Rénald MARTIN nous raconte Arts in Situ !

Vous le savez déjà Lust4Live soutient avec force et conviction le festival multidisciplinaire Arts in Situ. Celui-ci se déroulera sur 3 jours et débutera le 10 septembre pour une 3éme édition qui s’annonce d’ores et déjà des plus remarquables. Aussi de vous en faire découvrir davantage sur son fonctionnement et ses origines nous avons pris un temps pour nous entretenir avec Rénald MARTIN, cofondateur et président du festival.


Rénald comment définirais-tu le festival Arts in Situ ?

Le festival Arts in Situ se défini par la volonté d’inviter des artistes d’horizon et disciplines différentes à investir des lieux du patrimoine et de proposer au public de découvrir ou redécouvrir leur histoire. Nous demandons à des plasticiens, musiciens, chanteurs, photographes, sculpteurs, danseurs et d’autres artistes de réaliser des créations in situ pour qu’ils proposent des interventions différentes et uniques pour le festival en résonnance avec les lieux.

Arts in Situ est aujourd’hui associé à deux lieux du patrimoine du sud de Rennes, témoins de la révolution industrielle : les mines de Pont Péan, et les anciens fours à Chaux de Lormandière situés entre Bruz et Chartres de Bretagne qui sont aujourd’hui peu connus du public et parfois même des habitants de ces communes.

Le festival est envisagé comme une déambulation sur 3 jours où le public découvre au fur et à mesure du parcours proposé : un ciné-concert, des expositions, des spectacles, des concerts en lien avec l’histoire ou l’identité des sites où les performances sont données.

Que représente le site de Lormandière, où aura lieu le Festival, peux-tu nous en parler ?

Le site des fours à chaux de Lormandière est le site principal où se déroulent le festival et la majeure partie de la programmation. C’est un Espace Naturel Sensible de 19 hectares, propriété du département d’Ille et Vilaine depuis 1988. Il comprend une partie espace naturel avec un étang et des prairies calcicoles où se développent une faune et une flore exceptionnelle en Bretagne (Orchidée, Chauve-souris…) et une ancienne usine du XIX d’extraction et de fabrication de chaux, bien conservée mais aujourd’hui qui n’est ouvert au public qu’à quelques très rares exceptions dont le festival Arts in Situ. Cette activé a été très prospère au milieu du XIX puisque 150 carriers travaillaient sur le site d’extraction du calcaire (matière première nécessaire pour faire de la chaux) dont la présence est extrêmement rare en Bretagne. Cette histoire est peu connue dans la région. Les bâtiments rénovés qui comportent des éléments industriels intéressants (machines, locotracteur, centrale électrique …) qui forment un ensemble exceptionnel qui en fait un lieu propice à la création artistique .C’est ce que nous voulions démontrer en montant ce festival.

L’enjeu d’Arts in Situ est de proposer dans un espace qui n’est pas prévu pour cela des performances artistiques et un accueil du public qui respecte la double dimension des lieux : la mémoire ouvrière et un patrimoine naturel exceptionnel.

Il faut composer avec beaucoup de contraintes liées à la préservation du patrimoine historique, de la faune et la flore dont certaines espèces sont protégées et ne sont connues que sur ce site en Bretagne. C’est également un lieu de travail pour le personnel des Espaces Naturels du département qui ont leurs locaux sur le site. Nous devons intégrer tous ces paramètres sur chaque édition. C’est un défi à relever à chaque édition pour que le festival s’adapte à la réalité du lieu.

D’où est venue l’étrange idée de cette création à Lormandière ?

L’aventure a débuté en 2016. Notre association basée à Bruz avait un an d’existence et proposait des différents événements (Ciné-débat, bibliothèque de rue, …) où la culture était centrale car nous sommes convaincus qu’elle constitue un facteur d’émancipation des individus. Nous avons eu l’idée de créer la première édition du festival pour interroger la place des artistes dans la cité et de restituer l’histoire de lieux du patrimoine industriel méconnus et à l’état de friche à l’époque. L’histoire de ce passé se perdait hormis par transmission les associations qui les font vivre lors des journées du patrimoine.Nous voulions proposer un événement complémentaire à ces actions et essayer de toucher un large public.

