Au cœur de Meule, il y a une pulsation vitale, une vraie alchimie batteries/guitare/machines/chants autour de laquelle s’entrechoque une myriade de sonorités frétillantes et lumineuses. Un synthé modulaire, une guitare, deux batteries et trois musiciens qui peaufinent ensemble un univers organique aux sons ravageurs qui n’appartiennent qu’à eux. Une chaleur musicale aux intensités électriques qui n’est pas sans nourrir un imaginaire fertile, ainsi ils nous font vivre leur musique intensément. A quelques heures de monter sur la scène des Trans-Musicales ils nous ont accordé une interview pour nous parler de cette fameuse Trans éveillée qu’ils proposent !
Comment définiriez-vous l’ADN de Meule ?
Le plus simplement possible : les deux batteries, les synthés modulaires agrémentés d’une guitare. C’est vraiment la base, le fondement même de ce qui nous fait jouer, et de la musique que nous faisons. Notre style, c’est la « trans-éveillée », au carrefour entre le rock-garage, par la batterie, la guitare, la disto, et la musique électro par tous les aspects modulaires.
L’idée est d’envoyer les gens se perdre dans un univers, présent aussi dans nos visuels et tout ce que l’on peut déployer comme matériel artistique, mais « éveillé », car on ne les endort pas, pas comme la techno.
Votre formule est plutôt atypique : quelle était l’idée de départ ?
C’est un laboratoire. On a voulu se rencontrer avec Valentin autour d’un projet qui était de faire de la musique à partir de percussions, des effets et une guitare. Et l’idée était de continuer ce travail entre nous, sans forcément avoir la volonté de répandre le projet, ou en tout cas de jouer beaucoup par la suite. Le reste est vraiment un labo, pour expérimenter à la fois le côté rock un peu violent que l’on aime, le côté vif du rock-garage et le côté un peu répétitif de la musique électronique.
Les machines sont arrivées au début pour compenser le fait que l’on n’était pas 18, puisque dans les musiques que l’on aimait il y avait notamment King Gizzard & The Lizard Wizard où ils sont 6, il y a beaucoup de guitares, beaucoup de choses. Les modulaires sont arrivées aussi à ce moment-là, donc les deux se sont croisées.
Nous sommes toujours en évolution, on trouve toujours de nouvelles façons de travailler, on cherche des choses, plus les deux batteries qui se complètent comme plein de synthés ou plusieurs voix qui viennent créer des polyphonies de rythme, ça rebondit, il y a vraiment du jeu : l’idée est donc de jouer, de se renvoyer la balle. Même si au synthé, c’est un peu difficile car les partitions sont écrites, mais à la batterie, c’est vraiment un partie de ping-pong !
Est-ce qu’il y a quand même une petite partie d’impro ?
D’interprétation plutôt. On est sur un concert qui est plutôt millimétré et l’idée c’est d’installer une base, mais d’y apporter de l’interprétation, de jouer avec, ce qui fait que chaque concert est assez différent dans l’intensité qui y est mise et dans les phrasés, les interactions. Ce qui est important, car nous sommes tous des musiciens de formation d’où l’amour du côté technique de jouer et d’improviser.
Et vous êtes tous aussi musiciens dans d’autres groupes : le fait de vous réunir ça vous permet de développer une synergie complètement différente de ce que vous pouvez avoir dans les autres groupes ?
Complètement ! C’est cette forme de pratique là qui fait Meule. On essaie aussi de garder ça, on a essayé d’expérimenter un peu la compo personnelle pour la mettre dans le projet, et en fait on sent qu’il y a un vrai truc qui se passe quand on est tous les 3, car il se passe quelque chose qui ne se crée par ailleurs. Et c’est important de jouer avec les contraintes de notre instrumentarium et potentiellement aller plus loin. En live c’est ça aussi : dépasser la bulle qu’on a créée.
Dans l’esthétisme musical que vous développez, il y a une sorte de pont entre la musique d’hier, la musique d’aujourd’hui et, on pourrait presque dire la musique de demain. Comment vous vous situez par rapport temporalité musicale ?
On a pleinement conscience de là où l’on vient : nos influences, le son qu’on voulait. On est extrêmement fans du vieux punk-rock allemand par exemple, L’idée d’aller chercher des choses qu’on ne connaît pas, c’est vraiment quelque chose qui nous plaît aussi. Dans le présent on a l’impression qu’il y a un truc rock qui est un peu là en ce moment, qui est cool, du coup on s’inscrit basiquement là-dedans. Par contre, pour la suite, on n’a pas forcément d’idée, mais il y a quand même une volonté d’aller expérimenter le côté labo justement, d’aller un peu plus loin, et d’aller vers des choses que potentiellement les gens n’ont pas encore entendu, même nous !
Il y a un truc aussi d’influences de musiques passées qui est normal. Dans la composition, on ne se pose pas forcément la question de savoir si l’on fait quelque chose d’actuel.
La réaction des gens est assez intéressante, de voir comment ils s’identifient dans cette musique, de voir que toutes les personnes qui ont été bercées par la musique des années 70/80 se retrouvent dans notre musique, et que des gens d’aujourd’hui s’y retrouvent aussi, parce que la partie plus électro, forcément ça les interpelle : aujourd’hui on est bercés par les musiques électroniques.
