“Petite Fleur” de Santiago Mitre. La passionata.

Ay, caramba ! Voici un film venant de nulle part qui nous redonne foi dans le Cinéma ! Intriguant, exigeant, doté d’une pincée de folie douce et d’un scénario surprenant de bout en bout, “Petite Fleur” de Santiago Mitre nous questionne autant qu’il nous enchante. L’intrigue ? Un couple s’installe à Clermont-Ferrand. Leur enfant est sur le point de naitre.

Un bonheur de courte durée car sitôt leur emménagement entamé, José (Daniel Hendler, lunaire) se fait licencier injustement de l’industrie qui devait l’employer. Action. Réaction. Sa femme, Lucie, (Vimala Pons, survoltée) saute sur un travail sans relief afin de subvenir aux besoins de sa famille. José, chômeur ” au foyer “et ayant besoin d’une pelle pour travailler dans son jardin, cogne à la porte de son voisin. Un étrange personnage du nom de Jean-Claude (Melvil Poupaud, pas loin de son personnage dans “O.V.N.I.(s)”) lui ouvre grand les bras et sa cave à vin…

Dès lors, le récit prend un virage surréaliste et les choses se corsent véritablement.

Oubliez tous vos repères !

Le réalisateur de “Paulina” et “El Presidente” nous offre un cadeau totalement déroutant,

Si vous n’avez pas encore eu la chance de voir cet objet filmique non identifié, cessez de lire cet article.

Pour les autres, faites comme chez vous, restez.

Si notre ami argentin pioche dans les œuvres de Buñuel (“Le charme discret de la bourgeoisie”), Pasolini (“Théorème”), Losey (“The Servant”) et Blier (” Buffet Froid”), c’est pour mieux couvrir son analyse psychanalytique d’un voile poétique. Jean-Claude, personnage hautain et excentrique EST l’incarnation charnelle du subconscient de José. Jimini Cricket moustachu et épris de jazz, notre diablotin pousse ce jeune papa dans ses retranchements. Le malmène et s’amuse de sa mollesse. L’exhorte à changer.

Ainsi, la maison de Jean-Claude se transforme, l’espace de quelques heures, en temple de la parole et de l’hédonisme. José, en proie à une timide ivresse, y déballe ses problèmes de couple face à un Jean-Claude goguenard mais pétri de bon sens.

Dégustation dans/pour le palais.

Grands crus et vécu.

Be bop et standards sur la platine.

Ces deux compères tuent le temps tout en tissant un lien des plus fragiles : une connivence imaginaire et forcée.

Sujets : dominant-dominé.

Las.

“Petite Fleur” de Sidney Bechet sonne la fin de leur entretien et le glas de notre œnologue.

Car pour une boutade, un petit jeu malsain, JC finit assassiné par son interlocuteur… sur un coup de sang !

José, l’outil de jardinage ensanglanté entre les mains, est sidéré.

Cacher le corps ? Contacter la police ? Les pompiers ?

Notre père perd pied jusqu’à ce que Jean-Claude fasse sa réapparition le jour suivant, bien vivant, installant alors un rituel de crimes quotidiens, domestiques et orgasmiques.

Vous l’aurez compris, José entame une psychanalyse fantasmée, basée sur la connaissance de soi, la mort de ses doutes et sa propre résurrection. Une fois son subconscient rassasié et plié, José n’a plus qu’à le jeter dans les limbes de son esprit.

Le jeudi, c’est permis ?

Indeed.

Dès le crépuscule, revigoré, notre protagoniste s’encanaille avec sa compagne jusqu’à la prochaine contrariété. Le mot de trop.

Construction. Déconstruction.

Objectif :

Sa réhabilitation en tant que père et mari. L’apparition d’un gourou de pacotille (épatant Sergi Lopez) très “entreprenant” et des aveux honteux de Lucie (Lucia y el sexo?) sur ses habitudes cristalliseront toutes les frustrations de notre anti-héros… Jusqu’à un final libérateur.

Plaisir d’offrir et joie de recevoir.

Quel pied !

Voici un cinéaste qui dote son film d’un vrai sens du cadre et de la mise en scène. Point de mouvements de caméras ostentatoires ! Champs-contrechamps élégants. Direction d’acteur au cordeau, montage impeccable sans oublier la photographie de Javier Julia, jouant habilement sur les couleurs chaudes et les contrastes. Oui ! “Petite Fleur” nous emballe dès son ouverture.

Bonbon au poivre excitant les papilles et explosant les (scènes de) méninges ou thriller torride tendance Dali/ Dr Edwardes, ce long-métrage est une expérience jouissive.

A l’heure où les dinosaures trustent le box-office, cette dissection piquante d’une famille “en devenir” réjouit autant qu’elle séduit et flatte notre intelligence.

Ay caramba !

Entrez dans le rêve !

Vous en ressortirez galvanisé(e)s pour le reste de l’Année !

 

John Book.