Le site des mines de Pont Péan et les anciens fours à chaux de Lormandière étaient alors pour nous une évidence. Aucun de ces deux sites n’était à l’époque rénové. Nous avons proposé aux élus du territoire et au Conseil Départemental de réaliser une expérience sur ces deux sites en proposant une carte blanche à Serge Teyssot-Gay (ancien guitariste de Noir Désir) et Paul Bloas (pionner du Street Arts en France) avec comme fil conduction la mémoire ouvrière et la célébration du patrimoine naturel. Nous avons su convaincre de la solidité de notre démarche et de notre projet. Le Ciné-concert Nosfératu par Zone Libre et la performance Ligne de Front ainsi associée à d’autres propositions artistiques : installations vidéo, projection de documentaire, la mise en lumière du site de Lormandière par Spectaculaires ont marqué les esprits au cours de la première édition en juin 2016 car ils étaient en totalement en résonance avec les lieux et son identité. Beaucoup du public venu sur cette première édition découvrait, alors ces lieux pour la première fois.


Pourquoi s’être lancé dans cette aventure artistique ?

Le festival a été pensé à partir de Lormandière pour faire connaitre ce site et montrer que les artistes avaient toutes leur place pour promouvoir un patrimoine et une histoire qui dépassent les frontières d’une commune. Nous voulions démontrer que ce lieu avait un potentiel pour accueillir des événements artistiques.

Dans chacun de nos projets, notre démarche est portée par une dimension citoyenne. Il ne s’agit pas seulement d’accueillir des spectacles ; avec Arts in Situ nous voulons proposer un moment de partage, soutenir les projets artistiques engagés mais aussi de montrer que les habitants peuvent être acteurs de leur territoire de vie en se prenant en main. A chaque édition nous impliquons également des familles ou des jeunes accompagnés par les services de la protection de l’enfance et ou des associations d’entre-aide.

Nous voulions également avec l’équipe du festival montrer que nous pouvions faire un évènement artistique inédit sur le territoire sur ce lieu alors que l’on nous disait que cela était impossible du fait des contraintes liées au site.

Nous avons relevé ce défi avec l’énergie et l’utopie qui nous ont porté.

Arts in situ c’est aussi proposer une ligne artistique qui soutient des artistes indépendants et proposer à chaque édition une cohérence en croisant des médiums artistiques différents.

Il y a aussi le souci de proposer un événement artistique de qualité à un très prix accessible.

Cette année le prix d’entrée de chaque évènement est de 10 euros et donne accès à 3 concerts 2 spectacles et l’accès aux expositions proposées.


Depuis la création d’Arts in Situ, vous avez réussi à nouer des partenariats forts pour mener à bien votre projet. Qui sont-ils ?

Avec la préparation de cette troisième nous sentons que les partenariats se renforcent et sont désormais solides.

Il y a d’abord la reconnaissance des artistes et des structures culturelles qui nous ont fait confiance et ont accepté de nous suivre dans ce projet un peu dingue.

Il y a ensuite la reconnaissance des élus et des collectivités .En premier lieu le département d’Ille et Vilaine propriétaire du site et l’ensemble de ses services impliqués dans ce projet , mais également les communes de Bruz, Chartres de Bretagne , Pont Péan, Rennes Métropole , la région Bretagne. La DRAC vient cette année de nous intégrer dans la programmation des festivals d’été en Bretagne c’est une reconnaissance importante pour nous. Il y a aussi les mécènes qui nous font confiance, les riverains, le public et évidemment les bénévoles sans lesquels le festival ne pourrait se faire. Cette année, nous avons les également noué un partenariat avec le musée de Bretagne sur la réalisation deux expositions : A la ligne, hommage à l’écrivain Joseph Ponthus et un air de modernité qui valorise le fonds photographique Bernard Heutier sur la transformation architecturale de Rennes entre 1960 et 1980.Cette exposition est également un partenariat avec la galerie de Carré d’Art.

