En fin d’année 2024, les Trans Musicales de Rennes avaient une fois de plus ouvert leurs portes à une myriade de talents éclectiques, offrant aux festivaliers une palette sonore riche et variée.
Sous les néons de la ville et les fumées flottantes de décembre, la musique s’infiltre dans nos oreilles pour secouer nos petits corps en manque d’électro-choc artistique.
Jeudi 5, première vraie journée de lancement de la 46ᵉ édition du festival, et déjà la capitale bretonne frissonne d’impatience sous l’impulsion d’une programmation éclectique, vibrante, électrique, saisissante, autant d’insatiables promesses que nous devons honorer au risque de le regretter amèrement. N’oublions pas que les Trans Musicales ont sculpté un parcours sonore dense, où chaque groupe fut une pièce d’un puzzle, découverte éphémère ou majeure, un monde en soi vecteur de talents et d’émotions brutes.
MÉGADISQ – L’ivresse synthétique et nostalgique
Débutons cette soirée au Liberté. Dès le premier accord, le trio rennais, MÉGADISQ, enrobe la salle d’une lumière irisée, miroitante, une fusion flottante entre passé et futur. Leur électro-pop, gorgée de synthétiseurs aux textures analogiques, évoque ces nuits infinies où l’on danse jusqu’à l’aube, le regard perdu dans les faisceaux lumineux. Une touche rétro, un soupçon de mélancolie, mais surtout une invitation à se perdre dans un tempo hypnotique. Le public du Liberté bercé par cette cadence, oscille entre une euphorie diffuse et une douceur planante.
PAMELA – La fièvre disco-punk
Puis vient PAMELA, et d’un coup, l’atmosphère s’embrase. Un groove implacable, des basses qui cognent et des riffs de guitares acérées insufflent une frénésie irrépressible. Leur fusion entre disco et punk quelque part entre LCD Soundsystem, The Cure, Joy Division, The Strokes et Soulwax, le combo transforme la fosse en une piste de danse underground et fiévreuse. Les voix scandées, du franco-anglais Samuel Sprent, donnent des frissons, et sous les lumières rouges et bleues, la sueur se mêle à l’exaltation pour notre plus grand plaisir…
TRAVO – La tempête psychédélique
Direction le Parc Expo au Hall 4 où TRAVO entre déjà en scène, et c’est une déflagration. Guitares saturées, rythmes hypnotiques, voix noyée dans la réverbération : leur heavy psychédélique est une transe fiévreuse. Entre krautrock et punk désarticulé, ils sculptent un maelström sonore où tension et libération se percutent. Les lumières stroboscopiques battent au rythme des basses grondantes, le public oscille entre chaos et extase. Puis, un dernier accord claque, suspendu dans le silence. TRAVO n’a pas seulement joué : ils ont invoqué une onde de choc qui résonnera longtemps dans les esprits.
DEN DER HALE – L’épopée post-rock en clair-obscur
Puis toujours Hall 4, un virage se dessine avec le quintet originaire de Suède DEN DER HALE. Sans faux-semblant, le groupe plonge l’audience dans une trans éveillée. Leurs morceaux s’étirent comme des paysages flamboyants, traversés par des guitares réverbérées et des crescendos vertigineux. Leurs compositions, lentes et spectrales, exposent une ambiance post-rock intense, aussi psychédélique que contemplative. Il y a du mystique dans leurs vagues sonores, une poésie organique qui évoque les grands espaces nordiques, froids et fascinants. Les yeux se ferment, les esprits divaguent.
DOG RACE – Le chaos post-punk viscéral
Nous restons encore un peu au Hall 4, mais cette fois l’atmosphère change radicalement lorsque DOG RACE entre en scène, noyé, encore, dans un rouge aveuglant. Une tension électrique parcourt ma colonne vertébrale et électrise une bonne partie de la salle dès les premières notes du quintet londonien, qui installe l’ambiance d’un rythme lent mais urgent. La base sonore est puissante et la voix de Katie Healy fend l’air comme une lame, adoptant des mimiques épileptiques et une gestuelle millimétrée. C’est brut, sombre, presque apocalyptique. L’ombre des années 80 plane, rappelant Kate Bush ou Cocteau Twins, s’alliant à une résonance plus contemporaine Dry Cleaning ou Whispering Sons. Le public, hypnotisé, oscille, vacille, pris dans un tourbillon où la musique devient un cri existentiel, simplement bouleversant…
POTO RICO – La folie électro-tropicale explosive
Minuit Hall 8, mais la nuit n’est pas finie, et POTO RICO est là pour nous le rappeler. Celui qui officiait aux côtés de Lorenzo offre en solo un déchaînement d’électro dub, breakbeat, à l’énergie ultra communicative, et d’un coup, le show complètement déjanté entre Fatboy Slim et Prodigy embrase dans une transe tropicale le public réceptif à 1000 %. La fusion audacieuse de rythmes d’électro aux vapeurs latines crée un joyeux bodel plein de couleurs et d’explosions sonores. C’est l’instant du lâcher-prise total, où les corps se vrillent et où la fatigue s’efface au profit de la fièvre collective.
SLATE – La jeunesse tourmentée et envoûtante
Reboosté à mort, retour Hall 4. Pour découvrir le combo venu du Pays de Galles, SLATE. La tension s’annonce un peu plus vintage avec les jeunes Gallois qui apportent une touche de mélancolie élégante, un mélange d’ombre et de lumière qui évoque le post-punk dans ce qu’il a de plus poétique. Leur musique, à la fois rageuse et introspective, baigne dans une noirceur captivante. On pense à Interpol, à Fontaines D.C., à Joy Division, et aussi aux Doors, surtout dans la posture du leader Jack Shephard qui en fait parfois peut-être trop. Mais le show reste captivant, ça joue extrêmement bien et la voix grave et hantée du chanteur fend la brume artificielle, chaque note devient une flèche en plein cœur. Cette génération de moins de 20 ans danse avec brio sur ses blessures et fait revivre la passion incandescente des sonorités d’hier, en nous prouvant que le rock est toujours très actuel, finalement.