“Rambo Last Blood”. War is over (if you want it).

Une silhouette qui se dessine sur le bord de la route. Un regard abattu, une démarche pesante, sac à dos en bandoulière et veste US. Sur nos rétines s’imprime la vision iconique et inoubliable d’un personnage qui allait entrer définitivement dans la pop-culture: John Rambo. Born in the USA. Rage en dedans. Animal. On est mal.


Nous sommes en 1982. “Rambo First Blood” de Ted Kotcheff débarque sur nos écrans et j’ai un souvenir très fort des affiches qui placardaient, alors,  les murs de la ville. Un homme en fuite, muscles en avant, le visage défiguré par la haine et un M16 au bout des bras. Pour un gamin de mon âge, c’était tout simplement insensé. On nous promettait-en une seule image- de la baston, des gunfights et de l’aventure virile. Mais ce fut bien plus que cela et c’est tant mieux. Car “Rambo” est l’exemple même du film d’auteur sauvage, nourri de politique et biberonné au Nouvel Hollywood. Le premier (ou presque) blockbuster du genre à traiter-de manière mainstream- des ravages de l’après-Nixon doublé d’un portrait glaçant. Celui d’une défaite. Ted Kotcheff a l’intelligence de développer ce retour houleux sans effets de manche. La sensibilité en plus, le sensationnalisme en moins (combien de morts au compteur dans cette traque?).
En l’espace d’un seul film et d’un personnage emblématique, Sylvester Stallone posa les bases d’une saga qui allait creuser au plus profond des entrailles de l’Amérique. Traumatisme post-Vietnam et retour en Asie, guerre en Afghanistan, génocide en frontière Birmane, John Rambo traverse les époques et les conflits, animé d’un sens de la justice inextinguible mais marqué au fer rouge par des guerres abominables.Une malédiction pèse sur les épaules de ce vétéran. La Mort touchant de près ou de loin toutes les personnes qu’il a pu croiser au cours de ses pérégrinations, il ne peut se résoudre à trouver un port d’attache. Hobo destructeur, il pose toujours ses bagages non loin d’une poudrière politique et économique. L’attrait du danger sans doute. Sur-vivant ou mort-vivant.
Comment, alors, envisager une paix (intérieure) possible? Une vie normée et normale? Comment rentrer dans des cases quand la société même vous vomit?Dans ce dernier opus, le réalisateur de “Kill the Gringo” tente de répondre à ces questions sans, malheureusement, y parvenir.
Alors qu’une porte de sortie s’opérait dans les dernières minutes du nihiliste “John Rambo” (ou Rambo 5), Adrian Grunberg rattache les wagons avec “Last Blood” et nous offre une ellipse temporelle raccord… mais dénuée d’âme.A commencer par la réalisation. Brouillonne dès le pré-générique et confondant efficacité et montage épileptique, cette dernière peine à trouver un souffle. Les mouvements de caméra ne se calmeront qu’au prix d’un prologue poussif (et déjà-vu) et se substitueront gentiment  à un épisode de “Walker Texas Ranger”. Plan-plan, plan après plan.Autre interrogation de taille, le parti-pris d’insérer un quotidien ordinaire chez un homme peu ordinaire est-il si pertinent?”Martine et Rambo font du cheval“, “Martine et Rambo écoutent du rap”…Difficile de voir dans ces scènes banales un écrin de choix pour meubler une existence préalablement nourrie au sang et aux tripes.
Bien entendu, l’homme au bandeau rouge a droit au répit et à la possibilité d’une rédemption en terre natale. Il a, aussi, le droit de connaitre les joies d’une paternité par défaut et la tranquillité d’un foyer aimant. Mais cela ne colle pas. Voir “Le Corbeau” dompter des chevaux ou laisser sa “nièce” faire la fête au sein de son ranch donne une image trompeuse de son personnage emblématique. John Rambo EST la Guerre. Et non un Marlboro Man en goguette!Enfin, cette histoire de revanche vis-à-vis d’un cartel mexicain nous éloigne drastiquement de l’environnement habituel de notre soldat. Aucun contexte politique, si ce n’est une légère critique de Donald Trump et de ses positions ultra-réactionnaires sur les frontières. Sly sonne démocrate, change de ton et de décor et propose-donc- une énième revanche, seul contre tous. Marion Cobretti  sous influence “Le Justicier braque les dealers“? Ou ” Chuck Maurice et Le Royaume du Crâne de Cristal“?
Entendons-nous bien.
Les scénarios de “Rambo” n’ont jamais brillé par leur originalité mais par leur mécanique implacable. Je me dois de vous l’avouer, quitte à me briser le cœur- ce “Last Blood” sent la série B à plein nez. Nous nous laissons bercer par un fil narratif balisé à l’issue fatale et là où “Kill The Gringo” sentait la pisse et la moralité douteuse, “Rambo Last Blood” s”embourbe dans le film d’action ronronnant et déroutant.Aucun souffle épique. Aucun enjeu de taille. Aucune déferlante.
Et pourtant, la bête bouge encore! Animé d’un sursaut inespéré, c’est dans ses dernières vingt minutes que “Last Blood” prend enfin toute sa dimension.
Et nous arrache -at last!- un soupir de satisfaction.
Empruntant à “La Horde Sauvage” de Sam Peckinpah, à ” The Alamo” de John Wayne (autre figure républicaine) et surtout à ” Rolling Thunder” (Légitime Violence) de John Flynn, ce dernier baroud d’horreur renoue avec la violence exacerbée qui faisait le sel du quatrième épisode et montre l’ancien béret vert sous sons véritable jour: une machine à tuer.Instants rocks (“Five to One” des Doors pour l’ambiance), gores (je vous défie de ne pas mettre votre main devant votre bouche), honteusement jouissifs ( cette torture christique dégueulasse)… et porteurs d’une question on ne peut plus philosophique: pourquoi?La violence dans laquelle s’engouffre notre anti-héros est une impasse salutaire à ses yeux…mais une raison de vivre.Une absurdité morale et incontrôlable.Fin de partie.
Repos du guerrier. Les héros sont fatigués. Nous attendons un dénouement où les flics encerclent le protagoniste, bouclant ainsi la boucle avec le premier opus. Peine perdue. L’étalon italien s’enfonce un peu plus dans un classicisme forcené et risible. Et nous désarçonne avec un générique de fin d’une bêtise affligeante.
Sauve qui peut?
Un peu. Et pourtant.
Voir un nouvel épisode de “Rambo“, c’est prendre des nouvelles du tonton d’Amérique et voir (bien) vieillir Sylvester Stallone. C’est voir un acteur étrangement sous-estimé-il suffit de voir sa prestation spectaculaire dans “Copland” de James Mangold– qui possède l’art de retenir les rênes dans chaque climax et embrase de sa présence monolithique cet épisode de trop. C’est aussi constater une certaine forme d’échec.  Attachant jusque dans ses excès, cet acteur-réalisateur aurait dû prendre le gouvernail de ce navire chancelant et décevant.Et retrouver le panache de “John Rambo“.
Ou s’abstenir.Une série TV du vagabond combattant est dans les tuyaux selon le principal intéressé. Nous avons malheureusement une petite idée de l’épisode pilote à notre portée.


John Book.