TCHEWSKY & WOOD IMPACT IMMINENT

Après un premier EP prometteur, Tchewsky & Wood nous revient avec un album à balles réelles. Rappelons-nous de leur prestation en septembre 2017 pour l’ouverture des Marquis de Sade devant un public déjà conquis par leur performance.
Plus récemment, le 26 avril dernier, le groupe organisait une Release Party mémorable dans un des temples rennais de la musique, le mythique UBU, pour fêter la naissance de leur 1er album “Live Bullet Song”.
Depuis, le chemin de leur horizon a grandi, non plus en duo mais en trio. Les dates se succèdent avec succès, laissant sur leur passage une marque indélébile. Entretien avec les trois protagonistes : Marina Keltchewsky, Gaël Desbois et Maxime Poubanne.

Marina, Gaël et Maxime, pouvez-vous nous décrire l’univers de Tchewsky & Wood et comment le groupe est-il né ?
Gaël : Nous avons commencé le groupe il y a quatre ans. J’ai rencontré Marina pour la première fois grâce au metteur en scène rennais Arnaud Stephan. Ce dernier nous avait réunis pour une création de théâtre et nous avait demandé de travailler sur une chanson. Marina devait la chanter, et moi la mettre en musique. La langue russe que Marina maîtrise et le chant romani m’ont énormément attiré. Après cette expérience, nous avons décidé de poursuivre notre collaboration et de réunir nos deux cultures musicales. Sans aucune restriction. C’est d’ailleurs toujours notre mot d’ordre. Chercher à mettre en son une musique brute et libératrice. On a d’abord mélangé le russe à des matières sonores électroniques, avant d’ouvrir petit à petit sur d’autre langues, et notamment l’anglais. Après quelques concerts en duo, Maxime nous a rejoint en 2017 et a rapidement trouvé sa place.

Vous venez d’horizons très différents ; d’où proviennent vos influences électro/cold-wave/punk que l’on peut entendre dans vos chansons ? Quels sont vos goûts communs musicaux ?
Marina: J’ai grandi dans la culture musicale russe, tzigane russe et balkanique; donc à l’origine, pas grand chose à voir avec ce qu’on fait ! A 12 ans, en Russie, j’ai découvert le rock avec Victor Tsoï et son groupe Kino; c’était mon héros. Premier grand groupe soviétique de rock, avec des textes magnifiques et une énergie bouleversante. J’écoutais ça, et puis en arrivant en France, j’ai écouté Nirvana, les Bérurier Noir, mais aussi de la techno (Heretik, Micropoint…), puis plus tard, Suicide, LCD Soundsystem, Nick Cave… Bref, je dis des influences comme ça me vient là, j’en oublie beaucoup…
Gaël : J’ai commencé à faire de la musique en groupe vers la fin des années 80. A l’époque, nous écoutions Joy Division, Minimal Compact, Mecano (le groupe anglais !!), ou encore les rennais de Complot Bronswick. Tous ces sons m’ont certainement accompagné lorsque j’ai commencé à travailler la composition avec l’ordinateur quelques années plus tard. J’ai toujours aimé les musiques hypnotiques et répétitives. L’ordinateur est l’outil parfait pour ça. Il est d’ailleurs omniprésent dans notre musique; il nous permet de poser les bases instrumentales sur lesquelles la voix, la guitare et la batterie prennent toutes leurs libertés.
Max : J’ai été nourri par la musique des années 90 comme une bonne partie des ados de cette époque avec les Smashing Pumpkins, Sonic Youth, Pixies, Radiohead… Toute la découverte de la mouvance new wave / cold wave est arrivée plus tard.

Artwork © Patrice Poch – Photo © Richard Dumas

En juin 2018, vous aviez participé au projet Court-Circuit #3 où, en 3 jours et sur 9 lieux, vous aviez donné 9 concerts dans des lieux inhabituels (crèche, maisons de retraite, cour d’immeuble, etc…). Comment avez-vous vécu cette expérience atypique ?
Marina : Ce projet est vraiment génial, et pour ma part, ça m’a ramené directement à mon expérience initiale de la musique. Chez moi, tout le monde jouait d’un instrument, sauf moi, qui n’était pas fichue de jouer quoi que ce soit; jusqu’à ce que je me mette à chanter. A partir de là, mon oncle (guitare, balalaïka et chant) m’a pris sous son aile et on a monté un petit répertoire qu’on a joué un peu partout : écoles, bars, maisons de retraite, hôpitaux, principalement. Pour mon oncle, c’était une façon de m’apprendre le métier, mais c’était surtout un engagement et une foi dans ce que peut provoquer la musique quand on la joue dans des lieux généralement désertés par la poésie et les émotions artistiques.
Gaël : C’était une expérience très riche. Il ne s’agissait pas d’adapter notre musique à un public, mais plutôt de la présenter telle quelle, de la partager. Les différents publics l’ont plutôt bien réceptionnée je crois. Avec la musique, il est très facile de s’isoler, d’être dans sa bulle. Là, pour ces concerts, nous avions l’impression d’être utiles et de faire du bien. C’était très touchant. J’ai été particulièrement ému du concert programmé à 11h du matin dans un hôpital de jour. Ça a remué des choses très personnelles.
Max : Que de bons souvenirs avec une super entente avec l’équipe de la MJC Cleunay qui nous accompagnait et de très chouettes accueils dans les endroits où nous avons joué. Par contre, 3 concerts par jour pendant 3 jours et dans des lieux différents, c’est physique ! À la fin, on était bien rincés.

