde. J’ai failli manger sa guitare plusieurs fois. Il saute partout dans tous les sens tout en jouant. J’en ai eu le tournis un moment. Je l’avais déjà photographié au BFBF (Binic Festival Folks Blues) mais cette fois-ci la fosse était large et le sujet bien plus aisé à capturer – quoique c’est une fusée sur scène !
J’ai pas mal de souvenirs de concerts bien sympas. Mais invité par les copains du groupe Les Nus au Liberté Rennes, en première partie de Daho et me retrouver seul photographe accrédité, est un bon souvenir. Pouvoir se déplacer partout sans contrainte est souvent bien rare. (pour la petite histoire, c’était le jour de la captation vidéo de la tournée de Daho, et la prod m’avait refusé l’accréditation qui finalement m’a été proposée par mon ami Rémy Hubert clavier des Nus). Mais pas de fosse photographe occupée par les caméras sur rails, d’où le refus d’accréditation de la prod)

La séance photos la plus chaotique ? 
Si on parle chaotique au sens bousculé un peu, j’en ai vécu des paquets ; entre autres les concerts du Binic Festival Folks blues avec des jets de rhum, bière au sein du public, devant la scène des australiens SixFt Hick avec les frère Corbett (Geoff et Ben) qui ont en 2017 marqué les esprits durablement.
Dans certains concerts, je me suis retrouvé parfois plié à 90 degrés sur la scène bousculé dans les pogos. Tu es devant la scène durant les 3 premiers morceaux qu’on t’autorise à prendre et derrière toi, y’a des agités du bocal qui te poussent – c’est drôle à vivre car pour faire sa mise au point c’est un peu Rambo comme situation.
Par contre, couvrant des concerts Punks ou punk rock, je pensais que j’allais y perdre des côtes. Au contraire, le public est souvent cool avec les photographes, nous laissant la place devant ou nous protégeant dans les pogos. Comme quoi !

Ta plus grande fierté ?
Je ne me considère pas comme un photographe talentueux et pas toujours légitime à faire ça même si j’ai déjà couvert plus de 900 concerts ou évènements liés au spectacle vivant.
Je suis rentré un peu par effraction dans le milieu des photographes de concerts. A force de me faire remiser mes boîtiers à la consigne par la sécu, je me suis demandé de quelle manière je pouvais obtenir un statut plus officiel et avoir des accréditations. Je voulais bien coucher… mais je ne savais pas avec qui ? (RIRES).
C’est un peu à cause de Philippe Rémond, un des piliers de la photo de concerts rennais, que je me suis accroché à cet objectif. Je le voyais dans la fosse photographes et moi…derrière. Depuis on partage souvent les mêmes concerts !
Mais c’est aussi grâce au collectif rennais 18-55 que j’ai pu avoir des accréditations concerts. Je me suis fait par la suite un portfolio de mes photos de concerts et me suis fait un peu connaître et ainsi pu obtenir des accréditations beaucoup plus facilement. J’ai un statut d’Artiste Auteur depuis quelques temps.
Il y a deux ans les Matmatah m’ont fait l’honneur de me choisir avec 7 autres photographes, bien plus talentueux que moi pour figurer dans leur album live. J’ai un des 3 grand formats dans ce double album.


Ton plus grand rêve serait de photographier qui ?
Il y a plusieurs guitaristes que j’aimerais photographier mais c’est Carlos Santana que j’aimerais capter. Mon père m’a offert un de ses albums quand j’étais ado – ça a dû me marquer.
Mais aussi Nick Cave, les Artic Monkeys et finalement tant d’autres.


