Il y a dans « Medium Level » cette sensation d’un sol qui tremble sous nos pieds tout en nous poussant à danser. Comme si, à chaque mesure, le trio rennais YES BASKETBALL, mené par Pierre Marolleau, accompagné de Yoann Buffeteau et Jérémy Rouault, choisissait de marcher en équilibre sur un fil tendu entre tension et jubilation. Prolongement d’une aventure sonore qui construit, assurément, un univers au groove jubilatoire.
Alors, que reste-t-il d’un tibia brisé sur un playground ? Une voix. Une voix trouvée dans les fractures, dans les silences entre deux battements de cœur. Une voix née d’un corps qui chute mais qui choisit, dans la poussière, de réinventer son propre groove.
Car « Medium Level », loin d’un titre modeste, est un disque en expansion, en extension. Il avance par spirales, se construit comme une toile mouvante : les jams deviennent matière sensible, les expérimentations accouchent de paysages étranges, et chaque morceau y est à la fois esquisse et aboutissement. On sent le geste libre, aérien, celui qui trouve la brèche, qui ouvre un chemin juste au milieu, entre improvisation et hyper contrôle, celui qui goûte au plaisir du brouillon autant qu’à la précision du mix final.
Comment définir ce que YES BASKETBALL nous tend ici, bras ouverts et tempo tendu ? Ce n’est pas facile, c’est une salle d’entraînement mentale, un laboratoire du rythme, une ode aux contrastes. Flow qui percute et s’échappe pour mieux cogner en plein plexus.
Slow jam, qui foudroie comme un breakbeat nerveux, Hymne revendicatif qui chuchote dans ton cerveau, puis hurle dans l’espace d’un refrain étouffé, Une danse sur la corde raide entre hip-hop, électro-pop et post-punk.
Les influences ? Elles fusent : la gouaille de The Streets, l’urgence des Beastie Boys, l’apesanteur de Kendrick, la précision amoureuse de LCD Soundsystem, l’ivresse élective de Mount Kimbie, l’esprit créatif déroutant de Damon Albarn. Sorte de consciencieuses filiations, et un désir d’y imprimer sa propre patte de velours, sa propre sueur acide.
Dans le désordre : Cotton Candy, on flotte dans une ouate sucrée, les synthés s’étirent comme une brise chaude sur la nuque. For Real nous tire dans le béton, un groove hypnotique, presque poisseux, comme une marche à contretemps dans une ville moite. Et puis il y a Next, pièce angulaire, coup de cœur de Laurent Garnier, qui synthétise l’album tout entier : l’urgence, le flou, la beauté du chaos apprivoisé.
On y entend des voix qui changent de masque, passent de la tendresse à l’ironie, du murmure amoureux à l’invective lucide. « Are we gonna face this and hold the fire ? » interroge une phrase comme un mantra. Et nous ? Sommes-nous prêts à embrasser cet entre-deux, ce “medium” qui n’a rien de tiède mais tout du juste milieu instable, vivant ?
Medium Level, c’est ce point de bascule où le déséquilibre devient langage mouvant. Une œuvre hybride, organique, qui capte l’énergie d’un moment, la recompose en textures groovy, en punchline éclatante. Un disque qui déstructure pour mieux rassembler, qui trace un sillon hors des cases, hors des limites.
Alors, il faut l’écouter. Pas une fois. Plusieurs. Dans des états différents. Il faut danser dessus, l’écouter seul dans le noir, le faire tourner à fond et s’y noyer. Il faut se laisser emmener ailleurs, dans ce lieu sans carte que YES BASKETBALL dessine. Appuie sur play, et tiens-toi prêt à tomber avec style.