Après votre 1er EP Chapter One en 2018, votre album « Live Bullet Song/Chant à balles réelles » est sorti ce vendredi 26 avril. Pourquoi ce titre, que signifie-t-il exactement ?
Marina : Ce titre s’est imposé très rapidement; dans le premier morceau qui ouvre l’album, Carnival Girl, il est question d’une femme « tuée par une chanson tirée à balles réelles ». J’ai le fol espoir que l’album entier soit comme une série de balles tirées pour atteindre au coeur… (« They found her dead, by a live bullet song Staring at the TV screen Reading some stupid fanzine Pink flip-flops wearing »)

Votre pochette, signée Patrice Poch, représente un impact sur une vitre. Cette collaboration est-elle une suite logique du concert d’ouverture que vous aviez fait pour Marquis de Sade le 16 septembre 2017 ?
Gaël :  Sur cette pochette, j’y vois davantage une explosion, tel un Big Bang. Espérons maintenant que nos chansons, nos petites étoiles, restent lumineuses le plus longtemps possible.
Marina : Pour la pochette de « Live Bullet Song », Poch a eu complètement carte blanche. Autodidacte super talentueux, il vient du street-art, travaillant pochoirs, affiches, collages, dans un univers très punk- rock. C’est sur son label (Poch Records) qu’on a sorti la version vinyle de notre album, et je crois que là aussi, c’est cette histoire de chant à balles réelles qui lui a inspiré le graphisme.

« Lion (in a soviet zoo) » était déjà présent sur l’EP et se retrouve à nouveau sur l’album. Il y a dans les paroles une réflexion sur l’impact de l’humain sur son environnement. C’est important pour vous ?
Marina : Ce morceau puise ses racines dans le paysage post-soviétique des années 90, dans lequel j’ai grandi. Je suis arrivée en France au début des années 2000, et j’ai continué à regarder la société française depuis ma « cage » soviétique et tout son cirque, ne sachant plus toujours où s’arrêtait la cage et où commençait l’air libre. Un mantra (inspiré d’un proverbe nouchi) s’est en quelque sorte imposé : « Don’t buy a ticket for the zoo if you want to travel deep into the jungle ». 

Avec « Burning Water » (je creuserai un puits profond comme ma soif, un puits à ma soif, pour y risquer mon cœur, à travers mes mains, à travers mes doigts, je creuserai un puits…), on retrouve une certaine spiritualité et un sens profond de la narration. La littérature est-elle une source d’inspiration ? Aimez-vous des auteurs en particulier ?
Marina : Oui, ça c’est sûr ! J’ai terriblement besoin de lire; je prends tout ce qui me tombe sous la main : romans, théâtre, essais. Mais aujourd’hui, ce que je lis le plus, c’est de la poésie. D’ailleurs, je crois que j’étais plongée dans la poésie de René Char quand on a composé Burning Water. J’ai une passion pour des poètes comme Anna Akhmatova, Alejandra Pizarnik, Anise Koltz, Roberto Juarroz, Tomas Segovia, Nâzim Hikmet, Essenine et j’en passe… Et sinon, j’ai beaucoup lu Dostoïevski, Proust, Balzac, Steindhal, Gogol, Tolstoï… En ce moment, je lis Un appartement sur Uranus, de Paul B. Preciado, absolument génial, grosse claque.

Marina, tes origines slaves et ton autre métier d’actrice donnent une dimension dramatique à tes chansons et à ta voix. Quelle forme d’expression artistique est plus instinctive chez toi, la chanson ou la comédie ? 
Marina : Je dirais que je ne mets pas vraiment de frontières entre les deux : il me faut beaucoup d’instinct musical pour faire du théâtre et inversement. Et dans tous les cas, j’ai absolument besoin de ces deux formes d’expression artistique !

