Souvenirs : “Catalogne et John Lennon Décembre 80”

Fin août j’ai monté un groupe post punk avec un copain de fac. On a démarré à deux, lui au chant et à la guitare, moi au chant et à la basse. Ne trouvant pas de batteur c’est une une boîte à rythmes qui martèle le beat. Nous répétons dans un appartement du vieux Perpignan, derrière l’église La Real pour ceux qui connaissent, et qui appartient à la grand mère du guitariste.
Nos influences du moment sont, #thecure, #ultravox #joydivision #thefall #throbbinggristle, #clockdva #cabaretvoltaire et un tout nouveau groupe découvert en novembre de la même année #thebirthdayparty.
Nous composons nos propres morceaux. Un cousin de Toulouse en a enregistré quelques uns pour les présenter à un producteur local et nous faire sortir un EP qui ne verra jamais le jour.
Nous nous sommes produits sous ce format là à la fac de Perpignan, dans une école (le père du copain organisateur de l’événement en est le directeur), et dans deux clubs de Perpignan. On a un set de 12 compos et deux reprises: #seventeenseconds de cure et #pogopogo face B du #çaplanepourmoi de #plasticbertrand.

Le 5 décembre, alors que nous allons voir un concert en ville, nous rencontrons notre futur batteur. Il est mineur mais on s’en fout il est motivé et très bon. Nous programmons des répètes pour le lendemain et le surlendemain. L’apport de la batterie booste nos morceaux et meme les plus calmes que chantent le guitariste (moi je fais les plus énervés).

Le 8 décembre 1980 #JohnLennon se fait descendre. Le monde est sous le choc. Le 9 décembre, Cluf (le guitariste)m’appelle et me dit qu’on joue le dimanche dans un festival de l’autre côté de la frontière, organisé par une asso catalane en mémoire de Lennon. Il me dit que nous sommes les seuls français invités à jouer (Cluf, pour payer ses cours travaille à Cerbère dans une boîte d’import export et a un énorme réseau catalan).

Coup de fil au batteur pour l’informer. Parlementations avec le père pour le laisser venir (on va jouer un dimanche soir et le lendemain y a école). On promet de ne pas rentrer tard. Toute la semaine on prépare le set, on gardera 17 seconds et en seconde reprise on jouera #cesoir de #goldenearring (#assassinationdunrocknrollstar). On s’organise aussi pour le périple Perpignan- Port Bou, 2 véhicules pour notre matos, et là aussi Cluf fera jouer son réseau car il faut savoir qu’à cette époque le poste frontière ferme à minuit. Barrière fermée à clefs. Nous aurons les clefs. Nous faisons la promotion de notre set dans toute la fac, et le dimanche de nombreux perpignanais seront là pour nous, y compris celui qui est devenu depuis le gérant du plus grand magasin d’instruments de musique aujourd’hui à Perpignan (salut Jean Louis).
Le grand jour est arrivé. Départ à 15h de Perpignan. On a une heure de trajet jusqu’à Port Bou. Le festival se tient dans la salle de cinéma de la ville, tous les groupes sont déjà arrivés et l’un d’eux est déjà sur scène. Je regarde la programmation. Y a une vingtaine de groupes et on doit passer avant l’avant dernier groupe. En soi ce n’est pas grave, mais ça veut dire que le batteur ne sera pas à la maison avant 2 ou 3 heures du mat. On délire en rigolant là dessus. Son père va le tuer.



Ce que je constate aussi c’est que les groupes présents sont des hippies et des babas cool. D’ailleurs les effluves de shit parfument tout le secteur. Je le dis à Cluf qui me demande de rester sage et de n’embêter personne. Je suis toujours sage moi.
Les groupes défilent, le public est très calme dans l’ensemble, assis gentiment, fumant son herbe. Je note que tous groupes jouent quasi exclusivement du Lennon ou des Beatles. Je le fais remarquer à mes deux compères. Je demande à Cluf si on s’est pas trompé de salle. Il flippe et va voir l’organisateur. Il revient, me dit que c’est bon, mais qu’il faut jouer du Lennon ou des Beatles. Super. On a ça un stock? Ben non. On va voir l’organisateur, il parle catalan je capte que d’infimes bribes, Cluf me traduit enfin que l’on doit jouer au moins un morceau des Beatles. Je lui réponds que on fera notre set, et si jamais y a un rappel on avisera (j’ai déjà ma petite idée). Ils sont chiants et monotones les groupes qui défilent, il est déjà minuit, on passe après le groupe qui est en train de finir son set. Dans la salle j’aperçois un bon paquet de nos potes et des gens de Perpignan qui ont fait le trajet. Minuit et demi, c’est à nous. Le présentateur nous annonce et nous nous ruons sur la scène. Le premier morceau est vif, chanté par Cluf, la sono est merdique, y a pas de retours Et je n’entends ni la guitare ni ma voix. Génial. Et chaque fois que je m’approche du micro pour chanter je prends le jus. On va pourtant délivrer le set le plus énergique de la soirée. 10 morceaux. Dès le second tout le public est avec nous et bouge bien, les applaudissements sont fournis entre les morceaux. Nos copains aident bien. On finit le set sur une version apocalyptique de « ce soir » . Et on sort de scène. A notre grand étonnement le public ne veut pas nous lâcher et l’un des organisateurs vient nous voir, palabre en espagnol (pardon, en catalan) avec Cluf, qui vient nous dire qu’ils voudraient qu’on joue un rappel, et si possible en lien avec Lennon. C’est à ce moment que je sors ma« petite idée ». Je leur dis : « vous connaissez #letitbe!  – oui mais de la à la jouer, et puis je connais pas les paroles , me dit Cluf – C’est laquelle? Demande le batteur. Je la lui chantonne. Ah ok!, répond il. Je dis – Elle est pas sorcier , la ligne c’est do sol la fa. Cluf acquiesce et on remonte sur une scène. C’est moi qui chante puisque je connais intégralement les paroles. On la joue à mach 2. Une version punk de “let it be”. Ça saute partout dans la salle et sur scène. Pogo géant. On va jouer l’intégralité de la chanson, sans le solo, en tout juste 1’. Cette fois ci on sort définitivement de scène, exténués, mais content. Ça hurle pour nous faire revenir mais on ne veut pas. En plus il est 1h14 du mat. Faut charger les voiture reprendre la route sur Perpignan. L’euphorie du live s’estompe dans la tête de notre petit batteur qui sait qu’il va se faire démolir par son père en rentrant. Le groupe qui joue après nous est en train de se faire huer copieusement alors que nous quittons la salle chargés comme des mulets, mais aidés par quelques copains présents.

Le retour sur Perpignan se fera sans encombres. Nous avons déverrouillé la barrière de la frontière puis reverrouilé une fois les voitures du côté français et laissé la clef dans sa cachette. Le surlendemain Cluf viendra avec un exemplaire du journal catalan qui relate le festival, article dans lequel nous sommes décrits comme un groupe punk nucléaire ayant ressuscité l’âme des Beatles, illustré par une photo de nous trois sur scène en pleine action.

PS: le batteur se fera tuer par son père. Il ne rejouera plus jamais avec nous. Nous avons recommencé les répétitions à deux et la boîte à rythme, puis nos chemins se sont séparés. Le groupe sera cité dans l’ouvrage « Perpignan rock » avec une énorme bourde, créditant mon plus jeune frère à la basse.

Jacques

Bande son.

“Imagine” John Lennon


“Seventeen seconds” The Cure


“Ce soir ” Golden Earring


“Got the time” Joe Jackson


“Bored teenagers” The Adverts


“Come along ” The Fashioners