X-Tro” de Harry Bromley Davenport, “Creep” de Christopher Smith et “Reeker” de Dave Payne. “This is Thriller, Thriller Night.”

C’est bientôt Halloween, les enfants ! N’ayant pas l’occasion de chroniquer “Last Night in Soho” d’Edward Wright ou “Halloween kills” de David Gordon Green -pas assez de temps et trop de films projetés en l’espace de deux semaines ! – je vous propose un panaché de longs-métrages d’épouvante méconnus. C’est parti pour trois pépites horrifiques, loin des productions lavasses et autres suites formatées !Nous sommes à l’aube des années 80. Mon petit frangin et moi-même passons nos vacances dans le Pas de Calais et sommes, déjà, sévèrement addicts à l’écran (qu’il soit petit ou grand). Les affiches de films nous font rêver et nous fantasmons, à la vue d’un gamin asiatique et bionique ou un agent secret de sa majesté, dans le vidéo-club du coin.
J’ai 12 ans et mon frère 9. Au hasard de nos pérégrinations, nous nous arrêtons devant le cinéma proche du marché. Coup de foudre.  Nous réclamons à corps et à cris une séance nocturne à la seule vue d’une affiche qui promet du “lourd”.
En l’occurrence “Tonnerre” de Larry Ludman ( de son vrai nom Fabrizzio De Angelis, ouais, ouais…). Véritable film fauché italien de 1983, plagiant intégralement “Rambo : First Blood” sur fond de réserve indienne.
Je sais, nous sommes à l’âge où tout nous convient et où la critique d’un nanar est impossible puisque purement émotionnelle.La sortie est accordée et notre impatience sans bornes.
Vient le soir tant attendu.
Nous nous installons, donc, heureux comme des candides face à l’interdit.
Nous nous sentons adultes. Pas encore de poil au menton, mais bon…


Les bande-annonces se succèdent avant l’entrée en matière et soudain, c’est le CHOC ! Devant nos yeux horrifiés se concentre l’horreur.”X-Tro”, réalisé par Harry Bromley Davenport, se dévoile en quelques minutes et cette abomination me fout les jetons. L’histoire d’un homme enlevé par des extra-terrestres et revenant sous un aspect identique à ses ravisseurs s’inscrit immédiatement dans mon cerveau pour ne plus me lâcher. Le monstre, ou ce que l’on entrevoit, semble dégueulasse et la photographie du film raccord avec son sujet.
Durant des années, je suis hanté par ces images et ce titre mystérieux. L’ai-je réellement vécu, ce traumatisme cinématographique ? Personne ne connait “X-Tro” autour de moi (pourtant auréolé d’un Grand Prix du Festival du film Fantastique de Paris en 1983) et les moteurs de recherches n’existent pas encore. Seul point d’ancrage, l’affirmation tenace de mon frérot.
Ce n’est qu’en septembre 2005, à la faveur de l’excellente programmation de “L’étrange Festival” de Paris, que je peux, at last, me frotter au précieux sésame.
Je pénètre dans le grand couloir en hauteur et salue, par une coïncidence inattendue, l’Homme Tatoué Pascal Tourain.
Quelques vannes échangées. Plaisir de retrouver cet immense freak au cœur d’or dont la passion pour les films “autres” est inscrite sur son corps.
Salle 300. Public au rendez-vous. Apparemment, je ne suis pas le seul trentenaire a “kiffer” le culte.
Présentation et mise en bouche.
En préambule ? “Satan bouche un coin” de Jean-Pierre Bouyxou et R.G. Maronghiu datant de 1968. Un court-métrage proche du documentaire où un performer, sur fond de musique stridente, se charcute le pénis avec une tige en fer.
Ambiance. Dans quoi je me lance ?Extinction des feux et en avant Guingamp.
Inutile de vous dire que la découverte de cet OVNI britannique fut à la hauteur de mes attentes. Crasseux et dérangeant (cette scène d’accouchement, bon sang !), “X-Tro” mélange, avec équilibre, film d’horreur et radiographie de la société anglaise de l’époque. Un mix étonnant entre Ken Loach ou Hitchcock période “Frenzy” et “Alien” de Ridley Scott. Cerise sur le muffin, la délicieuse Maryam d’Abo y fait ses premiers pas devant la caméra et annonce, par sa grâce juvénile et son charme immédiat, une inoubliable James Bond Girl. Je ressors aux anges mais passablement dérangé par cette expérience.
Cet anti-E.T. est un cauchemar absolu. Ses effets-spéciaux, d’un autre siècle, tiennent encore la route (voir le corps du monstre/ contorsionniste à l’œuvre dans la forêt) puisque filmés “live” et en décors naturels. Son intrigue est une spirale infernale aux arborescences bourgeonnantes. Le ver est dans le fruit (de nos entrailles) et l’enfer, c’est les autres.
Car si cette bestiole ne nous veut pas que du bien, la société dans laquelle elle mute est aussi une belle saloperie.
Cette critique acerbe vous rappelle quelque chose ? Farfouillez du côté d'”Under the Skin”.
Jonathan Glazer- artiste doué visuellement- n’est pas allé très loin pour piller un synopsis et s’est peu embarrassé du point de vue éthique scénaristique. Même quotidien inquiétant. Même figure de mutant caméléon. La mine boudeuse de Scarlett en bonus.
Je ne vous dirai rien de l’intrigue. Je vous laisse savourer cette descente aux enfers, via un DVD (édité chez “Mad Movies”) ou autre, les (s)poils au garde-à-vous !Mais, c’est une promesse, ce voyage vaut le détour !
 Deuxième fleuron du cinéma crado trempé dans la ragougnasse, j’ai nommé “Creep” de Christopher Smith sorti en 2004.