En 2019, le principe de résidences artistiques accompagnées sur la deuxième édition du festival a permis de co-réaliser une exposition Lormandière : un espace sensible de la photographe Delphine DAUPHY visible aux Archives Départementales actuellement et le projet de co-production que nous avons soutenu avec les Tombées de la Nuit sur le prochain album du chanteur, compositeur interprète François Audrain. François Audrain a créé une série de chansons en résidence sur le site de Lormandière. Ce projet était également en lien avec une médiation scolaire où des élèves du collège Pierre Brossolette de Bruz ont fait un travail sur l’histoire du lieu intégré à la création artistique de cet artiste. Ce projet joué pour la première fois lors de la deuxième édition d’Arts in situ sera présenté le 19 septembre 2021 autour d’un concert donné aux archives départementales lors des prochaines journées du patrimoine.


Comment se sont déroulées ces années de préparation depuis la précédente édition (2019) et plus particulièrement avec l’arrivée de la COVID ?

Le festival s’est adapté comme tous les structures culturelles à la crise que nous traversons et comme beaucoup la question d’une annulation s’est posée. Jusqu’au mois de mai l’incertitude a beaucoup pesé.

Nous avons tout fait pour que cette troisième édition puisse aboutir. Cela est nécessairement passé par des adaptations d’abord d’un report de date, une reconsidération du format et des choix de programmation. Nous avons décidé de réunir tous les paramètres pour que cette édition puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles pour les artistes et comme pour le public. Nous avions de plus un équilibre financier à trouver, notre édition précédente ayant été déficitaire. La question des risques d’un retour d’un couvre-feu nous a amené et à reconsidérer le festival dans sa forme : une soirée et deux journées au lieu de 3 après-midis et soirées prévues initialement. Nous avons renoncé à la mise en lumière du site de Lormandière cette année. Le ciné-concert a été délocalisé à l’Espace Beausoleil pour répondre aux exigences imposées par les autorités en matière de gestion du public. Il s’agit de deux éléments importants de l’identité d’Arts in situ. Nous avions prévu des projets d’ateliers participatifs en amont du festival avec certains artistes ou du public scolaire qui n’ont pas été possible à mettre en œuvre du fait des contraintes de l’état d’urgence sanitaire interdisant les actions collectives. Du fait du contexte, certaines tournées d’artistes avec qui nous étions en lien depuis longtemps ont été repoussées et les productions n’ont pas accepté que ces artistes se produisent sur notre festival. Un concert en amont du festival a été annulé. Ces éléments n’ont pas dissuadé l’équipe du festival de s’adapter à ce contexte mouvant pour que cette troisième édition puisse être proposée. L’investissement a été doublé et les nouvelles dispositions nous ont également à devoir réduire la jauge du public et à renforcer les protocoles d’accueil du public.

Nous sommes très heureux de proposer une version différente de ce qu’a déjà connu le public sur les éditions précédentes avec toujours la même exigence artistique. C’est une édition dont nous sommes fiers et nous avons le souhait de soutenir chaque proposition artistique de cette programmation. 

Quels sont les arts que vous voudriez mettre plus en avant sur Arts in Situ ?

Cette année le festival propose pour la première fois de la danse avec 4 spectacles proposés le samedi et le dimanche. La photographie continue de tenir une place importante que nous voudrions renforcer à l’avenir comme la peinture. Le Land art est également accueilli pour la première fois avec une résidence de l’artiste Pascale Planche qui va créer une œuvre in situ en branchage sur le site pour le festival.

Les concerts sont toujours un axe fort de festival avec toujours une scène rock indépendante et le dimanche de clôture consacré à la scène française.

Nous aimons aussi créée des rencontres inattendues. Sur la précédente édition nous avions proposé aux Chanteurs d’Oiseaux de rejoindre Olivier Mellano sur scène. La rencontre de ces deux univers a été un grand moment du festival.

