« dEUS. « The Ideal Crash ». Fume! C’est du Belge!

Introduction: Sept notes pour un  larsen. Massacre à la  tronçonneuse mélodique nous vrillant les esgourdes, histoire de nous réveiller. Entrée en scène. « The Truth is the treat’s real ». Nous pénétrons dans un Monde étrange, inquiétant, où la tension est palpable.  Les guitares rugissent, la basse fait des entrechats et le leader semble narrer une histoire d’amour contrariée. Puis le groupe s’ébroue, se met en branle et crache le morceau. Élévation. Chœurs à l’unisson. Mur du Son. Ainsi commence « The Ideal Crash », 3ème album du groupe belge le plus important de l’Histoire du Rock. Album monstre que l’on pourrait emmener sur une ile déserte, histoire de se tenir compagnie ou de se faire bouffer.  Tempo. Nous sommes en 1999, Le Monde ne manque pas d’ère mais se tétanise à l’idée d’un blackout mondial.  dEUS saisit cette urgence et fait ses courses chez Mr. Bricolage. Moins d’expérimentation, plus de bidouillage et  train en marche. Une fois la locomotive lancée à toute vitesse sur les chemins sinueux de la pop-prog’ (avec pour seul horizon Captain Beeffheart, Zappa et Sonic Youth), « Put the Freaks Up Front » ouvrira le bal d’un album somptueux et raffiné, brinquebalant mille idées à la pelle et résumant en quelques minutes les velléités de ce groupe pas comme les autres: signer un album de rock majeur (dressé en l’air), accessible et totalement fou(traque).  Tom Barman (le bien nommé) en chef cheminot désordonné  donne le « LA », fait la nique à BLUR et OASIS dans un fracas assourdissant et armé de sa guitare rutilante signe les accords de « Yallah »! »
The Ideal Crash » donc et sa pochette intrigante. Une jeune femme, renversée, git sur le trottoir. Veste rouge, bras relevé, elle peine à se relever…ou  s’est-elle échouée sur un passage pour piétons pas si bien balisé? dEUS, c’est un peu tout ça, un gang qui, Anvers et contre tous, s’évertue à sortir des sillons tous tracés. Suivre la meute? Enjoliver une pop déjà polie et policée? Peu pour eux. Répondre aux sirènes de la ritournelle rock? Non plus. Nos flamands osent et teintent joyeusement leur psychédélisme de romantisme nonchalant.
A commencer par cette langoureuse « Sister Dew » qui ferait craquer tous les marins de Saint Malo en goguette. Tommy supplie cette « Soeur Rosée » de rester. Las, la Belle se défile. My sister= My Clock. Puis Danny Mommens fait sautiller sa basse sur le James Bondien « One Advice Space » tandis que le groupe sort le grand jeu. Orchestrations racées et alambiquées. Les refrains se télescopent, rien n’est à sa place dans cette pièce maitresse et le papier peint fait la gueule. Histoire de Q. James ira boire son Martini avec Bukowski, in a Bar, under the Sea. Déboule « The Magic Hour » et sa bande-son idéale pour faire l’Amour. Pas de deux. Deus ex-machina. La Bête rentre les épaules et s’assouplit, sa muse lovée au creux de son ventre. Le violon de Klass Janzoons resserre l’étau et nous vrille les tripes. Tom, esseulé, tombe la veste. Puis vient l’ouragan « Instant Street ». Avis de tsunami. Le radeau médusé, mené par un capitaine Nemo sous Ventoline, effectue de larges cercles concentriques. Destination? Nowhere. L’accident parfait en plein cœur d’un maelstrom. L’équipage fonce tête baissée, dirigé par la batterie métronomique / saccadée de Jules De Borgher et le réalisateur d »Any way the wind blows » retrouve des couleurs. Nautilus Erectus. Accalmie. Et ce dernier de susurrer les vertus du « pas de côté », du navire brisé. J.G. Ballard en ligne de mire. Puis le morceau-phare prend ses appartements. « Instant Street ». Montagne Russe. Poussée d’hormones. Impulsion unique. Une guitare en boucle qui annonce la montée de sève inéluctable, la jouissance à fond les ballons. Cela commence comme un doux baiser, cela finit en lupanar gravitationnel. Et les membres soudés comme jamais de balancer la sauce. « Instant Street » et son clip vertigineux, ses chorégraphies urbaines et sa classe assumée. « Instant Street » et ses moments de grâce à « La Route du Rock ». Ses cracheurs de flammes et ses danseurs abimés, travestis, investis. Lèvres en feu. Envie de brasiers. Take a Break… Cigarettes after Sex. dEUS calme ses ardeurs et s’offre une sublime « Magdalena » entre deux respirations syncopées. « Everybody’s Weird, Everybody’s Weird  » répète, à l’envie, une voix de jeune femme. Boite de Nuit désaffectée. Les sunlights ruissellent sur la cape d’un James Brown robotisé. Tour de Piste. Ami Groovy. dEUS se projette dans un club 54 où tout s’échange.  Enfin, la formation renoue avec ses premiers amours et balance un « Let’s See Who Goes Down First » déglingué et malade. Baisser de rideau.  » Dream Sequence #1″. Le rêve est terminé. Les yeux écarquillés. « J’ai besoin de trouver une certaine tranquillité d’esprit » clame le leader de Magnus et TaxiWars.
Et nous?
Vingt plus tard, nous ne nous sommes jamais remis de ce chef-d’œuvre…ni de cette gueule de bois.

John Book.