A nouveau une production (quasi) anglaise et, à nouveau, une heureuse surprise en matière d’effarement.
Au programme :
Claustrophobie. Angoisse. Solitude.
Une jeune femme se perd, une nuit, dans le métro londonien et se voit poursuivie par une figure monstrueuse.
Au casting ? Franka Potente, vue dans l’électrique “Cours, Lola, cours” et Sean Harris (Incarnation remarquable de Ian Curtis dans “24 hour party people” de Michael Winterbottom et inoubliable Solomon Lane dans la saga “Mission Impossible”).
Apre et sans concession, ce Survival, si proche de nous de par son contexte urbain (enjoy the subway, ses boyaux, ses longs tunnels et ses bruits inquiétants !) nous interloque, nous tétanise pianissimo puis nous vrille crescendo.
Effet miroir. La chasse est ouverte mais la bête est tapie en chacun de nous.
Kate devra puiser dans des ressources insoupçonnées pour sauver sa peau et deviendra, peu à peu, au contact d’une “machine à tuer” sa Némésis. Interdit aux moins de 16 ans et aussi glamour que les W.C. de “Trainspotting”, “Creep” est un calvaire et un bonheur de cinéphile.
Vous voulez frimer auprès de votre neveu de 16 piges et sa copine le 31 Octobre ? Proposez-leur ce train fantôme sans retour, vous ferez des heureux !

Je termine par une série B qui ne vaut pas tripette durant sa première heure puis s’envole vers un twist final orgiaque : “Reeker” de Dave Payne (le bien nommé !). De l’hémoglobine à satiété en plein désert, des jeunes femmes hystériques, une scie circulaire en guise de balai à chiottes, des cadavres de beaux gosses à la pelle et une photographie digne de “Delicatessen” et de “Razorback”.
Composée d’une esthétique proche du cinéma australien, “Reeker” ne fait pas dans la dentelle et multiplie les fausses pistes.
Bon sang, mais, qu’est ce qui se trame ?
Souvent incompréhensible, cette torture mentale ne prend son sens que dans un final apocalyptique et joue avec nos nerfs.
House of Payne ? Indeed.
Il y est aussi question de plaisir. A savoir le bonheur de retrouver l’immense Michael Ironside (“Top Gun”, “Extrême Préjudice”, ” Total Recall”, “Starship Troopers” et le hautement recommandé “Turbo Kid”) dans un rôle où il se plait à exceller…Hargneux, rugueux et peu porté sur le copinage, ce mec aurait dû/pu jouer Wolverine sans se forcer.
Et, rien que pour sa présence à l’écran, “Reeker” est à découvrir séance tenante !
Voilà, les enfants. Ce sera tout pour cet Halloween 2021.Je vous le souhaite flippant à souhait et laisse un dernier mot d’esprit au MC MJ:
“You try to scream
But terror takes the sound before you make it
You start to freeze
As horror looks you right between the eyes
You’re paralyzed”

John Book.