Les propositions de carte blanche à un artiste comme nous l’avons fait avec Serge Teyssot Gay et Olivier Mellano est une ligne que souhaitons affirmer.

Les projections et les arts numériques n’ont pas été possibles à explorer cette année du fait d’une programmation de journée mais nous restons attachés à cette idée pour les prochaines éditions et évidemment travaillons au retour du ciné concert sur le site de Lormandière.

Quel est votre premier objectif pour cette nouvelle édition ?

Cette troisième édition a demandé beaucoup d’énergie pour sa mise en œuvre du fait du contexte lié à la crise sanitaire. L’équipe a redoublé d’effort pour rendre possible cet événement. Avec la Covid 19 nous mesurons l’importance qu’a la culture dans nos vies.

Notre premier objectif est que le public soit présent sur les 3 jours du festival.

Nous espérons aussi équilibrer cette édition nous aurions dû mal à repartir si nous devions faire face à une édition déficitaire.


Avez-vous déjà travaillé sur les prochaines éditions ?

La reconfiguration du festival et des éléments liés aux artistes ou aux producteurs avec qui nous avons été le lien, trouverons la place dans la quatrième édition du festival.

C’est le cas de 4 concerts en particulier du concert A la ligne de Michel CLOUPS DUO annulé du fait du décès prématuré de Joseph PONTHUS en février dernier. Nous devions accueillir cet auteur ainsi que ce concert de la mise en musique des textes de Joseph PONTHUS. Les concerts de Marquis, Laetitia SHERIFF prévus initialement pour cette édition ont été décalé avec le report de leur tournée. Nous sommes également en lien avec le collectif Oiseaux Tempête dont un projet sur une édition de soirée devrait être un grand moment. Nous avons également le souhait de soutenir des projets de résidence avec des partenaires culturels avec l’objectif que le festival puisse proposer des créations originales et de soutenir les artistes du territoire.

Nous souhaitons que la programmation reste éclectique avec un croisement de différentes pratiques artistiques et restent ouvert à des influences différentes.

La diversité, la pluralité des propositions et le développement de la curiosité restent résolument les axes forts de la ligne artistique du festival Arts in situ.


Idéalement dans 10 ans comment imaginez-vous Arts in Situ ?

Nous espérons évidemment que nous serons toujours présents dans 10 ans mais un certains nombres d’éléments ne dépendent pas que de notre volonté.

Comme tout festival, il nous faut trouver notre public, assurer une modèle d’organisation et un modèle économique pérenne.

Le site de Lormandière est aujourd’hui un site dont le projet devrait s’affirmer dans les prochains mois nous espérons avoir convaincu le conseil départemental que les artistes avaient un rôle à jouer pour le développement et la promotion de ce site.

Nous espérons donc que dans 10 ans le festival sera bien identifié dans la constellation des festivals régionaux et reconnu comme complémentaire de l’offre culturelle actuelle. Nous souhaitons installer le principe de résidences d’artistes sur le site avec des événements en amont et en aval de chaque édition.

Nous espérons que nous aurons une organisation et un financement sécure. Nous espérons également que les conditions d’accueil du public et des artistes seront améliorées avec le projet d’une nouvelle phase de travaux sur le site et sur le site des mines de Pont Péan dont un projet de rénovation devrait débuter prochainement.

Nous sommes encore au début d’une aventure passionnante comme l’est chaque projet de cette envergure…en tout cas je suis très heureux de compter parmi les co-fondateurs du festival des gens animés d’une grande passion et d’un engagement qui ont permis qu’Arts in situ voit le jour. On se donne rendez-vous dans 10 ans pour voir ce que le festival sera devenu. D’ici là on vous donne rendez le 10, 11 et 12 septembre.

Billetterie ici : https://helloasso.com/bruz-citoyennete/evenements/arts-in-situ

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ARTS IN SITU 2021 Programmation complète ici : https://artsinsitu.fr/programme

Photo de couv. Philippe Remond
Stef’Arzak