On n’est pas dans l’analyse, mais on voit ces trucs-là.
Et vous voyez dans votre public le mélange générationnel que vous générez ? Car vous êtes plutôt jeunes…
Tout à fait. C’est assez drôle, il y a des gens qui viennent nous voir en nous disant : « ça nous rappelle tel ou tel groupe des années 70 ! » et il s’approprient le truc. Il y a des choses plus ou moins sensées et des trucs que les gens pensent qui ne nous appartiennent pas forcément. Et il y a aussi des gens très jeunes : l’autre fois il y a une petite qui nous a demandé si on faisait de la psykore ! Ce sont des styles que même nous, même si on est jeunes, on tombe des nues !
Mais effectivement il y a un truc générationnel qui est super. Même nous ça nous dépasse complètement, entre le mec qui te parle de Yes qui est un truc que tout le monde connaît et la psykore qui est une espèce de genre obscur !
L’idée c’est vraiment que les gens puissent s’approprier la musique, par le nom du groupe, par plein de choses, il y a un truc de laisser cours à l’imagination des gens et ce qui parle à chacun.
Meule existe depuis quand ?
Le premier concert a lieu en décembre 2019, juste avant le Covid ! C’était la mauvaise période, mais la bonne pour nous, pour composer, pour maturer.
Et à la base ce n’était pas un groupe, c’était une sorte de laboratoire qui a mal tourné (rires) !
Vos influences sont quand même assez nombreuses, sans pour autant devenir des avatars des groupes qui existaient avant : pour vous c’étaient qui vos pères, ceux qui vous ont donné envie d’expérimenter ça plus profondément ?
Il y a du Kraftwerk, du Neu!, King Gizzard & The Lizard Wizard… Il y a énormément d’artistes en fait !
Ce qui est cool, c’est qu’en faisant cette musique-là, on a découvert d’autres trucs. Les raisons premières pour lesquelles ont s’est retrouvés là-dedans c’était plutôt cloisonné punk rock, mais le fait de voir du pays, de faire de la scène, de voir d’autres groupes, on commence à être inspirés en retour. Mais effectivement, il y a une espèce d’ambivalence entre le garage et la musique électronique. On pourrait dire cela pour plein d’autres trucs, comme on pourrait dire de Sonic c’est Neu!. L’idée, c’est de faire un espèce de burger de ça.
Des projets plus récents comme Bruit ou Colonie de Vacances ?
Oui, carrément. Des groupes qu’on a vus en plus, qui nous ont bien marqués ! C’est très large en fait, ça peut aller jusqu’à Tame Impala.
En fait on s’autorise à incorporer aussi ce qui nous fait vibrer en tant que personnes dans un projet collectif : s’il y a de la techno, il y a de la techno, s’il y a des trucs plus obscurs il y aura des trucs plus obscurs… On ne s’interdit rien.
Il faut aussi séparer ce que nous on aime écouter et notre pratique … J’ai l’impression qu’on est partis de King Gizzard & The Lizard Wizard parce que ça a été vraiment une grosse claque dans ce que ça a amené comme perspectives, du coup on s’est dit qu’il y avait un axe qui était intéressant. Mais on n’a pas trop ce truc d’analyser un style ou un autre… Par exemple on dit parce qu’il y a des batteries et du synthé et c’est répétitif, du coup ça sonne comme du Krautrock, mais on ne s’est pas dit « on va faire un groupe de Krautrock » ! C’est ce qui est cool, c’est qu’on a plein d’influences différentes mais on n’est pas à la recherche d’UNE influence. On essaie des choses et il se passe des trucs, chaque nouveau morceau va aller finalement taper ailleurs et qu’on va aller donner au spectateurs, et je pense que c’est ce qu’on recherche quand on est spectateur : on ne vient pas voir une heure de krautrock, on va voir un concert dans lequel il y a des influences diverses et c’est vraiment une expérience.
Sur scène on ne parle pas, on ne communique pas avec le public, on est vraiment dans un concert qui commence et qui finit par le chant oui, par les mots non. C’est ce truc de voyage qui tient vraiment à cœur.
Vous allez jouer aujourd’hui pour les Transmusicales, qui est quand même d’une renommée internationale, ça vous fait quoi ?
C’est un gros kif quand même ! Une nouvelle expérience aussi, ça ouvre des perspectives pour le projet, c’est un test aussi pour voir notre musique sur un gros plateau. Et c’est aussi des rencontres.
C’est un festival qui se caractérise comme le plus ouvert des festivals en France, c’est pointu en même temps, avec une vraie programmation éclectique, des choses qu’on ne connaît pas, et ça, ça nous touche d’être là.
Et puis c’est la première fois qu’on nous demande notre nom, Meule, rock quoi ! On se demande si on va sortir le dragster ou pas ! (rires).
Live de Meule aux Trans-Musicales dispo ici https://www.france.tv/spectacles-et-culture/festivals/trans-musicales-de-rennes/4373422-meule-en-concert-aux-trans-musicales-de-rennes-2022.html
Nos photos du concert de Meule aux Trans-Musicales ici
Entretien Stéphane Perraux – Retranscription Anne-Marie Léraud pour Lust4live.