Mélancoliques au ton urbain, les chansons douces-amères de LUPO confrontent nos quotidiens.
Nous partons avec René Bergier explorer de nouveaux territoires et traquer nos plus profondes émotions à la fusion de la chanson-rap et de la musique électronique. LUPO nous transporte dans un climat noir et brillant, rencontre du troisième type ou plutôt de trois types : René au chant, Nico aux percussions et Fabien aux machines. Sans compromission, ils mêlent les ambivalences, au cœur de leur projet artistique. Dans cette terre d’exil peuplée de métaphores, LUPO parvient à rendre audibles nos sentiments parfois contradictoires. Une hypermnésie sincère et profondément humaine, miroir de nos heurts intérieurs.
Pour découvrir les secrets de cette nouvelle aventure musicale, un entretien avec René s’impose !
D’où vient le nom du groupe LUPO ?
LUPO est l’anagramme de Loup. C’est l’animal totem qui accompagne l’univers de nos chansons. Il a ce côté mystérieux, à la fois dangereux et fragile qui colle bien à l’esprit des compos.
Comment est né le projet?
Je voulais créer quelque chose de nouveau, différent de mon groupe La Belle Bleue, un projet plus intime.
J’avais déjà des chansons introspectives dans La Belle Bleue mais je voulais trouver une nouvelle esthétique musicale qui puisse d’avantage coller à mes nouvelles compositions.
C’est aussi la découverte de la musique électronique. En tout cas, des sonorités électro et de toutes ces textures que je ne connaissais pas bien.
Au départ, je me suis lancé seul, j’ai commencé à superposer des voix sur des nappes de claviers, à enregistrer des batteries à la bouche, à renverser des accords de guitare… Du bricolage organisé.
À partir de là, Nicolas Hild, batteur de La Belle Bleue, a commencé à bien se chauffer pour qu’on essaie de faire quelque chose ensemble. Mais on manquait encore de connaissances pour bien
travailler nos arrangements.
Alors, il y avait un pote de Nico, Fabien Tabuteau, qui lui était beaucoup plus spécialisé musique électro, synthé, productions… Il a bien accroché l’univers des morceaux. Il ne vient pas du tout de la « chanson française », ce qui est un avantage pour penser différemment les prods .
Donc, à nous 3, on a commencé à fouiller, décomposer, recomposer mes parties, mélanger nos influences pour mettre ces chansons dans un bel écrin.
Comment vous êtes vous répartis concrètement les tâches par rapport à la composition ?
J’avais pas mal de textes récents dans mes tiroirs, et d’autres que j’écris au jour le jour. Je les pose d’une façon assez basique sur des accords de clavier ou de guitare. Je fais des enregistrements témoins et j’envoie mes multi-pistes aux gars qui, autour de la voix, de la mélodie et des textes, composent leurs parties, cherche les textures adéquates, les ambiances, un climat dans lesquels la chanson peut évoluer.
Vu le contexte actuel, on travaille beaucoup à distance. Avec les outils de partage qu’on a, on est assez indépendants chacun chez soi, on s’envoit des idées toute la journée.
Donc beaucoup, beaucoup d’allers/retours, beaucoup de recherches, c’est assez long et pointu mais passionnant, on met tous la main dans la composition, mais c’est Fabien qui drive les prods.
Tu parlais de tes textes. On reconnaît l’écriture que tu avais déjà dans La Belle Bleue, entre poésie et double sens. Tu joues pas mal sur ce terrain-là. Et puisque tu es sur un style musical un peu différent, y-a-t-il une volonté de parler de choses engagées, ou plus engageantes, mais sans être vraiment frontal ?
Je m’inspire de mes propres émotions pour écrire, façon miroir… Ce que je ressens par rapport à mon parcours, mon enfance, les relations humaines, intimes, les souvenirs, les espaces qui nous entourent, nos vices, les questions existentielles, nos paradoxes…
Ce sont mes marottes, des thématiques universelles et intemporelles.
Les blessures , les failles, les doutes qui nous poursuivent sont des sources intarissables de création, de réflexion. J’aime essayer de rendre beau une forme de mélancolie qui m’habite.
Après, pour le style littéraire, j’ai toujours usé de la métaphore, de l’image. Ça vient des artistes que j’ai beaucoup écoutés et qui m’ont inspiré : Bashung, Noir Désir, The Doors. J’aime beaucoup ce style d’écriture, imagé et poétique.
Quand j’écris, je vois les scènes, comme dans un tableau ou dans un film, je n’essaie pas d’être trop rationnel ou pragmatique, j’écris comme je rêve.
J’ai un peu de mal à écouter la chanson française très « premier degré ». En tout cas, je n’arrive pas à écrire ainsi. Parfois, je me dis qu’il faudrait être plus direct, simplifier le message… Mais c’est vrai que je préfère brouiller les pistes, proposer plusieurs lectures, laisser de la liberté d’interprétation. C’est plus beau selon moi, c’est plus moi en tout cas.
