Michel Peteau, esprit fougueux d’un Cheval Fou

50 ans après la 1ère apparition de Cheval Fou, le musicien producteur Michel Peteau reprend la chevauchée fantastique de ce trio atypique avec un nouvel album “Couteau calme”. Il a répondu à nos questions indiscrètes sur le grand retour du cheval le plus fougueux de la scène free-pop française.

Lorsque vous avez créé Cheval Fou, qu’imaginiez-vous à l’époque ?
J’étais un jeune parisien embarqué dans le tumulte de mai 68, ses révoltes, ses remises en question de l’ordre établi, de la famille traditionnelle… C’est dans cette nébuleuse intello prolo parisienne que j’ai commencé à jouer de la guitare; mon père était en train de monter un journal de free press et une tribu du même nom : Le Pop
A peu près à la même époque, j’ai vu les Who au théâtre des Champs Elysées. En sortant, j’ai dit à mon père que je voulais arrêter le lycée pour devenir musicien à plein temps. Je voulais créer de la musique, sans limite ni contrainte, avoir une guitare à moi, et l’emmener partout …. En fait, je voulais surtout échapper aux problèmes d’adultes, aux obligations de l’époque, comme l’armée, je voulais rester un type en marge, quoi qu’il arrive …
Quand j’ai créé Cheval Fou, avec mon frère et Stéphane Rossini, on est très vite devenu le groupe du Pop, le vecteur par lequel la tribu allait communiquer, à Paris comme en province. On avait notre énorme sono, nos amplis, et il y avait dans la tribu des éclairagistes, des graphistes, des scénographes qui convergeaient vers ce projet … On était en pleine vague psychédélique, c’était délirant à tout point de vue.
Cette période initiatique n’a duré que 5 ans, mais j’ai eu l’impression d’en vivre 20.


Pourquoi vouloir revenir aujourd’hui ? Y’avait-il un désir non assouvi ?
Oui, sans doute, puisque Cheval Fou s’est arrêté en pleine course, en même temps que la dissolution de la tribu.
Je ne me le formulais pas clairement, mais j’espérais qu’un jour, j’y reviendrais.
Le confinement m’a offert cette chance, j’en ai profité !

 

Comment avez-vous composé “Couteau Calme”, sans pour autant perdre l’âme d’origine des années 70 ?
À vrai dire, cet album s’est fait de façon assez spontanée. Pendant le confinement, je me suis mis à jouer de la guitare tous les matins au studio, assez fort, en ouvrant les fenêtres pour briser le grand silence de la ville; Les instrumentaux qui sortaient de ma vieille Jaguar me faisaient clairement penser à du Cheval Fou, j’utilisais les delays à fond, les reverb, les riff en 5 temps … ; Il m’a fallu quelques semaines pour trouver la voie à suivre, puis pour m’arrêter sur une dizaine d’improvisations … Je me souviens avoir enregistré « Troncs, branches, brindilles » d’abord, et de m’être senti bien après. Les titres se sont construits les uns après les autres, et un beau jour j’ai décidé que « Couteau calme » était né.

 

Pendant des années, vous avez œuvré sur plusieurs projets avec un grand nombre d’artistes en collaboration, notamment SuperBravo où vous étiez plus investi dernièrement. Y’a t il pour autant un lien invisible entre SuperBravo et Cheval Fou ?
Oui, bien sûr, en 50 ans, j’ai eu le temps de faire beaucoup de choses, avec des gens très différents … Elizabeth Wiener, Jacques Higelin, Elisa Point, Elli Medeiros, La fiancée du Pirate, Pierrot le Fou, Nina Savary, Lou, Nicolas Comment … la liste est un peu interminable.
Le lien invisible entre SuperBravo et Cheval Fou, c’est bien sûr Armelle Pioline, avec qui je travaille sur différents projets depuis une dizaine d’années. On se côtoie beaucoup et on se connait très bien. C’est elle qui m’a encouragé à reprendre Cheval Fou, elle m’a aussi beaucoup aidé pour la réalisation de « Couteau calme ».