Dans « Pays Sans Capitale », vous dénoncez l’incohérence de l’existence des frontières. Vous interrogez-vous sur la crise des migrants ? (NDLR : Treize maires, dont ceux de Paris, Strasbourg ou Rennes, ont adressé une lettre au Ministre de l’Intérieur et au Ministre du Logement pour endiguer la crise des migrants. Ils demandent à l’Etat des places d’hébergement supplémentaires).
Marina : Pays sans capitale est un morceau un peu ovni qu’on s’est laissés la liberté de créer en studio. On ne savait pas bien où ça allait. Gaël et Max ont inventé leurs parties de guitare et de batterie sur le moment, sous la vision d’Etienne Caylou qui est notre ingénieur-son et producteur depuis le premier EP. Quant à moi, j’avais ce texte que j’avais écrit et auquel je tenais beaucoup. Mais je n’aime pas trop dire de quoi ça parle; enfin, c’est surtout que je suis moi-même incapable de le dire aussi précisément. Moi ça me parle de beaucoup de choses, et j’espère que ça en évoque autant aux gens qui l’écoutent; et si ça te parle de la nécessité immédiate d’abolir cette absurdité absolue que sont les frontières, alors je te dis « oui, bien sûr, et d’autres choses encore ». C’est pour ça que j’aime la polysémie qui entoure le mot « mère » dans le texte, qu’on peut entendre dans son sens premier comme au sens de la « mère-patrie »…

Le clip « I have you » s’achève par cette phrase énigmatique : « They have pretty shoes but we run fast». Quel en est exactement le sens  ?
Marina : Au départ, c’est presque parti d’une blague. On parlait des « slows » de nos adolescence, et on s’est pris un peu au jeu de se dire « qu’est-ce que ce serait d’écrire un slow aujourd’hui » ? Ça peut paraître complètement désuet, mais il y a quelque chose qui me touche vraiment là-dedans, et donc, ça n’est plus du tout devenu une blague. Dans le morceau, il est plutôt question de n’avoir qu’une seule personne sur qui compter, envers et contre tout, et contre tout le monde entier, qui lui est violent. 
Ça n’est pas tellement de possession amoureuse dont il s’agit, mais c’est une lettre d’amour à son « double », à son comparse, à sa sœur ou à son frère d’armes et d’âmes.

I Have You – Extrait de “Live Bullet Song” – Enregistré et Mixé par Etienne Caylou – Réalisation Clip : Julie Pareau

Vous reprenez « Ashun Daje Mori » de Ljiljana BUTTLER, « la Mère de l’âme gitane ». Pourquoi ce choix en particulier ? 
Marina : Ljiljana Buttler fait partie de ces grandes chanteuses que j’admire depuis toujours. Quand j’écoute n’importe lequel de ses enregistrements, j’ai l’impression qu’elle est là, dans la pièce, et qu’elle chante pour moi, par-delà les années et par-delà la mort. Son morceau Ashun Daje Mori m’accompagne depuis très longtemps, c’est un de mes préférés. C’est la chanson d’une femme à sa mère (dans l’album, ça vient juste après Pays sans capitale où il est aussi question de « mère »…); je ne parle pas romani (une des langues tziganes les plus parlées dans les Balkans) mais en gros, ça dit ça: 
Ecoute, mère, Ecoute mon malheur / Ecoute mon malheur parce que nous sommes maudits / C’est le jour de la Saint-Georges, mère, il est tôt matin / Mais pour moi, mère,
ce jour est venu comme une malédiction / Mon pauvre mari, Dieu l’a ramené auprès de lui / Et mes pauvres enfants, il les a laissés dans la misère / Ah… nous sommes maudits, nous sommes maudits …

Le 26 avril, il y avait le concert de lancement de votre album à l’UBU; il y a eu beaucoup d’enthousiasme autour de l’événement ! Et depuis, vous avez annoncé une tournée avec de belles dates à venir ! Comment appréhendez-vous cette tournée, quel est votre état d’esprit ?
Marina : Je suis très heureuse d’aller jouer dans des endroits où nous ne sommes encore jamais allés. A chaque fois, c’est un peu le pari d’arriver à toucher des gens qui ne nous connaissent absolument pas. C’est “sport”, mais quand ça se passe, il y a vraiment une sensation de grâce.
Gaël :  C’est toujours un réel plaisir de nous retrouver sur scène et de redonner vie à nos morceaux. Personnellement, j’ai hâte.
Max : Je suis impatient, les tournées sont toujours de chouettes moments. C’est un privilège de pouvoir se retrouver ensemble sur plusieurs dates qui s’enchaînent.

Enfin, qu’est-ce que lust4live.fr peut vous souhaiter pour la suite ?
Gaël :  Des concerts, toujours des concerts et encore des concerts !
Marina : Qu’on fasse un autre album !
Max : Un album, des concerts, des groupi(e)s !


Tchewsky & Wood sera le 7 septembre au Bistro de la Cité à Rennes dans le cadre de notre Release Party L4L et bientôt en tournée dans toute la France.




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Écouter Tchewsky & Wood : https://tchewsky-wood.bandcamp.com
Voir Tchewsky & Wood : https://www.youtube.com/channel/UCKn3gMsb4PAAF31lA8-p0Cw

Stef’Arzak

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