“MUSIC OF MY LIFE”. LE COW-BOY ET LES INDIENS.

C’est dans l’air du temps !  Quelques mois avant “Last Christmas”, film de Noël inspiré des chansons du regretté George Michael, voici que débarque dans notre belle contrée (une éternité après sa sortie US) “Music of My Life”… ou comment les chansons du Boss ont  joué un rôle décisif dans l’émancipation d’un jeune anglais d’origine pakistanaise dans les années 80. Inspiré de l’autobiographie du journaliste britannique Sarfraz Manzoor et de sa passion pour Bruce Springsteen, le nouveau film de Gurinder Chadha nous promet un “feel-good movie” à la bande-son éclatante . Pari tenu?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette réalisatrice s’y connait pour nous redonner le sourire et nous serrer le cœur en temps voulu.Véritable hold-up émotionnel, rien ne nous sera épargné. Ni les personnages hauts en couleur ni une recette scénaristique éprouvée: exposition (la famille)-problématique (la crise économique)-dénouement (l’émancipation) . Ajoutez à cela une énergie contagieuse saupoudrée d’un zest de nostalgie (c’était mieux avant), une distribution parfaite et d’une réalisation propre et mesurée. Vous obtiendrez, ni plus ni moins, un long-métrage mainstream et balisé mais qui vous fera fondre-à l’instar des plus belles mélodies du folk-singer du New Jersey- l’espace de deux heures.
Certains y verront du Ken Loach version light ou un “Cercle des Poètes disparus” rock n’ roll. D’autres un pamphlet politique, social et anti-raciste à destination des adolescents en quête de rébellion.
Pour ma part, j’ai trouvé que ce mélange (pourtant hasardeux) des genres- entre chronique adolescente et émancipation sociale via la déification d’un chanteur- s’équilibrait parfaitement. Gurinder Chadha met en exergue , de manière appuyée-certes- mais totalement sincère, la puissance de la musique et des paroles. Cette alchimie mystérieuse entre le fond et la forme, la grande et la petite histoire, le contexte et l’émotion. Comment diable des lyrics inspirés peuvent-ils trouver leurs niches idéales dans des couplets-refrains-couplets? Sous quelle (l)attitude? Par quel jet de dé du destin?
A moins que le Talent n’impose, de lui-même- ses propres règles? Ce qui est, indubitablement, le cas pour l’immense Bruce Springsteen, songwriter à la classe populaire et néanmoins légendaire.L’émotion est, donc, au rendez-vous et le cahier des charges parfaitement rempli. Ce qui n’empêche pas deux éclairs de génie dans ce long-métrage tendre et généreux:

Javed retrouve des cassettes dans son sac ( celles et ceux qui sont nées dans le courant des 70’s savent de quoi je parle) prêtées préalablement par un ami sans savoir ce qui l’attend. Il insère “Born in the USA”, enclenche son walkman sur “Dancer in the Dark” et :YOU CAN’T START A FIRE YOU CAN’T START A FIRE WITHOUT A SPARK!Une déflagration sonique envahit tout l’espace, au point que notre protagoniste-agité de soubresauts- stoppe la chanson.
Voilà. Le rock, le premier frisson, la connexion immédiate avec l’Univers hurlé, chanté, déclamé.
L’adulation par le prisme d’ une bande magnétique.
L’admiration sans bornes pour un(e) Artiste.Tout comme le protagoniste, j’ai 17 ans en 1988 et je tombe raide dingue de Michael Jackson.J’étudie tous ses pas de danse, me gargarise de ses excentricités, ses clips hallucinants et son moonwalk tant de fois répété-en secret-dans ma chambre.J’ai 17 ans en 1988 et tout comme Javed, je suis terriblement timide et romantique. Et Michael sait mieux que quiconque mes peines et mes joies. Puis vinrent A-ha, INXS et…deux ans plus tard Noir Désir. Mais c’est une autre histoire.

Autre moment d’une rare intensité: Javed accompagne sa sœur à une “boum” en pleine journée (oui, cela existait) sans l’autorisation parentale. Nous devenons, alors, complices de cette escapade et pénétrons dans l’antre de tous les interdits. A savoir une jeunesse anglaise/ indienne en pleine ébullition, heureuse de pouvoir s’exprimer loin du carcan patriarcal.  Javed s’enivre de liberté et de corps qui se frôlent sans jamais se toucher. Mais ne peut lâcher Bruce. Il enclenche, de nouveau, le bouton START et la magie opère: une centaine d’adolescents danse sur la musique du Boss et…nous ne sommes ni à Long Branch ni à Luton mais sur un pont reliant les deux, dans un Boss-llywood humaniste et jouissif.En quelques minutes, la réalisatrice de “Joue la comme Beckham” saisit la sève de “Blinded by the Light”.
La communion des communautés par delà les cultures.

Hâtez-vous d’aller communier, à votre tour, avec “Born To Run” ou “The River” dans cette comédie dramatique pleine de bons sentiments mais aussi de ressentiments ( les effets dévastateurs de l’ère Tatcher).Car qu’ils soient du Nebraska ou de Liverpool, tous les working class hero se ressemblent. Et ce très beau long-métrage leur rend un hommage sensible et vibrant.

PS: heureux hasard, nous apprenions, hier, à la sortie de la séance que Mr Springsteen soufflait ses 70 bougies.Immortel, le Bruuuuuce!


John Book.