« Mission Impossible-The Final Reckoning » de Christopher McQuarrie. L’Homme qui tombe à pic.

Clap de fin (?) pour la saga la plus médiatisée de ces dernières années et bilan en demi-teinte pour ce « Mission Impossible : The Final Reckoning » porté par un Tom Cruise exponentiellement investi. Suite quasi immédiate de « The Dead Reckoning », le nouveau genre adopté par Christopher McQuarrie frappe d’emblée dès le pré-générique du film. Point de « patte de lapin » à subtiliser. Point d’acolyte à sauver. Nous sommes confrontés à la fin du Monde via l’appétit galopant d’une intelligence artificielle. Face à nous, un cercle mutant en proie à des changements permanents nous annonce de sa voix robotique et glaçante l’Armageddon. Cette scène, plus proche d’un film d’horreur que du film d’espionnage « lambda » en rajoute dans l’Apocalypse annoncée et énoncée. Et quand je dis « Apocalypse », je pèse mes mots car cette dernière aventure s’apparentera plus à un chemin de croix christique pour Ethan Hunt (« Elu » proclamé et sauveur potentiel de notre Humanité) qu’à une infiltration classique.

Le ton est donné et le compte à rebours peut commencer. Mais qu’est ce qui coince ?
A force de trop vouloir recoller les morceaux entre le précédent opus (ses enjeux nombreux, ses personnages sacrifiés, ses points de chute en suspens, ses objets iconiques…) et les six épisodes de la franchise, Erik Jendresen et Christopher McQuarrie saucissonnent le film d’extraits explicatifs et nous épuisent dans des flashbacks redondants. Bien entendu, « The Final Reckoning » se doit d’être compréhensible pour les retardataires et les néophytes. Mais cet effet de manche (nouveau car l’histoire côtoie l’Histoire et boucle la boucle) se résume plus à un « Best Of » des péripéties de Big Tom qu’à un manuel de bricolage scénaristique. Autre grippage dans cette mécanique d’envergure, les Héros sont fatigués. 

Dans cette constatation brutale, je ne remets pas en cause les talents physiques et la forme olympique que Tom Cruise détient du haut de ses 62 ans. Quand l’heure de ma retraite sonnera, j’espère un jour pouvoir me hisser au niveau de l’acteur-séducteur dans cette course forcenée contre le temps. Je ne remets pas en cause, non plus, le glamour qui traverse ces portraits de quadras, quinquas et sexygénaires. Seulement, là où les précédentes aventures nous assuraient un minimum de cinq moments « clefs » par film (l’insubmersible « Ghost Protocol » en ligne de mire), cette dernière mission se révèle chiche en coups d’éclats. Ici, la récupération de données dans un sous-marin en perdition dans des eaux glaciaires, là une course poursuite haletante entre deux « coucous » en Afrique du Sud. Et entre ces deux « climax », du déjà-vu. Ou presque. Pour preuve, cette scène de combat violente et hors-champ où seul le visage gracile de Grace apparait à l’écran. Un véritable coup de génie qui marque, aussi, les limites de son interprète principal. Ce dernier nous régalera, toutefois, d’une anatomie parfaite en serviette de bain lors d’une une bagarre parfaitement orchestrée et néanmoins viscérale. Autre petit souci, ce long-métrage est bien trop… long. Je vous l’accorde, on ne peut pas se taper toute la collection des « Jack Ryan » de Tom Clancy (dont « The Final Reckoning » se revendique clairement dans son aspect « adulte ») en une semaine. Mais que de moments à dialoguer, soupeser chaque action, chaque choix prédéterminant ! La présidente des USA (incarnée avec détermination par la sublime Angela Bassett) poussera t’elle le petit bouton rouge qui projettera nos sociétés dans une guerre interminable ? Les agents de la CIA cesseront-ils de courir après l’agent Hunt (chasseur chassé) après maints revirements et maintes tractations ? Et ce dernier finira-t-il par faire confiance à un public captif au lieu de s’échiner à récapituler chaque agissement afin de ne pas perdre un auditoire sous l’eau ? Voici pour les poncifs.

Toutefois, et pour reprendre mon ami Nicolas (que je cite affectueusement), en matière de blockbuster, nous sommes dans le haut du panier.

Et ce dernier baroud d’honneur se doit d’être découvert sur grand écran pour ses qualités « organiques ». Oui, nous souffrons avec l’équipe de la Force Mission Impossible. Oui, les affrontements sont plus violents. Oui, la cascade finale est insensée et vous laissera bouche bée. Tom Cruise, producteur, fait dans le solide, le réel, le vintage. « Mission Impossible  » est son terrain de jeu et d’expérimentation old school. Vers l’infini et au-delà ? C’est presque ça.

En ce sens, cet « adieu » se termine en apothéose car (à l’heure où j’écris ces lignes) nul ne peut prétendre s’aligner sur les acrobaties suicidaires de notre monte-en-l’air et nul n’héritera d’une franchise jalousement couvée par son initiateur.
J’aime les films de Tom Cruise car ce type a le chic pour créer l’évènement à chaque projet dévoilé.
J’aime Tom Cruise car- et on l’oublie trop souvent- c’est un acteur incarné lorsqu’il s’ébat dans des films plus indépendants (souvenez-vous de sa performance poignante dans « Magnolia » de Paul Thomas Anderson ou « Né un 4 Juillet » d’Oliver Stone) et non des suites certes jouissives mais calibrées.

Je ne rentrerai pas dans l’éternel débat « homme/artiste » même si ce control freak controversé semble, hors des plateaux, peu doué pour la vie familiale, spirituelle et sentimentale.

Blackout lorsqu’on lui pose des questions sur sa solitude supposée ou ses convictions politiques. L’homme ne s’exprime qu’en termes élogieux vis-à-vis de la production, de ses partenaires ou des cinéastes qu’il rencontre. Point.

Ainsi, il nous faudra patienter jusqu’en 2024 pour retrouver la star auprès d’Alejandro Gonzales et redécouvrir, certainement, une facette oubliée de notre « performer ».
NeverEnding Story pour un nouveau chapitre.
Un nouveau Tom(e)?
 
John Book.