Et justement parlez-moi de vos compères Matthieu Askehoug et Cyril Avèque qui partagent l’affiche avez vous. 
Je suis vraiment heureux et fier de ce nouveau trio. Ce sont deux musiciens magnifiques, l’un est bassiste et pianiste, l’autre batteur, tous les deux sont de très bons chanteurs … Quand Matthieu et Cyril sont venus au studio pour notre 1ère répétition, je leur ai donné quelques instructions un peu nébuleuses, du type « mettre la transe au milieu de notre organisation », «en appeler aux puissances du désordre », « négocier avec l’invisible », le tout en jouant très fort, très large et grimés en hommes des forêts … ils n’ont pas fui, bien au contraire, et c’est sur ces bases quelque peu baroques que nous préparons nos futurs concerts …

En écoutant “Two Moons” et bien d’autres titres de votre LP, l’image d’un chant de chaman charismatique me vient en premier, dans une danse indienne invoquant l’esprit de la forêt/la nature. Et je me demandais si ces sous-couches ne sont pas pour vous une sorte d’exutoire (réconfort) face à tout ce qui se passait dans notre vie depuis 2020 ?
C’est sûr que l’enfermement m’a donné envie de partir loin, et les livres m’y ont aidé, comme beaucoup de gens … notamment ce magnifique livre d’Edward Curtis, ethnologue photographe américain qui a passé sa vie auprès des dernières tribus indiennes, avant leur extinction quasi totale. Cette tragédie américaine me hante depuis mon enfance, les indiens étaient mes héros, mes modèles, et je voulais les mettre à l’honneur sur cet album. Ils sont là, de façon plus ou moins fantomatique, sur chacun des titres de « Couteau calme ».

L’introspection, la distorsion d’expression et la liberté étaient des éléments clés de Cheval fou. Dans cette extension, forte, étourdissante, s’ajoute également une vision tendre presque romantique (L’oreille d’un Sourd, Troncs Branches et Brindilles). La tendresse est-elle un des éléments que vous avez voulu mettre en avant ?
Sans doute, puisque j’ai choisi la plume comme symbole de cet album ! Quoi de plus tendre qu’une plume ?


Le mystique est indéniablement de votre giron sur cet album. Écrire, composer des chansons vous aide-t-il à appréhender la vie du bon coté ?
Bien sûr, écrire, composer – et j’ajouterais, écouter – de la musique, c’est vital pour moi !
S’inventer un monde, le temps d’un album, peut effectivement devenir une expérience mystique, selon le temps qu’on y passe, les gens avec qui l’on travaille et la tournure que prennent les choses. Là, j’ai fait un grand voyage immobile et solitaire, dans le passé, dans le lointain, quelque part dans les plaines ocres de l’Arkansas, sans y rencontrer âme qui vive. Juste quelques fantômes, ici et là.

“Habillée De Deux Ailes” Qui est l’oiseau a la voix d’ange dans cette chanson ?
La voix d’ange, c’est celle d’Armelle Pioline, à qui j’ai demandé d’écrire quelque chose pour « Couteau calme ». Elle m’a offert ce tout petit bout d’elle, ces quelques phrases, et j’en suis très heureux !

 

Trianon le 17 novembre, grand retour là encore. L’appréhension est-elle plus grande que l’impatience de défendre à nouveau Cheval Fou ? 
Vos projets pour la suite ? 
Oui, ce sera le 1er concert de Cheval Fou, et on est évidemment très impatients !
Après quoi, nous jouerons à la Boule Noire (le 22/01/22)
Et un peu partout, je l’espère, en 2022

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Cheval Fou en concert au Triton le 17-11-2021 : https://www.letriton.com/programmation/cheval-fou-2723



Photos et vidéos : (c) Olivier Séror

Stef’Arzak