Le double sens, est assez important, ça c’est sûr. Mais ça joue aussi beaucoup sur la poésie en réalité, sur l’écriture de tes chansons. Je n’aime pas trop parler des influences mais ça me fait penser un peu à certains textes de Feu! Chatterton.
J’aime bien Feu Chatterton, je ne les ai jamais vus en live mais ça ne saurai tarder… je ne connais pas très bien leur répertoire, mais à chaque fois que je les écoute, je me dis que c’est un groupe très poétique, très incarné. Il y a toute une nouvelle scène française inspirante : Gaël Faye, Pomme, Eddy de Pretto, Ben Mazué, Terrenoire… c’est encourageant.
Il y a aussi dans tes chansons une réflexion par rapport à l’appartenance et au territoire. Il y a beaucoup de racines dans ce que tu chantes ?
Je suis né en Corse, toute ma famille paternelle est là-bas. Après, j’ai grandi à Guérande, ou j’ai ma famille maternelle donc je suis entre ces deux territoires très riches d’identités. Ils m’inspirent les grands espaces, du relief, des aspérités et un certain caractère. Parfois, je glisse quelques allusions à ces lieux dans mes textes. J’aime semer des petites références.
Il y a aussi une notion littéraire assez forte dans LUPO. On sent que dans ce que tu chantes, dans ce que tu écris, il y a beaucoup de références justement. Pour toi, l’écriture c’est un passage important quand tu composes ou pour toi c’est quelque chose qui vient,
comme certains, dans un second temps ?
Non l’écriture c’est la base ! Je me prends pas mal la tête sur mes textes. Je peux rester bloqué sur une phrase des heures… Et effectivement, il y a des références à certaines choses qui m’animent, qui font partie de mon quotidien.
Après, c’est toujours le piège de perdre un peu les gens quand tu parles références trop personnelles.
Moi, je ne lit pas beaucoup de bouquins donc ces références ne viennent pas de la littérature, mais plutôt du cinéma, du sport. j’adore le sport, sa dramaturgie. Donc, souvent, je place des clins d’œil dans mes textes, par exemple, j’adore la NBA donc il m’arrive d’utiliser un terme propre à
ce sport pour illustrer un mouvement, une image.
Plus jeune, j’ai quand même lu Baudelaire ! j’ai adoré le côté sombre et « chantant », c’est toujours énigmatique et rythmé. J’aime quand les mots s’entremêlent, quand il y a une sorte de rythmique du langage. C’est ce qui me plaît d’ailleurs dans le rap.
Faire en sorte que le message soit fort et que les mots rebondissent bien, c’est vraiment un exercice que j’affectionne. Respecter le fond et la forme.
Tu me disais que vous avez 5 titres de prêts, dont une reprise. Là, vous êtes sur la composition de 5 autres titres. Vous sortirez plutôt sur un format album ?
On est actuellement en pleine réflexion sur le calendrier de sortie mais avec le COVID tout est spéculation. Là, on est plutôt partant pour sortir des chansons et des clips au compte goutte, que le public nous découvre pas à pas avant que les choses rentrent dans l’ordre.
Mais on travaille sur EP pour l’automne et un album pour 2022, on commence à avoir pas mal de matière, on croise les doigts.
Ce qui est compliqué, c’est que quand tu sors un album, il faut le défendre sur scène, qu’il puisse prendre vie, se partager avec un nouveau public. Et comme tout est incertain, on est un peu prudent avec nos dates de sortie.
Ce qui est intéressant en réalité, c’est aussi d’aller chercher des codes ailleurs. Brouiller les pistes ? Surtout que là, vous êtes dans un registre musique plus urbaine.
Pour moi ce qu’on joue reste de la « chanson », l’esthétique musicale est très différente de ce que je fais dans LBB, mais l’intention est la même : exprimer mes émotions dans une forme artistique chantée.
C’est très intéressant de faire évoluer sa création musicale, d’emmener ses textes ailleurs, de changer son phrasé, ses arrangements, d’emprunter au rap, au slam, à l’électro, de se réinventer.
Quels sont vos projets, dans un futur très proche ?
On est en train de préparer vraiment le projet au maximum pour le révéler sous sa meilleure forme. On a déjà fait un clip LIVE qu’on a sorti en décembre sur « Le Barrage » et la version studio, sort le 9 avril en streaming Là, on bosse nos visuels avec un graphiste, on est sur l’écriture d’un clip, on travaille avec nos tourneurs 709prod, Diamontour et Greenpiste Records pour préparer la reprise.
Donc, tout ça se met en place et dans le même temps, on écrit, on compose, on enregistre encore et encore.
Il faut être patient, c’est toujours compliqué parce que tu es partagé entre ton désir de dévoiler ce que tu fais tout de suite et une certaine stratégie à avoir pour que le projet soit bien porté. Surtout en ce moment !
Mais faire de la musique sont métier, ou plus largement faire de sa passion son métier, c’est aussi accepter certaines frustrations.
Suivre LUPO : https://www.facebook.com/lupolegroupe/
Photos : Claire Huteau Photographe