Qu’est-ce qui te plaît dans cet Art ?
La photo de concert est une activité difficile car il faut composer avec les éclairages sans cesse et comme je ne travaille qu’en mode manuel, ça tournicote à tout va au niveau des réglages. Un concert c’est un spectacle où lumières et musiques s’entrelacent.
Mais c’est aussi partager ces moments entre le public dont on capte le plaisir et la scène où les groupes donnent tout ce qu’ils ont. La photo de concert c’est savoir s’imprégner de l’ambiance et d’être en rythme avec la musique pour en retirer toute la quintessence. Je suis plus attiré vers les scènes où ça remue un brin. Donc préférence aussi par goût originel pour le rock. Quand un groupe ne bouge pas trop sur scène et même si j’apprécie leurs compos, je m’amuse à les prendre à la plus basse vitesse possible histoire de mettre un peu plus d’enjeu à l’affaire ! (C’est grave docteur ?)
En concert on écoute, on observe, on s’imprègne et on déclenche au bon moment – là réside l’art du bon réglage au bon moment – sinon la photo reste dans ta tête (et ça arrive souvent)
Mais mon rapport aux gens est aussi primordial, J’ai rencontré tellement de personnes dans ce milieu depuis des années, des artistes, des spectateurs assidus, des managers, tourneurs et des photographes, passionnés comme moi. Arriver sur un lieu et rencontrer des gens participe aussi à l’immense plaisir que m’offre cette activité.

Qui sont les photographes contemporains dont tu apprécies le travail ?
Au-dessus du lot, je mets Yann Orhan pour sa créativité et le nombre important d’artistes qui font appel à lui. J’ai la chance de la connaître et suis admiratif de ce qu’il fait.
J’aime aussi le travail de Gil Rigoulet (qui travaille entre autres en Polaroïd 665, noir et blanc) et de Richard Dumas un maître en la matière.
Durant le covid – enfermement oblige, je me suis mis à lister tous les photographes bretons avec qui je partage certaines scènes. J’en ai compté 42 ! Comment veux-tu sortir du lot ? (Rires)
Si je mets à donner le nom de certains d’entre eux, ça va faire un paquet.
Je regarde souvent leurs photos ; les anciens du Collectifs 18-55 se reconnaîtront car j’ai une grande affection pour eux mais aussi pour leur travail, mais aussi Titouan Massé qui a une collection de portraits d’artistes de malade. En fait, je n’ose pas faire certaines choses comme demander à un artiste de poser pour moi (p… de manque de confiance et souvent un manque de légitimité).
Mes deux potes – vieux briscards de la photo de concerts : Pierre Iglesias et Philippe Remond. Inégalables par le nombre de groupes ou artistes photographiés depuis tant d’années ! Grand respect !
Parmi les photographes de rues, mes deux modèles sont Renan Peron et Guillaumes Gesret. Ils savent capter ce qu’un œil normal laisse glisser dans l’oubli. C’est ça l’œil photographique !
Clin d’œil aux photographes finistériens que je rencontre au Boudu (Festival du Bout du Monde de Crozon) et au team Lust4Live, qui illustre avec talent l’actualité musicale dans tous ses états.
Je m’arrête là car ils sont nombreux dont j’aime les photos.

Ton actualité du moment, et tes projets ? 
Avec les presque 2 années de jachère covid, tout est en peu en stand-by mais j’ai un peu bossé quand même.
Prochainement le collectif Hip Hop rennais Groove Control va sortir une plaquette de diffusion com avec certaines de mes photos des dernières Transmusicales.
Je travaille pour la com de la Cie de Théâtre OCUS depuis environ 8 ans.
Un de mes portraits, celui de l’excellent Pierre Marolleau (Yes Basketball) figure dans le dernier Persona.
J’ai réalisé le Making Of du dernier clip de TEKEMAT « Waterman » qui était très drône ! (clin d’œil)
Dans le dernier clip des Nus « Ceci n’est qu’une nuit », figurent pas mal de mes photos de leur concert à l’Ubu et au Liberté en ouverture de Daho.
Je suis dans le tome 3 des photographes de la Côte d’Emeraude et des régions voisines – 60 nuances de regards de Serge Bizeul.
Je réalise le portrait d’un groupe nantais MAD FOXES qui envoie du bois pour Persona.
Je souhaite faire davantage de Making Of de clips. C’est très sympa comme ambiance ! Mon tout premier c’était celui du tournage de Johnny Colère des Nus en 2016 au Bistro de La Cité et devant le Parlement de Bretagne et j’en garde un excellent souvenir…

Bruno Bamdé : https://www.flickr.com/photos/brunobamdephotographies/albums

Portrait de Bruno Bamdé en couv. Jardinezcom