Temps de chiens à Perpignan

1979 à Perpignan. La vague punk à déboulé. Des groupes rock sortent de partout en France. Nous ici on a les Fashioners, pas mal inspirés des New York dolls et P’tit vieux et les kids (PVK pour les intimes) aux relents babas pas cool, ennuyeux et ennuyants. Perpignan c’est aussi la ville du porno, les cars bondés d’espagnols arrivant le vendredi soir pour ne partir que le dimanche en fin d’après midi, la totalité des passagers passant 3 jours dans l’ensemble des salles noires de la ville pour mater des films de boules. Eh oui, c’est encore l’époque Franco là bas.

Bref, autant vous dire qu’en ces années-là Perpignan c’est tout, sauf rock. Et pourtant, sur les dix jours qui viennent nous avons droit à des affiches alléchantes. Dans l’ordre, Little bob story, Bijou et les Dogs. Ces trois groupes se produisant tous dans la salle du théâtre municipal (devenu aujourd’hui un amphi pour la fac).

Le rock/pub rock de LBS nous a enflammé, la classe et l’énergie « flamin groovies » dès Bijou nous a laminé, mon frère @pierrecognon et moi nous en portant encore les stigmates. Au tour des dogs maintenant, dont on a lu les articles dithyrambiques dans la presse. J’ai le ep teenage fever trouvé à RAF, le disquaire de Perpignan spécialisé dans le punk. Bref, il me tarde de découvrir ce trio en live.

PVK fait la première partie, et pour une fois, je vais les trouver bien meilleurs qu’à leur habitude, presque bons.

Ça fait plus d’une demi heure qu’ils ont quitté la scène et les Dogs n’ont toujours pas montré le bout de leur museau. Ça commence à s’échauffer dans le public. Un des organisateurs tente de nous calmer en annonçant dans le micro l’arrivée prochaine du groupe sur scène. Finalement, les trois canidés arrivent avec un peu plus d’une heure de retard. Et ça part mal. Nous avons un groupe froid sur scène, un son étriqué, des poseurs, pas des rockeurs. Le public le fait savoir dès la fin du premier morceau. Pas d’applaudissement. Silence de mort hormis deux ou trois quolibets. Le second morceau ne relève pas du tout le premier et reçoit le même accueil que le précédent. Dominique Laboubée, visiblement pas habitué, loin de calmer les esprits, nous invective et nous traite (de mémoire) de petits provinciaux ou un truc du genre. Je pense qu’à ce moment-là, il aurait mieux fait de nous jeter une grenade. Un premier jet de canette de coca fuse, suivi de plusieurs autres, cris et injures du public. En une phrase, le mec a su se mettre toute la salle à dos. La colère gronde, le groupe s’enfuit dans les loges (peut être), quelques uns d’entre nous sont montés sur scène, les techniciens viennent protéger le matos du groupe. A ce moment-là tout peut arriver. Nous descendons de scène, mais les huées et les sifflets sont loin de s’arrêter. Le public est chauffé à blanc, insulte le groupe et lui demande de revenir. Rien n’y fait.

Le calme revient, pas le groupe. C’est alors que sur la scène surgit un échalas qui va se placer derrière le kit de batterie et nous gratifie d’un solo fantastique avant de se faire éjecter par les roadies. Ce gars deviendra dès le lendemain le batteur du groupe que je suis en train de monter.

Les Dogs ne sont jamais revenus, ni ce soir-là ni jamais sur Perpignan.

Ce qu’il m’en reste, c’est l’image d’un groupe pas assuré, mauvais, hautain, imbu de sa personne, et loin de la classe qu’il a prôné dans une chanson. J’ai écouté, depuis, la majeure partie de ses albums. Il y a quelques bonnes chansons.

Mais je n’ai toujours pas compris l’engouement de la presse pour un groupe qui n’avait, ni l’énergie d’un Little Bob Story, ni la classe d’un Bijou et encore moins l’originalité et la magnificence d’un Marquis de Sade.

Bref, un groupe très (trop) surestimé par la presse dite spécialisée, quand par ailleurs nous avions des Marie et les garçons, des Taxi Girl et des Electric Callas pour ne citer que ceux-là.